Plus de deux semaines après la nomination de Michel Barnier à Matignon, la composition de son gouvernement a été annoncée samedi 21 septembre par l’Élysée. En réunion de groupe des députés macronistes ce dimanche 22 septembre, Gabriel Attal s’est alarmé de la nomination de ministres "conservateurs". L’ex-Premier ministre vise notamment ceux qui se sont opposés au mariage pour tous en 2013, et plus récemment aux transitions de genre chez les mineurs et à la constitutionnalisation de l’IVG. Faisant état de "désaccords de fond avec certaines personnalités qui ont intégré le gouvernement", il a assuré qu’il allait demander au nouveau Premier ministre Michel Barnier "d'affirmer clairement dans sa déclaration de politique générale qu'il n'y aura pas de retour en arrière sur la PMA, le droit à l'IVG, les droits LGBT". Quelles sont vraiment les convictions du nouveau gouvernement, dont les membres sont issus de la droite et des rangs macronistes ?
Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation (LREM)
Ex-ministre du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, 64 ans, est maintenue dans le gouvernent Barnier en charge des territoires et de la décentralisation. Elle avait rejoint en janvier le gouvernement de Gabriel Attal où elle a porté le projet de loi fin de vie dont l’examen a été stoppé net par la dissolution de l’Assemblée nationale. Un texte dont la dernière mouture, comprenant notamment des modifications des critères d'éligibilité pour accéder à l'aide à mourir, avait soulevé bon nombre d’inquiétudes et de réticences. Modifier les critères d'éligibilité, "c'est rompre l'équilibre de ce projet de loi", avait mis en garde Catherine Vautrin, en introduisant les débats à l'Assemblée nationale. "Nous souhaitons que l'aide à mourir soit ouverte uniquement pour des personnes majeures, de nationalité française ou à résidence stable et régulière, atteintes d'affections graves et incurables avec pronostic vital engagé à court ou moyen terme, souffrant de douleurs insupportables et réfractaires aux traitements, qui en expriment la demande de manière libre et éclairée", avait-elle détaillé.
Elle a en revanche pris position de manière beaucoup plus ferme sur la constitutionnalisation de l’IVG. Après le vote en mars 2024, la ministre a salué "un moment extrêmement important de concorde nationale pour la liberté des femmes de France". "Nous voyons que dans certains pays, ce droit peut être en recul. Eh bien la France, aujourd’hui, montre la voie, s’engage, et je crois que c’est la fierté des femmes de France."
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur (LR)
Le patron du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau, 63 ans, a été nommé ministre de l’Intérieur en remplacement de Gérald Darmanin. Décrit comme un représentant de la droite conservatrice, teneur d’une ligne ferme en matière d’immigration, de sécurité, ou de respect de la laïcité, il n’a eu de cesse de dénoncer "le laxisme" de la macronie sur ces sujets. En 2013, il s’est opposé au mariage pour tous. En février dernier, il a voté contre la réforme inscrivant une "liberté garantie" à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution : "Une garantie, c'est une obligation. Notre crainte, c'est qu'une jurisprudence créative puisse créer un droit opposable", a-t-il souligné.
Par rapport au projet de loi sur la fin de la vie, Bruno Retailleau a alerté en mai 2024 des importantes dérivées liées au texte remanié par la commission parlementaire spéciale. "En cinq jours, cette commission spéciale a accompli une trajectoire que la Belgique avait mis 22 ans à effectuer, et le Canada 8 ans. À partir du moment où l'on épouse la logique du droit à mourir, les engrenages s'enclenchent et la machine des "droits à" s'emballe pour aller toujours plus loin, franchir toujours plus de limites", s’est-il inquiété dans une interview au Point. Au sujet de la transition de genre chez les mineurs, Bruno Retailleau a soutenu en mai dernier une proposition de loi visant à encadrer les transitions de genre avant 18 ans, mettant en garde contre l’irréversibilité des actes de transitions : "On ne veut pas de traitement irréversible chez les mineurs".
