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La morale n’a plus la cote, c’est bien dommage

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Blanche Streb - publié le 18/11/24
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Quelles différences entre l’éthique et la morale ? L’éthique a le vent en poupe, on la met à toutes les sauces, quand la morale s’efface et passe de mode. Blanche Streb, auteur de "Grâce à l’émerveillement" (Salvator, 2023), nous éclaire sur le sens de ces deux mots et invite à réhabiliter l’expérience morale, qui offre de réaliser que nous avons un cœur, capable de douceur, et une conscience, capable de sagesse.

S’il y a un concept qui n’a plus la cote aujourd’hui, c’est bien "la morale". Ce mot, à lui seul, possède un pouvoir de rejet. On pense tout de suite au sermon moralisateur, à la désagréable "leçon de morale", aux injonctions lourdingues, parfois exercées par des personnes qui se gardent bien de s’appliquer à elles-mêmes ce qu’elles exigent des autres… Mais comment pourrions-nous vivre sans morale ? On a beau refuser de prononcer son nom, on a besoin d’elle. Et elle est convoquée chaque fois que nous constatons les manques, les injustices ou même les violences inhumaines qui arrivent dès lors qu’elle vient cruellement à manquer. C’est pour cela qu’il y a une urgence à valoriser et à maintenir vivant ce sens moral, spécifiquement humain, dans cette période de post-vérité et de post-modernité que nous habitons, où progressisme et relativisme dictent leur loi.

Derrière l’éthique, "tout et n’importe quoi"

La morale fait partie de nos vies, tous les jours. Elle est au cœur de l’agir et de l’être humain. Aujourd’hui, on lui préfère le mot "valeurs", ou le mot "éthique" mis à toutes les sauces. L’éthique semble plus facile d’accès, peut-être plus facilement choisie, moins pénible, moins moralisatrice, plus fluctuante et surtout plus "horizontale", imaginée par et pour l’homme. Alors qu’on sent bien qu’il y a quelque chose de plus transcendant dans la morale, quelque chose qui nous dépasse, qui ne vient pas complètement de nous, qui est plus "établie" et qu’on peut ressentir comme subie.   

Comment les définir, le plus simplement possible, sans trop grossièrement les réduire ou inutilement les opposer ? Peut-être que l’on peut dire que la morale, ce sont les principes. L’éthique ? Les bonnes pratiques. Quant aux valeurs, c’est le roman que chacun s’écrit, en fonction de ce qu’il est, et de ce qu’il aime… La morale peut parfois sembler théorique, inapplicable, et donc dure, malgré la force de sa cohérence. L’éthique, elle, est échange, discussion, remise en question. Et c’est là sa faiblesse, sa mollesse. Elle peut se réduire à un bavardage incessant, et en vient parfois à se saborder elle-même, tant l’émotion ou les opinions, la "bien-pensance", l’auront affadie au fil du temps. Derrière l’éthique, aujourd’hui, on met tout et n’importe quoi. Et c’est bien ça le problème. Jusqu’à s’en servir pour créer des oxymores manipulateurs, comme cette envahissante "GPA éthique"… La gestation par autrui, la pratique des mères porteuses, n’a et n’aura jamais rien d’éthique, quels que soient les prétendus cadres qu’on lui attribue.

Vivre une expérience morale

Étymologiquement, morale vient du latin mores et éthique du grec ethos, les deux renvoient à l’agir, au comportement, à la notion de mœurs, finalement. Quelque chose les relie fortement. L’éthique invitera forcément à faire bouger ses lignes intérieures, et la morale ne peut rester qu’un simple principe, une belle idée, qui ne s’incarnerait jamais dans une expérience ou dans une réalité. 

Vivre une expérience morale, c’est oser dire : "c’est mal" malgré les ricanements de l’air du temps.

Nous avons déjà tous, dans nos vies, vécu des expériences morales. Vécu la joie intérieure d’avoir résisté à hurler avec la meute ou défendu l’opprimé. Senti la justesse d’avoir montré à la caissière ce qu’elle avait oublié de compter. Reçu la paix d’avoir résisté à l’esprit du monde en renonçant à la facilité ou à un indigne profit. 

Au nom d’un bien plus grand que soi

Vivre une expérience morale, c’est vivre ce "stop" ou ce "go" intérieur qui nous vient de plus haut. C’est oser dire : "c’est mal" malgré les ricanements de l’air du temps. C’est oser poser un acte bon, même secret, qui va contre soi, contre son petit plaisir ou sa gloriole personnelle, au nom d’un bien plus grand que soi. Finalement, l’expérience morale est un cadeau. Elle nous offre d’éprouver que nous sommes capables d’être justes, beaux et bons. Elle nous donne de prendre conscience que nous avons un cœur, capable de douceur. Et une conscience, capable de raison. Et cela, ce n’est pas seulement bon pour le moral, ça n’a pas de prix… 

Cette expérience peut même révéler une rencontre, avec ce Bien avec un grand B qui honore notre liberté et avive notre désir de le suivre. Ce Bien transcendant, plus grand que nous, qui devient agissant, et qui nous appelle tous, fidèlement, dans le secret de notre cœur, dans le sanctuaire de notre conscience, là où il fait entendre sa voix et fait connaître sa loi.

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