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Le délit de solidarité est-il anticonstitutionnel ?

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Gabrielle de Loynes - publié le 04/07/18
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Saisi par deux militants, Cédric Herrou et Pierre-Alain Mannoni, condamnés l’an dernier pour avoir porté secours à des personnes entrées illégalement sur le territoire français, le Conseil constitutionnel est amené à se prononcer le 6 juillet sur la conformité à la Constitution du délit dit « de solidarité ». Pour la première fois, les Sages de la rue de Montpensier détermineront la valeur de notre principe de fraternité.Les 8 août et 11 septembre 2017, Cédric Herrou et Pierre-Alain Mannoni, un agriculteur et un fonctionnaire de l’Éducation nationale, sont condamnés à plusieurs mois d’emprisonnement avec sursis pour aide à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France. Chacun a porté secours à des migrants dans la vallée de Roya, frontalière de Vintimille en l’Italie. Ils ont offert le gîte et le couvert à ces personnes. En agissant ainsi, ils ont commis un délit, le délit dit « de solidarité ».

Qu’est-ce que le délit de solidarité ?

Le délit dit de solidarité est réprimé par les articles L. 622-1 et L.622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Le premier pose l’incrimination de toute assistance à une personne en situation irrégulière sur le sol français. Le second énonce un certain nombre d’exceptions, dont une exception dite humanitaire. C’est cette exception qui fait l’objet d’une QPC. En principe, ne peut être condamnée toute personne, « lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte ». Mais, le texte précise encore que cette contrepartie consiste « à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ». Avec cette précision, offrir l’hospitalité à une personne migrante, ou encore la soigner, est illégale.


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Pourquoi serait-il contraire à la Constitution ?

Pour Me Patrick Spinosi, avocat des requérants, « le paradoxe de ce texte est qu’il a été édicté par le législateur en 2012 en vue d’exonérer de toute responsabilité pénale les gestes de solidarité ». Or, en pratique ce sont bien ces gestes d’humanité qui sont réprimés. Selon lui, la ligne de démarcation est pourtant simple. D’un côté, l’assistance rémunérée de passeurs et autres réseaux clandestins, qui doit rester illégale et être sévèrement sanctionnée. De l’autre, l’assistance désintéressée, « celle des indignés, celle des militants, celle des engagés », qui ne doit pas faire l’objet de poursuites pénales. Les requérants ne demandent pas d’abroger dans sa totalité l’article L. 622-4 du CESEDA. Seules les précisions sur la notion de contrepartie, qui détournent le texte de son objectif, sont visées. Pour l’avocat, ces précisions sont contraires aux principes de nécessité des peines, de légalité des délits et des peines mais surtout de fraternité. Si ce dernier principe n’a jamais été consacré par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n’en demeure pas moins inscrit au préambule de notre Constitution comme un « idéal commun», mais aussi dans la devise de notre nation « liberté, égalité, fraternité ».

Quelle valeur pour la fraternité ?

La fraternité « est ce lien qui unit des êtres qui, sans être frères par le sang, se considèrent comme tels », a proclamé à l’audience l’avocat des requérants. C’est donc sur la valeur qu’il faut reconnaître à ce principe que le Conseil constitutionnel est interrogé. Une notion fondamentale qui interdit qu’on réprime un acte fraternel désintéressé ? Ou une lettre morte ? Pour Michel Borgetto, professeur de droit à l’Université Paris 2, la fraternité « figure dans la Constitution mais reste, pour l’heure, une pure figure rhétorique. Avec cette QPC, les sages ont enfin l’opportunité de lui donner une valeur juridique pleine et entière. C’est une occasion historique! ». À l’audience, Me Spinosi est clair, le texte ne sert pas notre nation, il sert l’administration. « Pour l’administration, il faut briser l’élan naturel de solidarité qui pourrait exister chez chacun d’entre nous », fustige-t-il. En l’état de notre droit, il n’y a point d’actes fraternels, que des actes délinquants. Héberger une famille de migrants qui vit dans des conditions indignes dans nos rues, c’est être délinquant. Les nourrir, aussi. « Mais c’est oublier un peu vite que l’accueil, que la fraternité, que l’asile font partie de l’ADN de notre République », dénonce l’avocat des requérants.


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Le 26 juin au micro de France Info, Cédric Herrou, devenu le symbole de la lutte contre le délit de solidarité a profité de la venue du président de la République au Vatican pour lui lancer un message. «Monsieur Macron devrait d’abord prendre une petite leçon de fraternité, savoir ce que c’est d’ouvrir sa porte», a-t-il lancé. C’est précisément un message subtil de fraternité qu’a transmis le pape François au Chef de l’État lors de sa rencontre le même jour au Vatican. Lui remettant une médaille en bronze de saint Martin, symbole de générosité du IVe siècle, qui a partagé son manteau avec un déshérité, le Pape a fait remarquer au président de la République que « c’est la vocation des gouvernants de protéger les pauvres… et nous sommes tous des pauvres ». La fraternité est-elle une valeur fondatrice de notre nation qui interdit de poursuivre pénalement un acte solidaire ? Réponse le 6 juillet.

Lien vers la vidéo de l’audience

 

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