"À J-7 du retour, relate Albane, à la tête d’une tribu de six enfants, l’excitation monte, les enfants sautent de joie, on se met en quatre pour que la maison soit belle et propre, on bricole une guirlande. Une énergie folle s’empare de tous." Le retour du cher et tendre –parfois de la chère et tendre ! – est souvent un moment extraordinaire d’une grande intensité, mais qui peut ne pas s’avérer aussi idyllique que prévu.
Ensemble c'est tout
"Le désenchantement est parfaitement normal, rassure Mathilde Tiberghien, psychologue et psychothérapeute familière du sujet. Chacun a appris à s’organiser sans l’autre, il faut reprendre ses marques en douceur." Pour y aider, pourquoi ne pas décider de marquer le coup et de bichonner la famille dans son entier ? Faciliter la logistique en recourant – au moins quelques semaines – à une aide-ménagère, partir tous ensemble, s’aménager des plages de détente – pour la femme, vidée par ce temps en solo où tout a reposé sur elle ; pour le militaire qu’un sas de décompression aidera à atterrir en douceur.
"Il est bon que la famille se recentre sur elle sans s’encombrer d’une flopée d’amis ou cousins, soutient Mathilde Tiberghien. Ce qui n’empêche pas d’organiser par la suite une grande fête en l’honneur du soldat revenu au bercail." Albane valide : "Pendant une quinzaine de jours, c’est notre noyau familial qui est prioritaire. On part s’aérer au bord de la mer, en forêt… Puis en amoureux, un week-end ou une petite semaine. Pour moi, la priorité des priorités, c’est cette escapade tous les deux. Un couple qui va bien, c’est une famille qui va bien !" Même son de cloche chez Aude, maman d’une fille et deux garçons : "En premier lieu, nous resserrons les liens tous les cinq puis nous prenons la poudre d’escampette en couple. Histoire de se retrouver dans un autre cadre. Car la griserie des retrouvailles se dissipe vite. Il faut se réaccorder, se laisser le temps des réajustements."
La mission côté pile et côté face
Laisser le temps au temps est primordial. On ne gomme pas d’un revers de main des centaines de jours à des milliers de kilomètres les uns des autres. Que chaque conjoint se donne la peine d’écouter comment l’autre a vécu sa mission : d’autant que le militaire peut avoir subi des évènements traumatiques qui mèneront un travail de sape intérieure si la parole ne joue son rôle thérapeutique. Albane et Gabriel ont constaté qu’il leur fallait une quinzaine de jours pour "débriefer". "Les choses reviennent en désordre. Ce qui importe, c’est de se raconter l’un l’autre. J’aime que Gabriel, tout donné au service de la France, me brosse le tableau de son Opex. J’apprécie également qu’il mesure ce que j’ai endossé en son absence. J’ai la chance qu’il soit attentif à ça et me valorise. J’ai fait ma part, il m’en est reconnaissant. Quel cadeau !"
Le retour en questions
Reste à réaménager le quotidien pour que chacun retrouve ses marques. Une fois encore, Mathilde Tiberghien recommande d’oser se parler de ce retour : "Est-ce compliqué pour toi de reprendre ta place ?" peut demander la femme. "Suis-je maladroit ou ajusté vis-à-vis des enfants ?", interrogera à son tour le mari. "C’est en amont que Gabriel se prépare au retour, témoigne Albane. Il sait que les enfants vont lui sauter au cou, qu’il doit se rendre disponible. De mon côté, je veille à m’effacer, à lui laisser toute latitude pour reprendre sa place de chef de famille. Je m’emploie à ce que ces retrouvailles soient douces."
Le dialogue au sein du couple est d’autant plus nécessaire que la mission a pu faire bouger les lignes : chacun puise tant dans ses propres ressources pour relever ce défi qu’il en sort un peu différent. "Aussi dur que ce soit, analyse Aude, être poussée dans ses limites fait grandir, c’est un vrai coup d’accélérateur. Ça m’a fait mûrir et m'a révélé à moi-même. Au fil des Opex, mon mari a été bluffé par ce changement. Il s’est réjoui de me voir "déployer mes talents" (sic). C’est ça aussi le fruit de la mission."
Pratique