"Ne le savez-vous pas ? Ceux qui assurent le culte du temple sont nourris par le temple ; ceux qui servent à l’autel ont leur part de ce qui est offert sur l’autel", dit l'apôtre Paul aux Corinthiens (1 Co. 9, 13). L’Église primitive avait bien compris cet appel. Les chrétiens ne se rassemblaient pas les mains vides. Ils apportaient le pain et le vin pour le sacrifice de l’eucharistie mais aussi des fruits, du miel ou encore des gâteaux qui étaient bénis, puis distribués aux vieillards, aux malades, aux pauvres en même temps que le pain qui restait. Comme le disait Tertullien, "le repas fait voir sa raison d’être par son nom, on l’appelle d’un nom qui signifie ‘amour’ chez les Grecs". Ce mot agape est utilisé dans le langage biblique pour se référer à l’amour de Dieu (Dt 6, 5-6) mais signifie aussi les agapes eucharistiques qui étaient un partage entre frères. Un partage qui a inspiré le "Panier du curé".
Souvent en osier ou en tissu, ce panier était garni par les fidèles avec différents produits comme des œufs, des légumes et des fruits du jardin, du pain ou encore du fromage. Lors de fêtes religieuses, de grands événements comme les baptêmes ou les mariages, ou encore lors des messes dominicales, les paroissiens l’offraient à leur curé. En donnant ce qu’ils avaient de mieux, ils manifestaient leur gratitude vis-à-vis de leur prêtre. Au-delà du simple soutien, ce geste marquait aussi l’unité de la paroisse. À une époque où les ressources étaient plus limitées qu’aujourd’hui, cette solidarité était une manière concrète de soutenir non seulement le prêtre, mais aussi l’ensemble de la vie chrétienne locale.
Signe éloquent et fécond de fraternité
Si au fil du temps, cette tradition a laissé place à d'autres initiatives comme une collecte pour le cadeau pour le prêtre ou une invitation à un dîner, cette coutume perdure néanmoins dans près de 70 paroisses en France dont celle de Sèvres (Hauts-de-Seine). Dans cette paroisse du diocèse de Nanterre, le Panier du curé a même pris une dimension particulière lors de la Seconde Guerre mondiale. En pleine pénurie alimentaire, les paroissiens, bien qu’eux-mêmes en difficulté, n'ont pas hésité à offrir leurs précieux tickets de rationnement aux curés. Un geste qui témoignait non seulement de la solidarité envers le clergé, mais aussi d’une forme de partage dans une période de grande précarité.
Aujourd’hui, le panier en osier traditionnel a cédé la place à un repas préparé par des bénévoles de la paroisse, souvent organisés par petites équipes qui se relaient pour assurer une prise en charge régulière. Ces initiatives peuvent sembler modestes, mais elles sont d'une grande importance pour ceux qui vivent leur vocation sacerdotale. Bien souvent, ces derniers doivent en effet jongler entre leurs obligations religieuses et les contraintes matérielles, notamment en termes de repas. Avec des emplois du temps chargés et peu de temps pour cuisiner, ce soutien ponctuel peut s'avérer salvateur. "Vous qui régulièrement préparez un repas pour eux, merci d’aider et d’accompagner vos prêtres. Puissent de nouvelles paroisses rejoindre ce réseau réjouissant du Panier du Curé, signe éloquent et fécond de fraternité", avait déclaré il y a quelques années Mgr Rougé, évêque de Nanterre, aux membres des cordées paroissiales du Panier du Curé. Un message qui souligne non seulement la valeur de cette tradition, mais aussi son potentiel à renforcer les liens au sein de la paroisse et un véritable témoignage de fraternité chrétienne.
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