“Le pape de ma jeunesse est Benoît XVI, dont la communication pouvait apparaître bien moins moderne ou populaire que celle de son prédécesseur, ce qui lui fut parfois reproché : pour ma part, c’est précisément ce qui me séduisit.
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Je suis un jeune Parisien de bientôt 25 ans que rien ne destinait à se tourner un jour vers cette chose indistincte et que j’appelais jusqu’à récemment encore « la religion ». Pourtant, depuis bientôt deux ans, je me considère comme catholique – et je serai très prochainement baptisé.
Continuant mon cheminement spirituel, je n’en gardai pas moins un œil passioné sur la politique et ses débats, sur l’actualité et sur l’agitation d’un monde sur lequel mon regard n’était pas encore transformé par ma foi encore naissante. Animé par des réflexes bien antérieurs en moi aux toutes neuves révélations qui commençaient d’agir sur moi, je réagissais encore de manière automatique à certains sons : « droit des femmes » m’évoquait instinctivement la lutte pour la libération sexuelle, « pauvreté » éveillait en moi le sentiment d’une injustice dont profitaient des puissants parmi lesquels je comptais, sans aucun soupçon, le clergé tout entier – quant au mot « famille », il provoquait ma méfiance envers tout ce qui, à mes yeux, ralentissait ou s’opposait à son évolution vers une forme moderne et correspondant aux mœurs de notre époque.
Au croisement de la politique et de la foi, c’est le Pape qui a considérablement contribué à approfondir ma vision du monde et de la société. Je ne suis pas de la génération Jean-Paul II, qui a longtemps symbolisé la jeunesse au sein de l’Église : j’avais 12 ans lorsqu’il décéda et n’ai que de vagues souvenirs de sa marionette aux Guignols de l’Info. Le pape de ma jeunesse est Benoît XVI, dont la communication pouvait apparaître bien moins moderne ou populaire que celle de son prédécesseur, ce qui lui fut parfois reproché : pour ma part, c’est précisément ce qui me séduisit. Alors que je voyais les chrétiens de mon entourage s’inquiéter d’un Vatican ringardisé par une figure qui leur paraissait peu propice à susciter la clémence des médias, c’est cette hostilité du monde médiatique qui me fit prêter attention aux discours d’un homme que je soupçonnais d’être bien plus habile qu’il n’y paraissait.
J’habitais à Berlin lorsqu’il fit un voyage dans son pays natal qui suscita d’importantes manifestations hostiles. Des graffitis le caricaturant en Adolf Hitler recouvraient certains murs, et des militants passablement énervés s’étaient rassemblés face à la cathédrale. Chaque soir, sur ce parvis, une distribution de soupe était organisée par des paroissiens protestants et catholiques pour les sans-abris. Les manifestants ne restèrent pas assez tard pour proposer leur aide, mais je ne pus m’empêcher de douter qu’ils l’eussent fait. À la question « Qu’avez-vous fait pour changer le monde aujourd’hui ? », nul doute qu’ils auraient fièrement répondu qu’ils avaient vociféré de longues minutes durant contre une menace rétrograde. Les paroissiens en question auraient sans doute hésité avant de répondre : « Sans doute peu de choses ».
Quelques années plus tard, je tombai par hasard sur quelques mots de Benoît XVI qui eurent un écho soudain dans mon esprit : « L’activité caritative chrétienne doit être indépendante de partis et d’idéologies. Elle n’est pas un moyen pour changer le monde de manière idéologique et elle n’est pas au service de stratégies mondaines mais elle est la mise en œuvre ici et maintenant de l’amour dont l’homme a constamment besoin ».
À partir de ce jour, ma foi en la politique disparut. Utile, peut-être indispensable, la politique ne changerait pas le monde en profondeur – elle ne le changerait pas là où il devait être changé. Ma foi, désormais, devait se placer ailleurs.
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