Avec ses illustrations aux tons doux et aux couleurs fraîches, pleines de poésie, les livres sur le petit ours Toudouk enchantent de nombreux enfants. Derrière ce personnage attachant, se cache un couple qui l’est tout autant : Arnaud, 67 ans, et Marie-Laetitia de Garihle, 66 ans. Arnaud est directeur logistique dans l’industrie pharmaceutique et chimique, désormais à la retraite, et Marie-Laetitia est artiste-peintre et aquarelliste. Passionnée par le dessin depuis l’âge de 3 ans, elle a réalisé à travers Toudouk son grand rêve, celui de devenir illustratrice de livres pour enfants. Parents et grands-parents, Arnaud et Marie-Laetitia se sont lancés dans cette aventure commune il y a 14 ans, un projet qui a donné un nouvel élan à leur vie.
Aleteia : Comment est née l’idée d’un album pour enfants ? Quel a été l’élément déclencheur ?
Marie-Laetitia de Garihle : Aux yeux de mes parents, travailler dans l’art n’était pas une vraie profession, ils m’ont dissuadé d’entrer aux Beaux-Arts après mon Bac. Cela n’a pas freiné mon envie de dessiner et de me former aux techniques de peinture, comme l’aquarelle. Quand nos filles étaient petites, j’animais des ateliers de dessin dans leur école. En 2004, avant de mourir, ma mère a avoué son regret de m’avoir déconseillé d’intégrer les Beaux-Arts et m’a fait promettre d’écrire un livre.
Arnaud de Garihle : Plus tard, quand notre troisième fille a quitté la maison pour partir faire ses études, nous nous sommes confrontés au syndrome du nid vide. Pour le combler un peu, nous avons donc décidé de réaliser ensemble ce fameux livre. J’avais toujours l’habitude d’imaginer et de raconter des histoires à nos filles quand elles étaient petites. Des histoires qui les faisaient voyager, découvrir de nouvelles choses mais aussi à dédramatiser des mauvaises choses auxquelles elles étaient confrontées dans la journée, comme une mauvaise note, par exemple.
Beaucoup de notre vie transparaît à travers chacun de nos albums.
Comment avez-vous choisi votre personnage principal, Toudouk ?
Marie-Laetitia : Il vient de mon enfance. J’avais en effet un petit ours en peluche quand j’étais petite. Il était tout doux, je l’aimais beaucoup. Nous l’avons d’ailleurs toujours dans la famille. Mon ours s’appelait Arnaud, comme mon époux, quel hasard ! Mais pour notre personnage, j’ai choisi Toudouk, car son nom porte en lui une douceur, il est tout doux. Et c’est aussi un monde de douceur que je voulais créer avec cet album, en transmettant aux enfants la bienveillance, l’écoute et le respect des autres. Des valeurs que nous avons aussi transmises à nos enfants et que nous retrouvons chez nos petits-enfants.
![Marie-Laetitia de Garilhe](https://wp.fr.aleteia.org/wp-content/uploads/sites/6/2025/02/Marie-Laetitia-de-Garilhe-Toudouk.jpg?resize=620,413&q=75)
Il y a donc une part de vous et de votre quotidien dans chacun de vos albums ?
Arnaud : C’est vrai, beaucoup de notre vie transparaît à travers chacun de nos albums. Aucun des albums de Toudouk n’est une histoire que nous n’avons pas vécue ou qui n’est pas liée à nos valeurs.
Marie-Laetitia : Dans Toudouk au Tyrol (Éditions du Triomphe), nous évoquons la séparation momentanée des enfants avec leurs parents, un sentiment qui ne nous est pas étranger, car Arnaud et moi avons souffert de la difficulté de quitter nos parents, et nos filles ont eu le même problème. Toudouk au parc des Écrins traduit notre amour pour la montagne. On retrouve la même notion de nature dans Toudouk et la mésange. Quant à Toudouk prépare Noël, il est basé sur une histoire vraie, celle de notre chat Céleste, qui est décédée. Je voulais lui rendre hommage, car elle m’a accompagnée dans mon travail sur les premiers Toudouk. Toudouk et ses frères jumeaux est l’histoire de nos petits-enfants. Avec les jumeaux de notre fille Domitille, nous sommes devenus grands-parents pour la première fois. Et puis, le sixième album, Toudouk et l’âne Ulysse, se déroule en Grèce, un pays dont nous sommes amoureux et où nous passons nos vacances depuis 22 ans. C’était aussi un clin d’œil aux Jeux Olympiques de 2024. En soit, Toudouk est comme notre quatrième enfant !
Vous éditez un album tous les deux ans environ. Cela représente un grand travail pour vous ?
