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Quand bon nombre de jeunes rêvent d’une belle carrière et de luxueuses vacances, Dilan Adamat a fait un autre choix. Fils d’un couple irakien installé en France au début des années 1990, le jeune homme nourrit un rêve un peu fou depuis plus de dix ans. Celui de retourner vivre sur sa terre d’origine, là où il est né, en Irak. Ce rêve, il a pu le réaliser il y a cinq ans, en 2019, lorsqu’il s’est installé à Ankawa, une petite ville chrétienne de la banlieue d’Erbil (Kurdistan irakien). "Au départ, tout le monde pensait que c’était une lubie, ma famille ne comprenait pas", raconte ce jeune homme de 33 ans à Aleteia. "Mes parents ne comprenaient pas, ils ont quitté l’Irak pour offrir une vie meilleure à leurs enfants et ne pensaient pas qu’ils voudraient faire le chemin inverse."
Des années de préparation
Arrivés en France en 1991, les parents de Dilan ont quitté l’Irak avec leurs enfants pour échapper à l’embargo qui a plongé le pays dans une grave crise économique, après l’invasion du Koweït. Installée à Nantes, la famille s’intègre parfaitement et se rend de temps en temps en Irak pour les vacances. C'est au cours de ces années que le jeune Dilan développe une profonde affection pour ce pays où il n’a pas pu grandir. "Le mode de vie et la culture là-bas me plaisaient, j’avais un attachement pour les gens", explique le trentenaire. "Mais j’avais aussi une conscience développée, je voulais être utile."
Loin du projet fantaisiste, son retour en Irak nécessite plusieurs années de préparation. Chrétien chaldéen, la langue maternelle du jeune homme est l’araméen. Mais il ne parle pas l'arabe, l’une des deux langues officielles de l’Irak avec le kurde. Pendant ses études de droit à Nantes, il fréquente les cours du soir de la faculté de langues pour maîtriser l’arabe. Puis, en 2015, Dilan déménage à Paris où il trouve un emploi dans un cabinet d’avocats. "Pour moi, c’était hors de question d’aller [en Irak] les mains dans les poches, j'ai donc trouvé ce travail à Paris pour pouvoir faire des économies en prévision de mon installation", explique-t-il. En 2019, le jeune homme se sent prêt à partir et s’installe donc à Ankawa, sa ville d'origine, où vivent près de 50.000 chrétiens. Ses parents, eux, restent en France. Si son départ suscite de nombreux débats au sein de la famille, Dilan comprend cette réticence première : "Nos parents sont partis pour des raisons légitimes, ils nous ont offert la paix", assure le jeune homme, reconnaissant. "Nous avons pu, mes sœurs et moi, grandir dans un confort, certes limité, mais bien meilleur que ce que mes cousins ont pu vivre en Irak sous l’embargo."
Dilan Adamat sait qu’il aurait pu prétendre à une belle situation et vivre confortablement en France. Mais c’est en vivant sur sa terre d’origine qu’il s’épanouit. Sa foi en Dieu le pousse à choisir de servir, plutôt que de posséder. Et il y va à fond. Depuis son arrivée en Irak, le jeune homme jongle entre un travail de consultant, un autre dans une ONG catholique américaine, des activités associatives ou encore l’animation d’émissions de radio en français, en araméen et en anglais. "Ce qui est important, ce n’est pas mon profit ou ma carrière, c’est ce que je peux faire pour les autres." Au cours des trois années de guerre avec Daesh qui ont ravagé l’Irak, Dilan développe même une conscience aiguë du sens de son retour. "Ce n’était pas simplement l’envie d’être ici qui me motivait mais aussi une ambition, celle de servir les gens d’ici", raconte-t-il. "La guerre avec Daesh me confortait dans l’idée que j’aurais peut-être un rôle à jouer, porter ma petite pierre à l’édifice de la reconstruction de l’Irak".
Une urgence pour les chrétiens
De cette ambition naît alors un projet : créer une ONG pour aider les émigrés irakiens, en particulier chrétiens, à se réinstaller dans le pays. S’ils étaient 1,4 million à vivre en Irak en 2003, on estime qu'ils ne plus sont aujourd’hui que 150.000 à 400.000. "Il y a une urgence pour les chrétiens, car on a vraiment atteint le seuil critique de la disparition de cette population", prévient-il. "Ce serait un drame pour le pays à l’échelle de l’histoire car nous sommes les premiers convertis. C’est une ambition pour le pays, mais aussi pour la chrétienté qui ne peut pas disparaître de son berceau d’origine." En 2023, Dilan crée The Return, qui accompagne et conseille tous ceux qui sont tentés par un retour en Irak. L'association est gérée par le jeune homme et quelques bénévoles, en Irak ou depuis la France pour certains. "Il y a des profils très variés", note-t-il, des "familles qui ont quitté l’Irak il y a dix ou quinze ans, ou encore des jeunes de la deuxième voire troisième génération ; en fonction, les besoins ne sont pas les mêmes." Certains ont besoin de cours de langue, d’autres de bénéficier d’un réseau professionnel pour trouver du travail, ou encore d’être accompagnés dans des démarches administratives complexes pour obtenir la nationalité irakienne.
Pour l’heure, l’association aide "une cinquantaine de pionniers" à rentrer en Irak. Même si des Irakiens continuent de quitter le pays, Dilan est certain que le mouvement du retour peut prendre de l’ampleur. "Le départ des autres est un drame pour ceux qui restent, chaque jeune qui reste est une victoire et nous voulons montrer aux gens qu’il y a de l’avenir ici", assure-t-il. "La situation de l’Irak s’est améliorée, même s’il y a encore des problèmes. Je vois les choses sur le long terme : l’Irak n’a pas souvent connu de paix durable à l’échelle de l’histoire. Aujourd’hui, la vie est meilleure, et il y a une envie de s’en sortir et de construire l’avenir." Faire revenir ceux qui sont partis et donner aux autres l’envie de rester en Irak est une tâche difficile, mais Dilan y croit. "Nous avons pour mission d’apporter l’espérance", assure-t-il. "Malgré les difficultés, les gens ici posent des questions sur les retours, et c’est mon rôle au quotidien de leur rappeler que l’espérance doit toujours exister, qu’on peut être acteurs de notre avenir."