Le chanteur, poète maudit et provocateur, est mort un 2 mars, il y a 26 ans.Non, non, rassurez-vous, Aleteia n’entend pas ouvrir tout de suite le procès en béatification du sulfureux chanteur de La Javanaise et du Poinçonneur des Lilas. Les chansons de Gainsbourg n’avaient d’ailleurs probablement pas pour vocation d’exalter la spiritualité ou les valeurs chrétiennes. L’anniversaire de son décès nous offre seulement un petit prétexte pour exhumer dans l’œuvre de cet artiste torturé une perle aujourd’hui presque oubliée…
Certains vinyles de l’auteur-compositeur-interprète sont en effet truffés de références au milieu culturel dans lequel le jeune Lucien Ginsburg a grandi. Ce collège jésuite de Saint-Léonard-de-Noblat où il doit trouver refuge sous une fausse identité en 1944, les Beaux-Arts qu’il fréquente où les motifs religieux foisonnent, la figure suppliciée de saint Sébastien qui l’émeut aux larmes, ou cette France à peine sortie de la Seconde Guerre mondiale, et encore pétrie de traditions séculaires.
L’homme à tête de chou, garçon poli, effacé et timide dans son costume sombre des années 50, le parolier des stars les plus glamours des années 60, endosse à la fin des années 70 le blouson en jean élimé du soiffard accroc aux gitanes. Bouffé par le spleen, Gainsbourg se déglingue en direct sous les yeux des Français dans une inexorable spirale autodestructrice. Pourtant, à la charnière de ces deux dernières époques de sa vie, la sensibilité du poète perce encore la surface du cloaque où le chanteur va se noyer. Fruit de cette inspiration où se mêlent le stupre et la grâce, l’album Mauvaises nouvelles des étoiles sorti en 1981, recèle une émouvante pépite. L’album tire son nom d’un tableau de Paul Klee (Très mauvaise nouvelle des étoiles, 1913) que Gainsbourg avait suspendu à ses cimaises de la rue de Verneuil.
Enregistré à Nassau aux Bahamas, le second album reggae du chanteur, à l’apogée de sa période dite “jamaïcaine”, est produit avec le concours des plus grands musiciens de l’ancienne colonie britannique (guitaristes d’Elvis Presley ou choristes de Bob Marley, rien que ça). Un disque torturé, mélancolique, existentiel, nourri de questionnements sur la mort, la religion. Deuxième titre de l’album, la chanson « Ecce Homo » marque la naissance du double maléfique de Gainsbourg, nommé Gainsbarre, qui lui collera à la peau, et accélèrera la décadence de cet artiste hors pair.
Et ouais c’est moi Gainsbarre
On me trouve au hasard
Des night-clubs et des bars
Américains c’est bonnard
La carrière du chanteur bascule alors et la décrépitude s’accélère jusqu’à la fin que l’on sait et dont ce jour marque le triste anniversaire.
Ecce Homo, “voici l’homme” en latin, est la célèbre formule prononcée par Ponce Pilate en présentant le Christ à la foule, portant la couronne d’épine et vêtu de son manteau de pourpre, tissé d’un seul tenant, sans couture (Jean 19, 5) : Quand ils le virent, les grands prêtres et les gardes se mirent à crier : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » Pilate leur dit : « Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » “Ecce Homo”, une chanson prémonitoire.
Et ouais cloué le Gainsbarre
Au mont du Golgothar
Il est reggae hilare
Le cœur percé de part en part