Parfois prononcées à la légère et oubliées sitôt dites, les paroles s’envolent sans qu’on en mesure les conséquences. Même s’il n’est pas toujours facile de tenir sa langue, plusieurs solutions existent, et en premier lieu la prière. Nous avons tous été marqués, en bien ou en mal, par des propos qui nous ont été adressés : encouragements ou reproches, mots d’amour ou de colère, compliments ou médisances. Des années plus tard, nous nous rappelons encore certaines paroles qui ont eu sur nous une influence déterminante… alors même que ceux qui les ont dites n’en ont pas gardé le souvenir. Parfois, il suffit d’une remarque bienveillante pour changer le regard que nous portons sur un proche. À l’inverse, deux ou trois phrases suffisent à détruire une réputation, comme autant de banderilles placées avec habileté.
« Tous, en effet, nous commettons des écarts, et souvent. Si quelqu’un ne commet pas d’écart quand il parle, c’est un homme parfait, capable de maîtriser son corps tout entier. En mettant un frein dans la bouche des chevaux pour qu’ils nous obéissent, nous dirigeons leur corps tout entier. Voyez aussi les navires : quelles que soient leur taille et la force des vents qui les poussent, ils sont dirigés par un tout petit gouvernail au gré de l’impulsion donnée par le pilote. De même, notre langue est une petite partie de notre corps et elle peut se vanter de faire de grandes choses » (Jc 3, 2-5).
Une parole dite ne se reprend pas
Comme pour tous les dons de Dieu, nous pouvons user de notre langue pour le meilleur ou pour le pire ! Mais le pire ne doit pas nous faire oublier le meilleur : la peur de commettre des « écarts de paroles » ne doit pas nous plonger dans le mutisme. Si nos paroles peuvent faire du mal, elles peuvent aussi bénir, consoler, encourager, réjouir : à nous de bien diriger le « petit gouvernail » qu’est notre langue. Pour cela, évitons de parler sans réfléchir ou sous le coup de la colère.
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Une parole dite ne se reprend pas : bien sûr, on peut, ensuite, demander pardon et essayer de réparer les torts qu’on a commis. Mais n’aurait-il pas été préférable de se taire ? Quand nous nous sentons bouillir d’indignation, quand nous sommes rongés par le dépit et l’amertume, ou emportés par le désir de briller en multipliant les plaisanteries « gentiment » assassines, mieux vaut ne rien dire que d’en dire trop.
« Mets une garde à mes lèvres, Seigneur… »
Le pape Jean XXIII, d’une grande vivacité d’esprit, préférait retenir les bons mots qui lui venaient plutôt que de risquer d’égratigner quelqu’un… quitte à passer pour moins spirituel qu’il ne l’était en réalité.
« Mets une garde à mes lèvres, Seigneur, veille au seuil de ma bouche »
« Mets une garde à mes lèvres, Seigneur, veille au seuil de ma bouche » (Ps 140, 3) : au milieu des conversations les plus animées, des bavardages les plus insouciants et des discussions les plus passionnées, cette prière peut monter de notre cœur. Quelques fractions de secondes suffisent pour nous taire et nous tourner vers l’Hôte intérieur, afin d’accorder notre cœur au sien et nos paroles à sa parole. Cette attention à Dieu, ces minuscules plages de silence dans le flot de nos paroles nous aident à ne pas déraper, à reprendre la barre – ou plutôt : à la confier à l’Esprit Saint – histoire de ne pas laisser le « petit gouvernail » mener seul le navire.
Le bon usage de la langue ne se mesure pas au nombre de paroles prononcées
Certains sont bavards, d’autres taciturnes : les uns et les autres ont besoin de comprendre comment utiliser ce don de Dieu qu’est la parole. Comment ? D’abord, peut-être, en regardant de plus près ce qui est bel et bon chez lui. Un tempérament réservé va souvent de pair avec des qualités d’attention et d’écoute qui pour être discrètes, n’en sont pas moins infiniment précieuses. Mais avoir la langue bien pendue n’est pas forcément un défaut : c’est plutôt un talent à faire fructifier et à mettre au service des autres. La difficulté des bavards sera d’apprendre à écouter, à peser le poids de leurs mots et à s’exprimer en vérité, sans se noyer sous un flot de paroles. Quant aux « taiseux », ils ont besoin de comprendre qu’ouvrir les lèvres est un moyen d’ouvrir son cœur, et que les autres ont besoin de leurs paroles, même maladroites.
Quel que soit notre tempérament, le bon usage de notre langue ne se mesure pas au nombre de nos paroles, mais à l’amour dont elles témoignent. Nous ne parlons jamais que de l’abondance de notre cœur.
Christine Ponsard
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