Le diocèse d’Agen et la communauté marianiste se préparent à célébrer la future bienheureuse le 10 juin prochain après la reconnaissance d’un miracle attribué à son intercession.Adèle de Batz de Trenquelléon (1789-1828) a été reconnue bienheureuse par le pape François suite à une guérison inexpliquée survenue il y a une vingtaine d’année. À l’époque, la congrégation marianiste, rassemblée à Rome en chapitre général, implore mère Adèle pour la guérison de l’une de ses sœurs atteinte d’un cancer aigu. Lorsqu’elle se présente à sa première séance de chimio, elle n’a plus aucune métastase.
« Ce miracle est le signe qu’Adèle est proche de Dieu et peut intercéder auprès de lui en faveur de ceux qui l’invoquent », se réjouit sœur Dominique Saunier, responsable de la communauté marianiste d’Agen. « Sa béatification est un grand évènement pour nous, Sœurs Marianistes, puisqu’Adèle est la fondatrice de notre ordre, et pour le diocèse qui va célébrer sa première bienheureuse à Agen » (depuis 2005, les béatifications n’ont plus lieu à Rome mais dans les lieux d’origine des béatifiés).
Missionnaire dans l’âme
L’Institut des Filles de Marie, connu plus tard sous le nom de Sœurs Marianistes, est fondé à Agen le 25 mai 1816 avec le soutien du bienheureux Guillaume-Joseph Chaminade de Bordeaux. Adèle entretient depuis quelques années une correspondance régulière avec le prêtre, et tous deux ont la même intuition : il faut rechristianiser la France sécularisée par la Révolution Française.
Lire aussi :
Comment ne pas rater le coche de la sainteté ?
« L’esprit de la Congrégation laïque fondée par le père Chaminade est fort proche de celui de la « Petite Société » créée par Adèle à seulement 15 ans, explique sœur Dominique. Cette association regroupe quelques jeunes filles qui ont pour but de vivre de l’Evangile, en se mettant au service de leur prochain. Chacune essaie de devenir missionnaire là où elle se trouve, portée par Adèle qui est elle-même une missionnaire dans l’âme ».
Il faut dire que les besoins sont immenses ! La Révolution a engendré des pauvretés de tous genres : morales, matérielles, intellectuelles, spirituelles. Adèle, qui a été contrainte à l’exil avec sa famille (son père est au service du roi et elle compte parmi ses ancêtres saint Louis et Charles de Batz de Castelmore, plus connu sous le nom de d’Artagnan), est bouleversée à son retour par la misère qui l’entoure. Elle invente avec zèle toutes sortes de moyens pour remédier à ces situations : catéchisme, visite aux malades auxquels elle ne manque pas de parler de Dieu, service des pauvres… Elle travaille sans relâche à l’évangélisation des campagnes de l’Agenais et ouvre une petite école au château pour les enfants des hameaux voisins. Chaque semaine, elle écrit une lettre à ses amies de la « Petite Société » pour les stimuler et les aider à approfondir leur foi.»
Lire aussi :
Le pape François “prie pour que le père Hamel devienne saint”
La fondation de l’Institut, douze ans après celui de la « Petite Société », est la concrétisation d’un « cher projet » qu’elle porte en elle depuis longtemps : l’engagement dans la vie religieuse. « Adèle a ressenti très vite un désir ardent de Dieu. Dès sa première communion, en 1801, était né en elle le désir de devenir carmélite, rappelle sœur Dominique. Cet engagement dans la vie en communauté va lui permettre de se consacrer entièrement au service des plus petits, des pauvres quels qu’ils soient et révéler à chacun l’amour que le Seigneur lui porte. »
Une personnalité chaleureuse et engagée
Adèle a laissé derrière elle une correspondance importante. Écrites entre février 1805, alors qu’Adèle n’a que 15 ans, et fin novembre 1827, moins de six semaines avant sa mort, les 744 lettres qui nous sont parvenues reflètent comme un miroir les 23 années les plus importantes de sa vie. Elles constituent une source précieuse pour découvrir cette « âme de feu » comme l’explique sœur Dominique. « Adèle est généreuse et animée d’une foi profonde qui fait une place privilégiée à Marie. C’est une forte personnalité, très volontaire et enthousiaste ».
