La passion de Jésus est rendue présente par le Saint-Suaire, déposé à Turin. Il peut nous aider à contempler celui qui, par amour, a donné sa vie pour chacun de nous. D’autant plus que l’archevêque de Turin a décidé d’organiser une exposition extraordinaire du linceul de Turin à partir de ce Samedi saint. Ce moment de prière aura lieu à partir de 17h et sera retransmis dans le monde entier. Le lendemain de la mort de Jésus, à la pointe de l’aurore, Marie Madeleine, affolée, vient chercher Pierre et Jean : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé » (Jn 20, 2). Les Apôtres s’empressent de se rendre au tombeau neuf, taillé dans le roc, où, il y a quelques heures, des amis avaient précieusement déposé le corps du Christ. Arrivé le premier au sépulcre, Jean y aperçoit les linges funéraires à plat. Cependant, il laisse passer son aîné qui, étonné, remarque la même chose. Puis, il entre à son tour et, voyant les linges ainsi… il croit. Pour Pierre et Jean, comme pour l’Église aujourd’hui, le linceul dans ce tombeau vide est le signe de la Résurrection du Christ.
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Que voient-ils donc ? Le précieux drap mortuaire et les bandelettes, restés de manière telle que, la veille, les disciples les avaient laissés. Dans la précipitation, car « pointait déjà l’étoile du sabbat » (Lc 23, 54), ils avaient allongé le corps de Jésus sur un long drap neuf qu’ils avaient rabattu sur toute la longueur. « Ils l’avaient lié de linges avec un mélange de myrrhe et d’aloès d’environ cent livres [soit trente kilos], selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs » (Jn 19, 40-41), après avoir placé autour de son visage un autre linge, comme une mentonnière. Pierre et Jean constatent non seulement que le corps du Christ n’est plus là, mais encore qu’il n’a pas été volé. Il a disparu de ces linges en les laissant tels qu’ils l’avaient enveloppé. La preuve en est le linceul, les bandelettes et la mentonnière affaissés.
Le Linceul, une fenêtre sur l’éternité
Si elle est une grâce, la foi a besoin de signes. Et ce Linceul est signe que le Fils de Dieu s’est fait homme et que, mis à nu, il s’est livré pour les hommes. Le précieux linge, où s’imprime un supplice inénarrable, a un rapport si profond avec les Évangiles de la Passion, qu’il peut permettre de se laisser saisir par l’amour de Dieu. Cet objet de piété fervente est un appel à contempler en silence le Transpercé (Jn 19, 37). Il nous aide à fixer les yeux de notre cœur éclairé par l’intelligence, sur ce visage plein de dignité, de patience, de miséricorde, où la douleur est apaisée, l’horreur s’est muée en paix, où la vie semble sourdre.
« Le Saint-Suaire nous présente Jésus au moment de sa plus grande impuissance, disait Jean-Paul II devant le Linceul à Turin, le 24 mai 1998. Il nous rappelle que le Salut du monde entier se trouve dans l’anéantissement de cette mort. Le Saint-Suaire devient ainsi une invitation à vivre toute expérience, y compris celle de la souffrance et de la suprême impuissance, avec l’attitude de celui qui croit que l’amour miséricordieux de Dieu vainc toute pauvreté, toute limite, toute tentation de désespoir ? Car, en nous rappelant la victoire du Christ, la foi nous communique la certitude que le sépulcre n’est pas le but ultime de l’existence. Dieu nous appelle à la résurrection et à la vie immortelle. En nous parlant d’amour et de péché, le Saint-Suaire nous invite tous à imprimer dans notre esprit le visage de l’amour de Dieu, pour en exclure l’effrayante réalité du péché ».
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L’écrivain Paul Claudel est allé jusqu’à dire à propos du Saint-Suaire : « Plus qu’une image, c’est une Présence ». En 1973, après avoir contemplé le Linceul, saint Paul VI, lui, déclarait : « Nous sentons croître en nous, croyants ou non, l’attrait mystérieux pour la personne du Christ et nous entendons en nos cœurs l’écho évangélique de sa voix qui nous invite à le chercher là où il est encore caché et où il se laisse découvrir, à l’aimer et à le servir derrière des visages humains ». Certes, « le Saint-Suaire ne garde pas pour lui le cœur des hommes », disait encore Jean-Paul II, et il renvoie d’abord à Dieu. De même que Jésus est « l’image du Dieu invisible » (Co 1, 15), le reflet du Père, « le resplendissement de sa gloire et l’empreinte de sa substance » (He 1, 3), et qu’il nous conduit au Père, ce Linceul est une fenêtre sur l’éternité.
Marie-Christine Lafon