Geneviève Darrieussecq, ministre de la Santé et de l'accès au soin (MoDem)
Secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées sous Édouard Philippe, en charge de la Mémoire et des Anciens Combattants sous Jean Castex, du portefeuille des Personnes handicapées sous Élisabeth Borne, Geneviève Darrieussecq, 68 ans, est médecin allergologue. Entre autres dossiers brûlants, c’est elle qui hériterait du projet de loi sur la fin de vie s’il était de nouveau porté au calendrier. Dans un communiqué du 21 septembre 2024, l’ADMD (Association pour le droit à mourir dans la dignité) exige la reprise sans délai de la discussion sur le projet de loi fin de vie, mais craint que "la nomination de Geneviève Darrieussecq ne porte aucun espoir nouveau pour les malades qui souhaitent rester maîtres de leur parcours de fin de vie". En tant que députée, Geneviève Darrieussecq a participé aux travaux parlementaires au printemps dernier. Lors de ses interventions, elle a semblé plutôt prudente sur l'aide à mourir, expliquant qu'il fallait être humble face à ce sujet sociétal majeur qui soulevait chez elle "plus de questions que de réponses". "Je pense qu'il faut distinguer les soins, y compris la sédation profonde et continue prévue par la loi Claeys-Leonetti – soin ultime, pratiqué jusqu'à la fin de la vie de la personne –, de l'injection d'un produit létal, qui n'est pas un soin à mes yeux. Je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas y recourir dans certains cas – c'est une autre question. Cet acte répond à une demande sociétale, mais, j'y insiste, n'est pas un soin", a-t-elle martelé en séance le 7 juin 2024.
Concernant la constitutionnalisation de l’IVG, elle s’est réjouie du vote du 4 mars dernier : "C’est un moyen de solidifier le droit des femmes dans notre pays après ce long combat commencé avec Simone Veil sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing", a-t-elle déclaré, soulignant sa "grande fierté d'être française". "Beaucoup disent que ce droit à l’avortement n’est pas en danger, personne n’en sait rien pour les prochaines années, regardez aux États-Unis". Quant au mariage pour tous, elle avait confié en 2012 qu’elle appliquerait "la loi qui s’impose à elle en tant qu'officier d'état civil" (elle était alors maire de Mont-de-Marsan) bien qu’elle ne soit "pas sûre que la question de la parentalité, indissociable de celle de l'union, ait vraiment été abordée" lors des débats. Elle avait alors ajouté à l’époque qu’elle n’était en revanche pas favorable à la procréation médicalement assistée.
Anne Genetet, ministre de l’Education nationale (Renaissance)
Vice-présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, Anne Genetet, 61 ans, médecin de formation, hérite du ministère de l’Education nationale. En 2021, elle s’était fermement positionnée contre la loi sur l’euthanasie, notamment en tant que médecin : "Je ne peux aborder ce thème sans penser à ma mission et mon expérience comme médecin. Le fondement même du serment d’Hippocrate est de se donner les moyens de sauver la vie. Il va jusqu’à préciser "je ne provoquerai jamais la mort délibérément"". Elle soulignait également l’ambivalence du patient face à la question de la mort : "Je veux aussi souligner comme médecin qu’il m’a été donné d’observer combien l’être humain peut changer d’avis, jusqu’à la toute dernière seconde, en toutes circonstances, y compris devant la mort".
Au sujet de l’inscription de l’IVG dans la Constitution, elle s'est réjouie de "la reconnaissance indélébile du droit fondamental des femmes à disposer de leur corps, un droit désormais inaliénable et protégé de toute remise en cause future".
Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur (LR)
Patrick Hetzel, député LR du Bas-Rhin, 60 ans, se voit confier l’Enseignement supérieur. Le député alsacien est connu pour ses positions contre plusieurs lois sociétales, comme le projet de loi fin de vie ou l’inscription de l’IVG dans la Constitution. "Je suis abasourdi par ce qui a été voté en commission", confiait-il à Aleteia au sujet de la nouvelle mouture du texte sur la fin de vie. Hostile au texte initial, le député n’imaginait pas qu’autant de lignes rouges aient pu être franchies dès la commission. "En réalité ce sont des choses que l’on risquait de retrouver avec l’évolution de la loi au fil des années mais je n’imaginais pas que tout cela puisse d’ores et déjà se retrouver dans le texte validé par la commission spéciale."
Concernant la constitutionnalisation de l’IVG, Patrick Hetzel a déposé des amendements qui avaient pour objectif d’inscrire dans la constitution l’équilibre de la loi Veil qui repose sur un tryptique entre la liberté de la femme à disposer de son corps, la protection de la vie à naître et enfin, la liberté de conscience des professionnels de santé. "En constitutionnalisant l’un sans les deux autres, un déséquilibre juridique se met en place en raison de la hiérarchie des normes juridiques, ce qui est inquiétant", affirme-t-il.