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Face à la dépression, redécouvrir le message chrétien

Père Joël Pralong

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Armel de Sansal - publié le 07/04/17
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À l’occasion de la Journée mondiale de la santé 2017 consacrée à la dépression, le père Joël Pralong, auteur de plusieurs ouvrages sur cette question, livre à Aleteia les fruits d’années d’expérience. Le supérieur du séminaire de Sion (Suisse) a accompagné de nombreuses personnes blessées, qui comptent parmi les 300 millions de personnes dans le monde touchées par la dépression (d’après l’OMS, soit +18% entre 2005 et 2015).Aleteia : Comment mieux cerner et définir le phénomène de la dépression ?
Père Joël Pralong : C’est une question bien complexe. Pour l’introduire, nous pouvons dissocier trois types de dépression qui ont pour point commun le sentiment d’angoisse et la pleine conscience d’être malade.

  • La dépression existentielle représenterait un quart des cas. Elle trouve son origine dans le manque de sens à la vie, occasionné par la jouissance des biens matériels et des plaisirs immédiats qui laissent un vide profond.
  • La dépression nerveuse exogène, liée à une cause extérieure connue : déception, fiasco, banqueroute, avec des accents très divers en fonction des âges de la vie.
  • La dépression nerveuse endogène, liée à une cause intérieure, plus difficile à cerner : des blessures qui remontent dans le passé infantile et entraînent une perte de confiance.

Nous pouvons également la décrire à travers le prisme de la spiritualité, éprouvée par sainte Thérèse de Lisieux, comme l’expérience la plus douloureuse de notre faiblesse humaine, à savoir, l’incapacité de vouloir et la paralysie de tout désir : « Je voudrais bien, mais je ne peux pas… Je voudrais vouloir, mais je ne veux rien ! »

Comment expliquer, aujourd’hui, la recrudescence de cas de dépression ?
Sans avoir la prétention de tout expliquer, je voudrais attirer l’attention sur quelques points. C’est une bonne chose que l’OMS ait axé cette campagne sur la dépression, une forme puissante de mal intérieur. Car à quoi bon avoir une bonne santé physique si je ne sais plus vers quoi l’orienter. Notre monde occidental a tout ce qu’il faut pour vivre, mais plus assez de raisons valables de vivre. Nos sociétés « adolescentriques » vivent dans l’immédiateté, le moment présent où l’on s’éclate, mais où l’on éclate surtout son âme. On puise et on épuise la vie, on ne la donne plus.

Comment en sommes-nous arrivés là ?
Le glissement s’est opéré depuis la Renaissance, quand l’homme a été mis au centre, à la place de Dieu. Les périodes modernes ont ensuite conduit progressivement à évacuer l’homme pour mettre l’économie et le profit au premier plan. Or cette société a déçu un grand nombre de contemporains : les compétences et le rendement ont pris toute la place tandis que les valeurs spirituelles comme l’amour et le don de soi, ont été évacuées. La dépression, comme l’anorexie mentale, est comme un cri d’alarme. Elles signent une revendication, une révolution de l’âme oubliée : « On en a assez de cette nourriture de misère qui ne s’adresse qu’aux sens, nous réclamons une nourriture spirituelle qui nous donne une raison valable d’exister ! » La redécouverte de la transcendance joue ici un rôle de premier plan.

Que manque-t-il donc à notre monde dépressif ?
Ne nous y trompons pas, le maître-mot ici est bien l’Espérance, qui fait tant défaut en Occident, cette force de vie créatrice qui nous pousse en avant et s’accroche à la promesse d’un avenir meilleur. Et l’Espérance, au sens chrétien du terme, pointe le doigt vers « quelqu’un », ce Dieu qui marche avec nous dans l’aujourd’hui de nos vies et nous promet de nous aider dans le futur, culminant même au-delà de la mort, vers plus de vie, d’amour et de lumière. Les mystiques, les moines, les artistes, les musiciens, les religieux en sont les témoins privilégiés. Ils nous proposent une autre nourriture, pour apaiser la faim de l’âme.

Quelles réponses face à la douleur de la dépression ?
La première est bien sûr médicale, à ne jamais négliger, pour redonner du dynamisme au système nerveux défaillant et affaibli, qui consiste à traiter la maladie par un apport médicamenteux approprié, accompagné d’une psychothérapie à long terme qui cherche à cerner les causes du mal-être. C’est le traitement de choc. Ensuite, en complément, l’aide spirituelle qui propose de trouver ou de retrouver un sens à la vie auquel le patient pourra se raccrocher et dépasser sa souffrance. Il s’agit d’éprouver Dieu comme présence, consolation, force, amour…

Pour prendre une image, la psychothérapie va remuer le fond de l’étang, le passé obscur, cause de la souffrance, tandis que la spiritualité se tourne du côté du ciel qui redonne à l’étang sa belle couleur bleutée grâce au soleil qui s’y reflète. La réponse se trouve à la fois dans le passé et dans le futur. Psychothérapie et spiritualité sont complémentaires, elles prennent soin d’une même souffrance, mais par des voies différentes. En spiritualité, la force qui se dégage des sacrements procure un bienfait non négligeable.

Dans ce domaine, l’exemple de la petite Thérèse vous tient à cœur…
Thérèse a beaucoup à dire aux dépressifs d’aujourd’hui. Elle aussi a été frappée par ce mal. Sa guérison est passée par son identification au Dieu faible et fragile de l’Enfant de la crèche, la nuit de Noël 1886. De cet Enfant-Dieu, elle a senti en elle une force divine insoupçonnée, lui redonnant l’envie de vivre. Accepter sa faiblesse et en faire une école de vie et de foi, c’est la découverte de Thérèse. À son exemple, pour l’aide et la prévention face à la dépression, le chrétien est donc dépositaire d’un message puissant.

Propos recueillis par Armel de Sansal.


Femme desespérée
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Découvrez les ouvrages du père Joël Pralong  

Angoisse, dépression, culpabilité, un chemin d’espérance avec Thérèse de Lisieux, éditions des Béatitudes, 144 pages, 2010, 13, 20 euros. 

Être bien dans ses baskets, éditions des Béatitudes, 2012, 10, 70 euros. 

La prière dans tous ses états, un chemin pour trouver la paix du cœur, éditions des Béatitudes, 152 p., 2017, 10, 70 euros.

Bibliographie complète du père Joël Pralong. 

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