Le départ très médiatisé du père Matthieu Jasseron n’a pas manqué de relancer le débat sur le célibat des prêtres, alors même que le principal intéressé a nié tout lien entre un quelconque manque et sa décision. Matthieu Jasseron n’est pas David Gréa et il ne sous-titrera pas son prochain livre "Prêtre, marié, heureux". Qu’à cela ne tienne ! Une fois de plus, la réalité d’une situation importe peu à ceux qui cherchent toutes les occasions de sortir leurs banderoles : un prêtre quitte le sacerdoce, il faut donc à tout prix montrer qu’il serait resté s’il avait pu se marier. Gageons que c’est un hommage aux femmes, de penser que leur seule présence peut guérir toutes les crises existentielles des hommes. Il faudra le signaler d’urgence aux maris adultères.
Le mariage, remède contre la pédophilie ?
On est beaucoup moins convaincu de l’hommage, quand de bonnes âmes compatissantes brandissent encore le mariage des prêtres comme solution à la pédophilie cléricale. À votre bon cœur, Mesdames : offrez vos corps à un prêtre, vous sauverez un enfant ! Il est malheureux qu’un argument si faux continue à circuler autant : est-ce mauvaise foi ou ignorance ? Est-ce guerre d’usure, dans l’espoir que tout le monde se lasse de répondre et qu’une ineptie finisse par passer pour raisonnable ? On se souvient qu’au moment de résumer le rapport de la Ciase — qui n’était pourtant pas exempt d’arrière-pensées progressistes et anticléricales —, Jean-Marc Sauvé avait déclaré sur France Inter, riche enquête à l’appui, qu’il n’y avait aucun lien entre les abus sur mineurs et le célibat des prêtres. Rien n’y fait, néanmoins.
Quand l’ennemi radote, la tentation est grande de laisser courir ; il est pourtant nécessaire de rappeler un fait objectif : celui qui fait du mariage des prêtres un remède contre la pédophilie ne sait ni ce qu’est un pédophile ni ce qu’est le mariage. Quand c’est un catholique qui parle, on peut à la rigueur admettre qu’il n’ait jamais cherché à s’informer sur les troubles psychiques d’un homme marqué par une attirance sexuelle "exclusive pour les enfants prépubères", ce qui a peu de chance de rendre une femme adulte désirable à ses yeux. Même hors des cas de pédophilie au sens strict, il est plus que naïf de croire que l’hypothétique plaisir pris avec une femme suffira à remplacer celui qui est attendu du viol d’un enfant (en grande majorité de jeunes garçons, d’ailleurs, dans le cas des prêtres abuseurs).
La validité du sacrement
Passe pour l’ignorance de ce qu’est la pédophilie, donc : le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux n’a pas vocation à être le livre de chevet de tout baptisé. En revanche, on est en droit de s’étonner que des catholiques mariés ignorent totalement le sens et les conditions de validité du sacrement qu’ils ont reçu. Peut-on espérer plus de lucidité chez les femmes ? Si on leur demande d’épouser un homme pour lui éviter — supposément — de passer à l’acte avec des enfants, il est probable qu’elles flaireront l’arnaque. On peut être certain, en tout cas, de la non-validité du sacrement, le marié ne jouissant pas de la maturité et de la liberté nécessaires pour contracter mariage. Qu’en serait-il de sa capacité à considérer comme une personne à part entière celle à qui on donne d’emblée le rôle d’une poupée gonflable ? Les experts en solutions simplistes ne semblent pas non plus songer au sort des enfants que ce couple bancal s’engagera à accueillir. Si par extraordinaire elle existe, une femme qui voudrait épouser un prêtre à tendance pédophile ferait donc bien de s’interroger auparavant sur les piliers du mariage catholique. De son côté, une femme dont le mari prône le mariage des prêtres comme remède à la pédophilie peut nourrir quelques inquiétudes sur la vision que ce mari a d’elle.