Prier pour quelqu’un, est-ce l’influencer ?

Qui fait de la mission de rue est souvent confronté à ce dilemme. À la fin d’une discussion, celui qui a parlé du Christ à l’interlocuteur que la Providence lui a envoyé peut lui proposer de prier à ses intentions… et, lui, répondre qu’il ne veut pas. Doit-on quand même le confier à Dieu ? À bien y regarder, le dilemme n’est pas si compliqué. Si la personne rencontrée ne veut pas, peut-être est-ce parce qu’elle a une fausse image de Dieu. Qui serait un marionnettiste, ou un grand horloger comme le voyaient les penseurs des Lumières, se jouant des destinées humaines. Dans cette perception, les créatures sont soumises à une forme de destin, la fortune des tragédies grecques, et leur liberté n’en est au fond pas vraiment une.

Mais tel n’est pas le Dieu de Jésus-Christ, fort heureusement. Le Créateur, dans son amour, qui pourrait passer pour de la folie, a voulu que chacun se tourne vers lui en pleine conscience. Il agit en nous par attraction, mais la liberté humaine permet de lui dire non. Il met en nous, par sa grâce, la capacité de consentir à son amour, par la foi, mais également de la refuser. Les théologiens diraient que la nature ne va jamais sans la grâce, mais que la grâce ne peut pas agir contre la nature même si elle la mène à la perfection.

Si Dieu, celui auquel nous croyons, est ainsi, prier pour quelqu’un n’est pas l’ "influencer" au sens de contraindre sa conscience. Simplement, en le confiant à Dieu, nous demandons à l’Esprit saint de l’habiter pour lui faire découvrir l’amour du Père, l’aider dans des décisions, le garder dans la joie et la paix. Pour paraphraser l’Apocalypse (cf. 3,23), autrui peut ouvrir ou non la porte de son cœur à l’œuvre du Paraclet qui peut venir, ou pas, y faire sa demeure. N’est-ce pas le plus beau cadeau que l’on peut faire à une personne qui nous est chère ou à l’inconnu croisé dans la rue ? Lui permettre de rencontrer celui qui a changé notre vie, non par volonté de contrôle mais parce qu’il nous aime et veut nous délivrer.