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La décision prise par Amazon de mettre fin au télétravail à partir du 1er janvier 2025 pour les 300.000 salariés de l’entreprise a créé une grande surprise dans le monde du travail. Comme dans beaucoup de domaine, les GAFAM [acronyme des géants de l’économie numérique : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, Ndlr] sont observés car souvent précurseurs de tendance. Cette décision illustre le mouvement observé dans de nombreuses entreprises de revenir sur l’organisation du travail mise brutalement en place en quelques heures en mars 2020, lors de la première vague du Covid. Rappelons-nous de la prouesse qui fut déployée partout dans le monde pour permettre la survie des entreprises dans le contexte sanitaire de l’époque.
Depuis cette période, le télétravail s’est installé de manière durable dans le paysage des règles du travail et notamment en Europe et aux USA. Comme souvent, c’est chez les Américains que les mesures d’organisation furent les plus radicales, avec un début de retour au bureau de manière très partielle en 2022. Les salariés ont goûté une nouvelle liberté dans leur organisation personnelle, permettant de mieux concilier les obligations familiales, la qualité du travail, et ayant entraîné souvent des déménagements dans des zones de vie plus agréables et surtout nettement moins coûteuses. Habiter à 100 km de New-York par exemple permet de diviser par deux le coût de l’habitat.
La recherche d’un équilibre
Beaucoup ont décrit ce bouleversement complet du rapport au travail, avec un renversement réel du rapport entre l’entreprise et le salarié, ce dernier nettement plus décideur des conditions d’exercice de son emploi. Il n’est pas rare que les conditions de télétravail entre désormais dans les trois éléments de choix d’un travail, à égalité avec les conditions salariales, tout cela porté par une pénurie de main d’œuvre dans de nombreux secteurs économiques depuis plusieurs années.
En France, les conditions du télétravail sont encadrées soit par le contrat de travail, soit par un accord d’entreprise, soit par une charte dument établie, évitant le système à la carte rapidement devenu un casse-tête ingérable pour les directeurs des ressources humaines. Une forme d’équilibre s’est établie pour contrecarrer les excès du télétravail : impossibilité de réunir au même instant ses collaborateurs, difficulté d’organisation des permanences, disparition progressive de la culture de groupe face à un corps social morcelé et désincarné, difficulté d’évaluer réellement le temps de travail des salariés, etc. Le patron d’un grand groupe français disait sa peine à distiller l’esprit de corps et l’envie d’appartenance dans une filiale étrangère où les employés se rencontraient quelques fois seulement par mois… Un autre évoquait sa gêne de voir désormais son entreprise scindée en deux entre cols blancs et cols bleus, ces derniers devant continuer à se plier à des horaires de travail en usine très contraignants.
Construire une amitié professionnelle
On ne reviendra jamais totalement en arrière et la décision d’Amazon serait très difficilement applicable désormais dans l’Hexagone, notamment dans les grands groupes. C’est donc aux managers à trouver maintenant les ressorts de la motivation, de la confiance, et être aussi pédagogique pour inciter à retrouver des plages de vie commune dans les bureaux, plus intenses, plus vivifiantes, plus inspirantes. L’entreprise est devenue un des derniers bastions du « vivre ensemble » organisée pour un projet commun. Elle est le lieu de l’enrichissement réciproque, de la croissance personnelle et de l’épanouissement par le travail. Le télétravail a fait franchir un palier dans le rapport de confiance entre l’employé et l’employeur, et dans l’esprit de délégation. Cette maturité nouvelle doit être le creuset de la confiance, et celle-ci a plus que jamais besoin de se nourrir d’échanges réels, en chair et en os, les yeux dans les yeux, pour construire une véritable amitié professionnelle.