La basilique Saint-Pierre de Rome est noire de monde, ce 26 juin 1950. La foule est venue de toute l’Italie pour entendre le pape Pie XII proclamer une nouvelle sainte, la plus jeune de toute l’histoire de l’Église. Maria Goretti, décédée 48 ans plus tôt, à l’âge de 11 ans à peine, après avoir été transpercée de quatorze coups de couteau par son jeune voisin, Alessandro, qui voulait abuser d’elle. Le jour de sa canonisation, assis dans les premiers rangs, un vieil homme pleure en silence. C’est lui, Alessandro, bouleversé. Lui, le pécheur pardonné par sa victime au lieu d’être maudit, le criminel repenti…
Nous sommes le 5 juillet 1902. Maria Goretti, une jolie petite fille venue des Marches avec sa famille pour se construire un avenir dans les environs de Rome, est toute seule chez elle. Alessandro, qui l’épie derrière les volets de chez lui, a essayé plusieurs fois de l’aborder, mais en vain. Il est sans cesse repoussé. Il se glisse alors à l’intérieur de la maison et c’est le drame. Il cherche à la saisir. Maria se débat de toutes ses forces et le supplie "ne fais pas cela, c’est un péché" alors qu’il s’apprête au pire. Furieux, il la frappe puis quitte la maison de Maria en hurlant. Les gens accourent et découvrent Maria qui se meurt.
Après le pardon, la conversion
À l’hôpital Orsenigo de Nettuno, Maria sent que la mort est proche. Mais du haut de ses 11 ans (presque 12), elle est en paix. Elle sait qu’elle va rejoindre le Christ. Avant de mourir, après avoir reçu la communion pour la dernière fois, elle confie au prêtre "pour l'amour de Jésus, je pardonne à Alessandro. Je veux qu'il vienne lui aussi avec moi au Paradis. Que Dieu lui pardonne, car moi, je lui ai déjà pardonné".
Un pardon extraordinaire qui arrivera jusqu’aux oreilles de l’évêque. Et jusqu’à Alessandro, condamné à 30 ans de prison pour son crime. Lui qui continuait à jouer les gros durs, nullement repenti, au fond de sa cellule, est bouleversé par ce pardon : si sa victime ne le maudit pas, serait-ce qu’il n’est pas un monstre, qu’il est digne d’amour et de pardon ? Ce pardon — et celui ensuite, en 1910, de la mère de Maria auprès de laquelle il a reçu aussi la sainte communion — l’ouvre à Dieu, à la douceur de la miséricorde. Il se convertit et demande publiquement pardon pour son crime.
Libéré après vingt ans de détention, Alessandro Serenelli a travaillé comme laïc au Couvent des Pères Capucins d'Ascoli Piceno. Convaincu que la petite Maria — qui lui était apparue une nuit pour lui offrir des lys, symboles de perfection, de lumière et de vie — veillait et intercédait pour lui, il est mort en paix au couvent de Macerata, le 6 mai 1970. Les larmes qui coulaient sur ses joues le jour de sa canonisation étaient des larmes de joie et de reconnaissance… À ce moment-là, les fidèles entonnaient un vibrant Te deum de louange et d’actions de grâces…