Marie-Laetitia : La réalisation d’un album nous prend entre sept et neuf mois. Mais le premier a pris beaucoup plus car j’ai dû apprendre à travailler sur une tablette avec un logiciel. C’est un travail minutieux. Il faut penser aux moindres détails : aux motifs sur une lampe de chevet, aux lacets de Toudouk, aux plis des vêtements des personnages… Je passe entre 60 et 80 heures par illustration, car ce sont elles qui sont dessinées en premier, et l’histoire complète vient après. Arnaud m’aide beaucoup. Il intervient pour les précisions, donne des idées sur la disposition des personnages ou propose d’en ajouter un.
Je voulais créer avec cet album un monde de douceur, en transmettant aux enfants la bienveillance, l’écoute et le respect des autres.
Arnaud : Je suis le "valideur" progressif. Tous les jours, Marie-Laetitia me montre les évolutions de ses dessins. J’apporte souvent quelques idées, parfois je sers aussi de modèle. À son tour, Marie-Laetitia m’apporte son soutien pour la rédaction du texte. Nos enfants aussi nous aident beaucoup !
C’est donc une affaire de famille ?
Arnaud : Oui, tout à fait. Nos filles nous donnent des conseils sur le texte et nous glissent des idées, comme le jeu de l’énigme dans Toudouk prépare Noël. Notre fille psychologue qui travaille en milieu scolaire nous apporte aussi son aide.
Marie-Laetitia : Nos premiers testeurs sont surtout nos petits-enfants. Nous sommes à l’écoute de leurs avis et n’hésitons pas à modifier certaines choses si nous voyons qu’elles ne font pas effet sur eux. Et puis, nous allons à la rencontre de nos petits fans dans les écoles privées et publiques de Lyon. Nous les encourageons à dessiner et à écrire. Cela nous permet aussi de mieux cerner leurs attentes.
Vous êtes mariés depuis 43 ans. Désormais vous travaillez ensemble. Quel est le secret de votre mariage ?
Arnaud : Une immense complicité. Nous sommes toujours à l’écoute l’un de l’autre. Le fait de travailler ensemble a aussi changé quelque chose en nous. C’est la première fois que nous réalisons un projet aussi important, qui nous fait plaisir et qui apporte beaucoup aux nombreux enfants. C’est un ciment supplémentaire pour notre couple durant ces années de transition : le passage de parents à grands-parents, de la vie active à la retraite.
Marie-Laetitia : Nous sommes tous les deux très sensibles et n’aimons pas le conflit. Nous voulons que les gens autour de nous soient heureux. Avant, je n’avais pas vraiment confiance en moi, et Arnaud m’a beaucoup aidée à aller jusqu’au bout de mes rêves et de mes projets. Nous avançons main dans la main, même si, comme tous les couples, nous avons connu des hauts et des bas.
![Toudouk](https://wp.fr.aleteia.org/wp-content/uploads/sites/6/2025/02/tk-familles-luge.jpg?resize=620,413&q=75)
Vous avez six petits-enfants âgés de 10 mois à 9 ans. Quels grands-parents êtes-vous ?
Marie-Laetitia : Nos enfants habitent tous à Lyon, donc nous avons la chance de voir nos petits-enfants souvent. Nous sommes des grands-parents tendres et affectueux. Arnaud rigole beaucoup avec eux, je les initie au dessin. C’est notre langage à nous. On leur fait découvrir les joies de la montagne et des beaux livres.
Arnaud : Comme au temps de nos enfants, je leur raconte des histoires. Je fais aussi des bêtises dignes d’un enfant avec eux !
Quel est, selon vous, le rôle des grands-parents de nos jours ?
Marie-Laetitia : Notre premier rôle est de les aimer. Il faut aussi les écouter et les pousser à s’exprimer. Arnaud demandait à nos filles chaque soir quel avait été leur meilleur et leur moins bon moment de la journée. Cela les poussait à s’ouvrir. Parfois, nous abordons des sujets plus graves, la maladie et la mort, comme en ce moment, alors que mon père, leur arrière-grand-père, est en soins palliatifs.
Il y a donc un rôle de transmission. Qu’en est-il de la foi ?
Marie-Laetitia : À travers mes dessins, j’essaie de transmettre le message de l’amour du prochain. Mais nous parlons aussi de Dieu, car nous avons la chance d’avoir des enfants qui continuent à aller à l’église.
Arnaud : Quand ils dorment chez nous, nous faisons ensemble une prière du soir, nous prions les saints de notre famille.
Quelle est votre plus grande fierté ?
Arnaud : Avoir une épouse talentueuse ! Je suis aussi content de savoir que, même après notre mort, tous ces livres continueront à accompagner de nombreux enfants et laisseront une trace dans leurs cœurs.
Marie-Laetitia : Toudouk est une aventure qui nous fait grandir et nous apportent beaucoup. Je suis ravie d’avoir réalisé mon rêve et relevé le défi de me lancer dans la technique graphique. Je me suis formée seule et ai trouvé un éditeur que je remercie de nous être fidèle. Dans la vie, il faut réaliser ses rêves, même si on n’a pas pu le faire à un moment donné. Il n’est jamais trop tard pour se lancer. L’important est d’avoir envie et de ne jamais se décourager.
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