Depuis l’école nous savons que la panthère, même rose, feule, que le serpent siffle jusque sur nos têtes, que l’âne brait même lorsqu’il est en tête, ou qu’un canard cancane sans forcément penser à mal. La manière de désigner le cri des animaux ou les bruits qu’ils émettent est aussi inventive qu’il y a d’espèces. On distinguera ainsi le geai qui cajole de l’hirondelle qui gazouille et même, encore plus subtil, l’oie qui cacarde du jars qui jargonne...
Cette nature qui ne cesse de surprendre
Le langage animal fascine. Il éveille mille hypothèses, des fantasmes les plus fous. Un des pôles de recherche sur lesquels s’oriente l’Intelligence artificielle (IA) aujourd’hui est précisément de décrypter ces sons afin, rêve absolu, de pouvoir entrer en dialogue avec ces vivants qui nous entourent et que nous parvenons parfois à dresser, à domestiquer pour certains même. Les associations de sauvegarde s’alarment : qu’arrivera-t-il aux espèces sauvages le jour où l’homme parviendra à s’immiscer dans leur intime ? Aurons-nous la sagesse de ne pas utiliser cette avancée pour nos propres fins ? Quoiqu’il en soit, le chant des baleines n’a pas fini de nous hypnotiser.
D’autant que chaque jour de nouvelles découvertes remettent en cause des principes que nous pensions indépassables. Sur la mort par exemple : s’il est reconnu que les éléphants de savane vivent un deuil lors de la mort d’un proche, des chercheurs rapportent entre 2022 et 2023 avoir découvert des pratiques jusque-là inobservées. Ainsi, différents troupeaux d’éléphants sauvages d’Asie « ont traîné leurs bébés morts jusqu’à des fossés d’irrigation dans le nord de la région du Bengale, et les y ont enterrés. Dans les cinq cas, les chercheurs ont trouvé les pattes des éléphanteaux sortant du sol, la tête, la trompe et le dos recouverts de terre » rapporte le National Geographic (4/06/2024). « Ce comportement ne transparaît pas chez les autres espèces non-humaines » poursuit l’article avant d’ajouter qu’il s’agit là de la première preuve d’un enterrement complet dans le monde animal. Vertige devant cette nature qui ne cesse de prendre à défaut le regard blasé que l’homme depuis la Renaissance pose sur elle.
Vivant parmi les vivants
Au cœur de l’histoire chrétienne, un homme jaillit tel un Ovni dans un paysage établi et exigé stable : François, à Assise, fut cet « autre Christ » comme ses contemporains l’appelèrent avec fascination. Là où beaucoup se laissaient fasciner par l’éclat de l’or et le chatoiement des étoffes, il chercha à vivre la radicalité de la dépendance à la seule Providence et à ne pas avoir d’autre dieu que celui annoncé par l’Évangile. Vivant parmi les vivants, il parlait avec les hommes comme avec les bêtes, posait un regard fraternel sur le loup qui hurle et chantait à l’unisson le Christ présent au milieu des oiseaux.
Nous sommes placés au cœur d’une création admirable et inouïe.
Beaucoup nous présentent l’année 2025 comme un temps de défis, de combats, de douleurs et de risques. Ils n’ont pas tort. Elle apparaît, si l’on s’en tient aux titres de presse et aux éléments de langage distillés de-ci de-là, comme s’il s’agissait de nous tenir en respect. Qu’il n’en soit pas ainsi. Nous sommes placés au cœur d’une création admirable et inouïe où le registre des possibles s’enrichit chaque jour par le génie humain conjugué à l’infini de la vie qui ne cesse de s’écouler sans jamais se tarir.
C’est l’amour seul qui sauve
Tous ces langages, toutes ces paroles, tous ces cris possèdent en eux une magnifique capacité de création si nous cherchons à leur donner comme grammaire commune l’amour auquel Jésus nous invite à ne jamais renoncer. C’est l’amour qui donne aux hommes de se comprendre, c’est l’amour qui leur permet aussi de prendre soin des vivants qui s’animent autour d’eux, du paon qui braille au phoque qui bêle (eh oui !) et du bélier qui blatère. C’est l’amour, seul, qui donne au croyant de manifester la présence du Christ dans le monde car c’est l’amour seul qui sauve. L’année qui débute ne pourrait-elle être pour chacun d’entre nous, le temps que nous nous donnons pour tenter chaque jour d’aimer davantage ? Non pas parfaitement, absolument, mais juste davantage... Aimer le monde qui nous entoure, ceux qui l’habitent et d’une manière particulière notre prochain parfois si dissemblable en apparence, mais si intime dans cette vie qu’il reçoit comme nous sans condition et sans réserve.