En lisant le récit du fils prodigue, il est facile de s’identifier avec le frère aîné et de penser que ce sont seulement les autres qui sont les fils prodigues. Le frère aîné est celui qui reste auprès de son père, obéissant aux règles en lui étant fidèle. Pourtant, lorsqu'il découvre que son père organise une fête pour célébrer le retour de son frère après que celui-ci a dilapidé son héritage et mené une vie de péché, il se met en colère et refuse d’entrer (Lc 15,25-30) :
Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.” Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !
Il arrive souvent que les lecteurs de cette parabole s’identifient à ce frère aîné, en colère contre tous ces "pécheurs" qui vont à la messe et qui se disent croyants, ou encore contre toutes ces personnes qui, après une vie de péché, se tournent vers Dieu et obtiennent alors facilement miséricorde et pardon. Chez les chrétiens pratiquants, il peut y avoir une tendance à pointer du doigt ces "pécheurs" et prétendre ne pas être comme eux. Cependant, cette position de frère aîné n’est pas spirituellement saine, car elle met en lumière les erreurs des autres et donne une vision très orgueilleuse de soi-même.
Être le fils prodigue
Au lieu de se laisser envahir par la colère ou par un sentiment d’injustice, chacun est appelé à se tourner vers le Père céleste avec humilité, et à reconnaître ses propres failles. Comme le souligne saint François de Sales dans son Introduction à la vie dévote, chacun devrait se voir dans sa misère et reconnaître ses péchés avec un cœur contrit :
Humilie-toi à la vue de ta misère. Ô mon Dieu, comment oserais-je paraître devant tes yeux. Je ne suis qu’un être corrompu, mon cœur est un abîme d'ingratitude et d'iniquité.… Jette-toi aux pieds du Seigneur, comme un enfant prodigue, comme une Madeleine, comme une femme adultère. Ô Seigneur, aie pitié de moi. Ô source vive de compassion, aie pitié de moi.
Être capable de s’identifier au fils prodigue, reconnaissant ses propres péchés, permet d’expérimenter pleinement la miséricorde infinie de Dieu : "Proposez-vous de mieux vivre. Seigneur, avec ta sainte grâce, je ne m'abandonnerai plus jamais au péché. Hélas ! je ne l'ai que trop aimé ! mais maintenant je le déteste ; et c'est Toi, Père de miséricorde, que j'aime et que j'embrasse. Je veux vivre et mourir pour Toi".
La prochaine fois que vous prendrez un temps de prière, demandez-vous sincèrement : "Suis-je le frère aîné ? Ou ai-je l’attitude du fils prodigue ?", en cherchant à garder toujours un esprit d’humilité et un cœur contrit, et en vous réjouissant de la Miséricorde infinie du Seigneur.