C’est une figure chère aux maronites qui va être béatifié ce vendredi 2 août à Bkerké, au nord de Beyrouth (Liban), par le cardinal Marcello Semeraro, préfet du dicastère pour les Causes des Saints. Étienne Douaihy, 57e patriarche maronite sur le siège d’Antioche entre 1670 et 1704, est réputé être un éminent historien et théologien libanais. Son rôle historique et spirituel auprès des maronites est si important qu’il se voit fréquemment attribuer les titres de "Père de l'histoire maronite" ou bien de "Second Chrysostome".
Né le 2 août 1630 au nord du Liban, Étienne Douaihy, orphelin de père à l’âge de 3 ans, étudie longuement à Rome, de 1641 à 1655. Il y apprend la rhétorique, la logique, les mathématiques, la philosophie, la théologie et de multiples langues, dont l'arabe, le syriaque, l'italien, le latin et le grec. Une période durant laquelle il attribue à la sainte Vierge sa guérison d’une maladie qui aurait pu le rendre aveugle. Ordonné prêtre à Ehden, sa ville natale, le 25 mars 1656, il exerce de nombreuses missions de prédicateur, notamment à Alep, où il fonde la prestigieuse École maronite. Tout en écrivant de nombreux livres, il se fait aussi connaître pour sa générosité dans le service des pauvres. En 1668, il devient l’évêque maronite de Chypre, recevant la consécration épiscopale à seulement 38 ans.
En 1670, il devient à 40 ans le nouveau patriarche maronite, mais son élection sera contestée par une partie des notables locaux. Il ne recevra le pallium que trois ans plus tard, en 1673. Il met en œuvre des réformes importantes pour préserver et développer la liturgie maronite en mettant l'accent sur les traditions syriaques et en réduisant les influences latines. Malgré le harcèlement fiscal subi de la part des autorités ottomanes, il sera un patriarche bâtisseur, faisant construire de nombreuses églises et des monastères. C’est notamment sous son autorité que seront canoniquement reconnus l’Ordre mariamite et l’Ordre antonin maronite. Il œuvra également au retour des chrétiens melkites dans la communion avec Rome.
Après son décès le 3 mai 1704, le patriarche Étienne Douaihy demeurera entouré d’une réputation de sainteté, mais ce n’est qu’en 2000 que sa cause est formellement ouverte par l’Église maronite. Le 3 juillet 2008, Benoît XVI lui a attribué le titre de vénérable. Le miracle attribué à son intercession, et qui ouvre donc la voie à sa béatification demain, concerne la guérison d’une femme libanaise née en 1958 et atteinte d’une grave polyarthrite portant atteinte à sa locomotion. Elle a subitement retrouvé toutes ses facultés en 2013 après avoir bu, à l’invitation d’une amie profondément croyante, un café dans lequel était mêlée de la terre récoltée au pied de la statue du patriarche. Un second miracle attribué au patriarche maronite ouvrirait un jour la voie à la canonisation d’Etienne Douaihy.
Une cérémonie dans un contexte très difficile
L’Église maronite doit son nom à saint Maroun, un moine ascète né dans le nord de l’actuelle Syrie et mort au début du Ve siècle (vers 410). Cette Église n’a jamais été séparée de Rome mais dispose d’une hiérarchie propre avec à sa tête le patriarche d’Antioche et de tout l’Orient – actuellement le cardinal Béchara Raï. Les maronites forment la plus grande communauté chrétienne du Liban où ils seraient environ 800.000. La diaspora compterait quant à elle plus de 3 millions de maronites.
La cérémonie de béatification se tient dans un contexte de vacance du pouvoir au Liban, pays qui n’a plus de président depuis octobre 2022. Cette charge doit statutairement revenir à une personnalité de confession maronite. Ce blocage institutionnel fragilise un peu plus ce pays confronté à une grave crise économique et à la montée brutale des tensions avec Israël.