Le miracle – reconnu par l’Église en quelques mois – s’est produit le 29 août 1953, à Syracuse, en Sicile, sous le toit de jeunes époux, Angelo Iannuso et Antonina Giusto. Cette dernière est alors enceinte de leur premier enfant. Ce jour-là, et les trois jours suivants, des « larmes humaines » coulent des yeux de la Vierge, reproduite sur un bas-relief avec son Cœur Immaculé entouré d’épines, accroché au mur de leur chambre. Un cadeau reçu à leur mariage, quelques mois plus tôt. L’Église accueille la nouvelle avec prudence. Le curé de l’époque, l’abbé Giuseppe Bruno, avec la permission de l’archevêché de Syracuse, se rend le 1er septembre chez les jeunes époux, en compagnie de divers docteurs du laboratoire d’hygiène et prophylaxie de la province italienne.
Que disent les analyses
Ces experts, parmi lesquels une athée bien connu, le docteur Michele Cassola qui présidera par la suite la commission scientifique, assistent au phénomène des larmes, devenant des témoins oculaires de première importance. Devant eux, les yeux de Marie se gonflent de larmes comme ceux d’une personne prise d’une forte émotion. Larmes qui commencent à couler, striant son délicat visage, pour finir dans le creux de sa main. Des personnes présentes réussissent à recueillir quelques larmes sur du coton, comme d’autres les jours précédents. Des chimistes, équipés eux d'éprouvettes, récupèrent l'équivalent d'un centimètre cube du précieux liquide.
Quelques jours après le prélèvement, la commission scientifique fait un large exposé. La partie, apparemment recouverte d’émail de l’effigie de la Vierge est alors décrochée du verre noire qui servait de support et on l'examine. On constate alors que celle-ci fait 1 à 2 cm d'épaisseur environ et qu’elle est totalement sèche au moment de l'examen. Le liquide recueilli est soumis à une série d’analyses chimiques et biologiques et comparé à la sécrétion lacrymale d’un adulte et d’un enfant de deux ans et sept mois. Résultat : il s'agit de la même composition et des mêmes substances que celles sécrétées par un organisme humain. Le 9 septembre 1953, tous les scientifiques de la commission signent un rapport sur ce phénomène, y compris le président en personne, Michele Cassola, pourtant athée, qui reconnait ne pouvoir donner une explication scientifique.
La reconnaissance de l’Église
La position de l’Église sur la question est nette : trois mois après la publication du rapport, le 12 décembre 1953, l’épiscopat de Sicile, se prononce unanimement en faveur de l’authenticité « indubitable » du prodige des larmes. Un an plus tard, le 17 octobre 1954, le pape Pie XII indique dans un message radio : « Les hommes comprendront-ils le mystérieux langage de ces larmes ? Oh, les larmes de Marie ! ». On était en pleine période du rideau de fer soviétique et de l’Église du silence, persécutée par le régime communiste.
Aujourd’hui, les larmes de la Vierge de Syracuse sont conservées dans un précieux reliquaire, exposé dans la crypte du Sanctuaire basilique Notre-Dame des larmes, à Syracuse – inauguré par saint Jean Paul II le 6 novembre 1994. L’œuvre est réalisée par le sculpteur et peintre sicilien Biagio Poidimani. Les statues de sainte Lucie, patronne de Syracuse, de saint Martien, premier évêque de la ville et des saints Pierre et Paul ornent la base de la précieuse structure, composée de trois parties l’une sur l’autre. Dans le cadre des initiatives du jubilé de la miséricorde, en 2016, "comme signe visible" de la miséricorde de Dieu face à "toutes sortes de petites ou grandes souffrances que chacun porte en lui", le pape François a organisé une grande veillée de prière, invitant tous ceux qui souffrent dans leur corps ou leur esprit" à venir "sécher leurs larmes" à ses côtés, à Saint-Pierre, au pied du reliquaire exposé dans la basilique à cette occasion.
Qui a contesté le miracle ?
Le chercheur italien Luigi Garlaschelli, du département de chimie organique à l’université de Pavie, et membre du comité pour le contrôle des affirmations sur les faits présentés comme paranormaux (Cicap) affirme avoir reproduit plusieurs fois "le miracle " à partir d'une statue en matériel poreux imbibée d'un liquide salin. La statue, recouverte ensuite d’émail, a été percée de petits trous à la hauteur des yeux, permettant au liquide dont elle était imbibée de sortir et de s’écouler comme s’il s’agissait de de vraies larmes. Une copie exacte de la statue de Syracuse réalisée par le même producteur à la même période, le professeur Garlaschelli a fait observer que celle-ci était en plâtre émaillé, avec une cavité derrière la tête (Agora Vox, 17 avril 2013).
Mais comme écrit Saverio Gaeta dans "Siracusa e le lacrime della Madonnina" ("Syracuse et les larmes de la Vierge"), la commission, à l’époque des événements, avait démonté le bas-relief pour vérifier la présence de corps étrangers, et dans son rapport, avait reconnu officiellement que "l’examen à la loupe des coins intérieurs des yeux n’a relevé aucun pore ou irrégularité de la surface de l’émail, mais comme un gonflement de la paupière inférieure à chaque écoulement des larmes, comme il ressort du petit film en possession de l’archevêché de Syracuse".
Article traduit et adapté de l'italien par Isabelle Cousturié