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"Venez, venez tous à la Mission" : ce vieux cantique a été composé jadis par Louis-Marie Grignion de Montfort, quand, voilà plus d’un siècle, il a parcouru le Poitou, gagné à la Réforme afin de le ramener au catholicisme. En cette fin d’année 1826, la situation n’est pas meilleure… La révolution est passée par là, aggravant la déchristianisation. Foi et pratique religieuse peinent à repartir, au point que certains, dans le clergé, ne croient plus à un sursaut, jugeant la France perdue pour l’Église. Ce n’est pas le cas de l’abbé Marsault et des quelques confrères qui, depuis six semaines, animent avec lui la mission donnée en ce temps de l’Avent dans la paroisse de Migné-Auxance, bourg à une dizaine de kilomètres de Poitiers.
Un marathon spirituel
Le programme est harassant, d’autant plus que ces prêtres, qui en ont fait leur apostolat, ratissent inlassablement les diocèses et ne s’arrêtent guère, donnant plusieurs prédications chaque jour, rappelant une catéchèse souvent oubliée, excitant à la contrition, organisant de nombreux exercices de piété, incitant les fidèles à se confesser, ce que certains n’ont plus fait depuis parfois trente ou quarante ans, et se préparer à communier, ce qui reste, par indifférence ou respect excessif, réservé au temps pascal et, pour les plus pieux, aux grandes fêtes.
À la fin de ce marathon spirituel, afin d’en conserver le souvenir, missionnaires et curé vont en procession planter une croix qui fera souvenir que l’on est ici en terre chrétienne. C’est ce qui se prépare ce 17 décembre, après les vêpres. Le froid mord tandis que descend le crépuscule précoce du solstice d’hiver mais les gens qui sont venus, parfois de loin, plus de deux mille, dont quelques journalistes de la presse locale, demeurent stoïquement dans le cimetière, lieu de la cérémonie, autour du Père Marsault. Juché sur les gradins du calvaire, le missionnaire parle avec exaltation du labarum, cette croix glorieuse apparue en septembre 312 à l’empereur Constantin, tandis qu’une voix d’En-Haut lui enjoignait de la placer sur ses étendards païens, avec cette promesse bientôt réalisée : In hoc signo vinces, par ce signe, tu vaincras. Emporté par son récit, le prêtre, tourné vers la foule, ne se rend pas compte que l’assistance ne l’écoute plus.
Une croix lumineuse dans le ciel
Soudain, l’un de ses confrères lui crie : "Marsault ! Arrêtez donc de parler de Constantin et regardez plutôt ce qui se passe !" Déconcerté, l’interpellé se retourne dans la direction que tous lui désignent et reste muet de stupeur. Dans le ciel, à environ 40 mètres de hauteur, longue de 65 mètres, une croix lumineuse, d’une merveilleuse teinte blanc rosé, couchée, plane au dessus de l’église. Dans les jours à venir, et sur le moment même, l’on cherchera une explication scientifique au phénomène. Un homme dans la foule assurera, péremptoire, qu’il s’agit du reflet de la croix neuve, projeté sur les nuages de ce ciel hivernal par le reflet des "flambeaux" mais cela ne tient pas la route parce que les prétendus "flambeaux" sont en réalité les quelques cierges des enfants de chœur qui ne sauraient produire un tel effet.
D’ailleurs, la croix couchée dans les nuées n’a aucune ressemblance avec celle dressée à l’instant, ne fait pas d’ombre et jamais, à la même date et dans les mêmes conditions climatiques, l’image ne reparaîtra pas dans le ciel de Migné. Et puis, si ce n’était qu’un jeu du soleil et des nuages, tout s’effacerait avec le coucher de l’astre ; or, ce n’est pas le cas et l’apparition dure après la nuit close, alors que la foule, transie, est rentrée dans l’église où le clergé a entamé complies. Ceux restés dehors constatent que la croix lumineuse s’efface, lentement, en commençant par le bas, comme si un voile la recouvrait, et disparaît aux derniers répons de l’office.
L’évêque diligente une enquête
Prévenu, alors que la presse a déjà fait état du "miracle", de "l’apparition" de Migné, l’évêque de Poitiers diligente aussitôt une enquête. S’il est impossible de nier la réalité du phénomène, que tous ont vu et observé durant une pleine demi-heure, encore faut-il écarter toute explication rationnelle et tenter de comprendre le pourquoi de cette affaire, accompagnée d’aucune vision de la Vierge ou du Christ, sans aucun message, ni communication céleste.
Alors que les spécialistes consultés écartent une à une les raisons éventuelles de la croix vue au dessus de l’église paroissiale, Mgr de Bouillé, lui, commence à trouver un début de justification : depuis que la sainte reine Radegonde a obtenu, au VIe siècle, de Constantinople un fragment de la vraie Croix, conservé au monastère homonyme qu’elle avait fondé à Poitiers et miraculeusement sauvé à la Révolution, le diocèse a une dévotion spéciale envers l’étendard du Salut. D’ailleurs, Migné se situe le long de l’ancienne voie romaine que les ambassadeurs byzantins porteurs de l’insigne relique, ont parcouru pour atteindre la ville ; la tradition locale dit même qu’ils y auraient fait halte pour la nuit et que la sainte Croix aurait été exposée dans l’église. Et puis, il est symbolique que la Croix se soit manifestée en cette fin de mission pour rappeler que tous les malheurs du temps sont le fruit de la folie des hommes qui ont voulu la renverser et se passer de Dieu.
Un événement qui sort de l’oubli
Mgr de Bouillé fera reconstruire l’église de Migné pour commémorer l’événement de 1826, et instaurer un pèlerinage. Un temps florissant, comme l’attestent les nombreuses images et gravures publiées et répandues, et bien que la cause scientifique de l’apparition n’ait jamais été trouvée, l’oubli a peu à peu effacé le souvenir de cette étonnante histoire. Depuis quelques années, cependant, des fidèles, très jeunes souvent, font en sorte de relancer les processions et pèlerinages pour remettre la croix au cœur du diocèse.