Adèle elle-même était bien consciente de sa vivacité, comme elle l’écrit à sainte Émilie de Rodat, fondatrice de la Congrégation des Sœurs de la Sainte Famille : “J’aperçois tous les jours combien il est fâcheux de commander aux autres avant d’avoir appris soi-même à obéir, ou encore, Je crois que vous et moi avons besoin de Supérieurs qui modèrent notre vivacité et nos désirs. “
Lire aussi :
Paul VI sera canonisé cette année
À travers ces lettres apparaissent aussi son esprit pratique et un solide bon sens. Elle reste très concrète et proche de chaque sœur pour lui permettre une progression adaptée à son état. Pour elle, la vie spirituelle n’est pas à chercher dans des choses extraordinaires mais dans la vie quotidienne : “Dieu ne demande pas de nous des choses extraordinaires, mais il veut que nous nous sanctifions dans les choses que nous faisons tous les jours”.
Un modèle de sainteté
Bien qu’affaiblie par l’intensité de son travail et par la tuberculose qu’elle a contractée, Adèle ne se ménage pas et continue à s’impliquer dans sa mission. Prévenu de son état par les sœurs, le père Chaminade lui demande de limiter ses activités, ce qui va constituer une épreuve, un véritable sacrifice pour elle, toujours si active. Cette maladie marque un tournant dans sa vie. Contrainte de faire une pause, elle prend conscience de ses faiblesses et confie à l’abbé Chaminade les difficultés auxquelles elle doit faire face, quand, par exemple, elle n’a pas toujours le goût à la prière : “Je trouve un vide pénible dans mes journées, que je désirerais remplir par l’amour de Dieu et par une surveillance plus habituelle sur la communauté. Pour ce qui est de l’amour de Dieu, mon cœur est sec et aride et ne peut absolument s’occuper seul à seul avec son Dieu.”
« On sent une lutte constante en elle pour ne pas se faire d’illusions sur les motifs qui l’animent » reconnaît sœur Dominique. Cependant j’accepte, tout le temps que vous voudrez, mon interdiction pour l’extérieur, car mon âme en avait besoin; j’y tenais beaucoup trop par vanité, goût naturel, etc. Je sens que c’est l’amour-propre, le désir de l’estime et de l’approbation du monde qui a été le mobile de presque toutes les œuvres que j’ai entreprises sous le prétexte de zèle !
Quatre jours de cérémonie dans le Lot-et-Garonne
« La béatification a pour but de proposer aux chrétiens un modèle de sainteté dans le diocèse d‘origine du bienheureux ou de la bienheureuse et, si c’est le cas, dans la famille religieuse qu’il ou elle a fondée. C’est vraiment le cas d’Adèle qui nous présente un modèle très humain et proche, avec ses doutes, sa réflexion et son travail sur elle-même. Elle a traversé sa nuit de la foi pour continuer à cheminer vers Dieu. »
Lire aussi :
Amanda, la petite fille aimée du Ciel au cœur de la canonisation de Paul VI
Adèle, devenue mère Marie de la Conception, est rappelée à Dieu le 10 janvier 1828, laissant plusieurs communautés bien vivantes dans le Sud-Ouest et dans le Jura. Sa mère écrit au père Chaminade : Ce sera une protectrice zélée ; elle l’était tant sur la terre !
La béatification d’Adèle de Batz de Trenquelléon donnera lieu à quatre jours de cérémonie dans le Lot-et-Garonne avec spectacle dans son château natal, marche (pour les jeunes), vénération des reliques et procession de la cathédrale jusqu’au parc des expositions où aura lieu la célébration solennelle en présence de Mgr Herbreteau, évêque d’Agen, du cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux et du cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, représentant du pape. Pour tout renseignement pratique, consulter le site officiel de la béatification : www.beatadele.com
En images – Huit Français en attente de canonisation