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23 novembre 1927. Face au peloton d'exécution, un jeune prêtre les bras en croix offre son visage et ses yeux fermés à une batterie de fusils braqués sur lui. Juste avant, il a obtenu de ses bourreaux l'autorisation de s'agenouiller une dernière fois pour prier son Sauveur. Et refusé de se laisser bander les yeux. ¡Viva, Cristo Rey! Une salve de tirs s'abat sur le corps du père Miguel Agustín Pro. Elle ne suffit pas. Un homme du peloton s'approche et le canon braqué sur la tête, lui donne le coup de grâce. Le père Pro avait 36 ans.
Prêtre jésuite, premier martyr de la guerre des Cristeros reconnu par l'Église catholique, Miguel Agustín Pro est né à Guadalupe (centre-nord du Mexique) le 13 janvier 1891 dans une famille de dix enfants. Il reçoit de ses parents une foi fervente. Alors qu'il contracte la rougeole à quatre ans, son père brandit son fils à bout de bras devant une image de Notre-Dame de Guadalupe, implorant la Sainte Vierge de guérir son fils. Aussitôt, le petit garçon crache du sang avant de retrouver une santé éclatante. Petit garçon espiègle, Miguel n'est pas avare en plaisanteries et se démarque par son tempérament joyeux, empreint de bonne humeur. Le père Antonio Dragón, son biographe, raconte dans "Le martyre du père Pro" plusieurs de ses blagues. Un jour, alors qu'il se promène avec sa sœur María Concepción, il aperçoit au loin une vente aux enchères d'animaux. Les deux enfants s'approchent pour mieux regarder le manège des acquisitions, et alors qu'un intéressé offre un peso pour un âne, un autre encore un peso cinquante, et un troisième deux pesos, une voix de petite fille s'élève : "deux pesos et demi !" Debout derrière sa sœur, Miguel sourit, goguenard. Voilà sa petite sœur dans un pétrin qu'il lui plaît de regarder de loin, la petite fille bien en peine de convaincre le vendeur de son innocence.
Un prêtre au milieu des persécutions
Entré au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1911, à l'âge de 20 ans, Miguel quitte un Mexique plongé dans la guerre en 1914 afin de poursuivre ses études à l'étranger. Il est ordonné prêtre en 1925 à Enghien, et retrouve son pays un an plus tard, alors que débute la guerre des Cristeros. Les paysans mexicains, majoritairement catholiques, se révoltent contre le gouvernement socialiste de Plutarco Calles, dont l'application stricte des dispositions anticléricales de la Constitution mexicaine de 1917 entraîne d'abord une protestation pacifique, sans succès. Face aux arrestations et intimidations permanentes, les paysans choisissent le soulèvement, aux cris de "¡Viva, Cristo Rey! ¡Viva la Virgen de Guadalupe !" (Vive le Christ-Roi, vive la Vierge de Guadalupe, ndlr), ce qui leur vaut le sobriquet de "Cristeros".
Les prêtres sont interdits de ministère. Recherchés par la police, ils sont systématiquement exécutés s'ils ont le malheur d'être surpris en train de donner les sacrements. Miguel s'en fiche. Sur sa bicyclette, il passe de maison en maison, donne la communion en catimini, absout les péchés, étanche les larmes, cache ceux qui fuient. Fidèle à sa malice habituelle, il se déguise, enchaîne les entourloupes pour éviter la geôle, parfois dans des conditions dignes d'un film d'action. Comme la fois où il se fait passer pour un policier afin d'entrer dans une maison placée sous bonne garde. Brandissant un badge imaginaire, il parvient à entrer ni vu ni connu pour offrir les sacrements à la famille catholique qui s'y trouve. Avant de sortir, nonchalamment. Il refuse pour autant de prendre les armes. Mais ça, le gouvernement mexicain n'en tiendra pas compte lorsqu'il le fait arrêter avec ses deux autres frères, Roberto et Humberto. Il est accusé de tentative d'assassinat sur le général Alvaro Obregón. Alors que le véritable coupable se livre lui-même à la police, le père Pro est exécuté malgré tout, en signe d'exemple, juste après l'un de ses frères, Humberto. Béatifié le 25 septembre 1988 par Jean Paul II, il ne se doutait certainement pas que son courage allait inspirer des milliers de Cristeros, qui le suivront dans le martyre.