En décidant de reconnaître Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël, le président américain, Donald Trump, certains craignent un accès aux lieux saints plus difficiles. Qu’en est-il vraiment ?
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Si Jérusalem est au cœur du conflit israélo-palestinien, depuis 1947 c’est notamment à cause de son statut de ville sainte pour les trois monothéismes. En effet, chaque changement de statut de la ville peut laisser craindre un changement dans l’accès aux lieux saints.
La ville « trois fois sainte »
Située en Terre Sainte, région où a vécu Jésus, Jérusalem bénéficie d’un statut particulier chez les chrétiens, puisque c’est la ville où il est arrêté, crucifié et où il ressuscite. On y trouve logiquement de nombreux lieux saints. L’église du Saint-Sépulcre, érigée sur le lieu de la tombe du Christ est le plus emblématique d’entre eux. Elle abrite aussi de nombreuses églises chrétiennes comme l’église de Toutes-les-nations, située au pied du monte des Oliviers, qui renferme le rocher au pied duquel, Jésus pria durant son agonie, avant son arrestation (Luc 22, 41), l’église Sainte-Anne bâtie à l’endroit où la Vierge Marie serait née, l’église orthodoxe du sépulcre de la Sainte Vierge, qui hébergerait selon la tradition la tombe de la mère de Jésus, de son mari Joseph et de ses parents Anne et Joachim, ou encore l’église Saint-Pierre en Gallicante, qui remémore le moment où l’apôtre Pierre a pleuré après avoir renié trois fois son Seigneur après le chant du coq (gallus en latin). Le souvenir du martyr de Jacques le juste, « frère du Seigneur » selon Paul (Galates 1, 19) et « évêque » de Jérusalem, y est aussi vénéré.
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Jérusalem, ville foulée par les trois Patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, est également un lieu très important pour les juifs. Il s’agit de la capitale de la monarchie unifiée d’Israël sous les règnes de David et Salomon, les deux plus grands rois hébreux. C’est elle qui abrite le Temple de Jérusalem, détruit deux fois par les Babyloniens puis par les Romains en 70 ap. J.-C. Aujourd’hui, il ne reste de cet édifice que le Mur des Lamentations, lieu de pèlerinage au cours des trois fêtes de pèlerinage : ainsi, tous les ans durant la fête de Pessa’h (Pâque juive).
Pour finir, Jérusalem est également sainte pour les musulmans qui reprennent une partie importante des traditions juives et chrétiennes. À l’origine, Mahomet et ses disciples priaient en direction de cette ville (Qibla), avant de s’orienter finalement vers La Mecque. C’est également le lieu où Mahomet aurait, selon la tradition musulmane, effectué l’isrâ’, « voyage nocturne » miraculeux de La Mecque à Jérusalem, qui précède le mi`râj (« ascension »), où le prophète serait monté aux cieux puis descendu aux enfers en compagnie de l’ange Gabriel (Djibril). La mosquée al-Aqsa et le dôme du Rocher, premier monument musulman, tous deux bâtis sur l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem-Est, rappellent ces événements. L’esplanade forme le troisième lieu saint de l’islam sunnite.
Une décision symbolique, mais peu de changements pratiques
L’accès à tous ces lieux saints est primordial pour les trois monothéismes. Chrétiens et musulmans sont alors en droit de se demander si l’État israélien risque de les leur confisquer. Comme l’a souligné auprès de nous Alain Dieckhoff, directeur de recherche au CNRS spécialisé dans la politique et la société contemporaine d’Israël, « les libertés de culte sont respectées, y compris depuis l’annexion de Jérusalem-Est par Israël en 1967. » Tout en admettant que « la situation a toujours été un peu plus compliquée pour les lieux de culte musulmans. »
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Depuis 1947, la Palestine est partagée en deux États, l’un arabe et l’autre juif. Jérusalem est exclue de ce plan et passe sous le contrôle des Nations unies. L’année d’après, elle est cependant divisée entre une partie occidentale annexée par Israël et une partie orientale. Mais la situation actuelle est principalement issue de 1967. Lors de la guerre des Six Jours, Tsahal, l’armée israélienne, conquiert Jérusalem-Est. Israël déclare alors la ville « réunifiée », sa capitale « éternelle et indivisible ». Le Conseil de sécurité considère cet établissement comme une violation du droit internationale.
L’État hébreux maintient alors le Statu quo concernant les lieux saints. La résolution 181 du 29 novembre 1947 prévoit que le gouverneur de Jérusalem, « constituée en corpus separatum sous un régime international spécial », soit compétent, non seulement dans ce corpus separatum (incluant notamment Jérusalem et Bethléem), mais aussi dans les deux États arabe et juif, pour surveiller et arbitrer la bonne application des dispositions communes. Ces dernières sont au nombre de quatre : « Il ne sera porté aucune atteinte aux droits existants concernant les lieux saints, édifices ou sites religieux » ; « en ce qui concerne les lieux saints, la liberté d’accès, de visite et de transit sera garantie », même pour les étrangers ; « les lieux saints et les édifices ou sites religieux seront préservés » ; « aucun impôt ne sera perçu sur les lieux saints, édifices ou sites religieux qui étaient exemptés d’impôts lors de la création de l’État ».
Un « département des communautés chrétiennes »
De son côté Israël s’est engagée lors de sa déclaration d’indépendance du 14 mai 1948 à assurer « la sauvegarde et l’inviolabilité des lieux saints et des sanctuaires de toutes les religions » et à respecter « les principes de la Charte des Nations unies ». À peine deux semaines après la guerre des Six-jours et l’annexion complète de Jérusalem, affirme lors de loi du 27 juin 1967 sur la protection des lieux saints que « les lieux saints seront protégés contre la profanation et contre toute autre violation, ainsi que contre tout ce qui serait susceptible d’entraver la liberté d’accès des membres des diverses religions aux lieux qui leur sont saints, ou d’offenser leurs sentiments envers ces lieux. »
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En pratique, le « département des communautés chrétiennes » du ministère de l’Intérieur prétend garantir et arbitrer entre communautés chrétiennes l’application du Statu quo. Cependant, si l’État hébreux laisse libre pour les pèlerins étrangers l’accès aux lieux saints situés en sur son territoire et à Jérusalem-Est, en revanche, il le restreint de façon drastique pour les chrétiens palestiniens au motif des « considérations de sécurité nationale » réservées par la résolution 181 (1947). Les lieux sains musulmans sont quant à eux administrés par la Jordanie, par l’intermédiaire Waqf islamique de Jérusalem et de la Fondation d’Al-Aqsa pour la dotation et le patrimoine, en attendant que la Palestine dispose d’un vrai pouvoir législatif. Ce « rôle particulier » est reconnu au niveau international par l’article 9 du traité de paix de 1994 avec Israël. La circulation sur l’ensemble du territoire israélien et palestinien (bande de Gaza et Cisjordanie) est contrôlé par l’État hébreux.