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Saint Louis-Marie et les apparitions de la Dame blanche

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Saint Louis Marie Grignion de Montfort.

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Anne Bernet - publié le 27/04/24
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D'origine bretonne, Louis-Marie Grignion, qui se faisait appeler le père de Montfort, marqua durablement les diocèses de l'Ouest de la France au début du XVIIIe siècle en prêchant des missions rurales enflammées. Considéré comme l’un des maîtres de la théologie et de la spiritualité mariales, il recevait régulièrement des visites de la Dame blanche avec laquelle il conversait… parfois devant des témoins interloqués. L’Église le fête le 28 avril.

À côté des apparitions de Lourdes, La Salette, Pontmain ou Fatima, qui sont là pour renforcer la foi des multitudes, il en est d’autres, plus fréquentes sans doute que l’on pourrait le supposer, d’ordre strictement privé, ne concernant que celui ou celle qui en bénéficie et en conserve, le plus souvent, sauf ordre contraire d’En-Haut, le secret. Il arrive pourtant qu’en dehors de l’intéressé, d’autres en soient les témoins étonnés. Cela s’est produit à maintes reprises dans la vie, tant éprouvée, du père de Montfort, pour le réconforter, certes, mais aussi, alors que même les évêques et le clergé se moquaient ouvertement de ce pauvre prêtre incapable de suivre "les voies communes", ainsi que ses supérieurs le lui reprochaient depuis le séminaire, afin de révéler son authentique sainteté.

Entre Nantes, Luçon et La Rochelle

Quoique l’Église ne fasse pas obligation d’y croire, pas plus d’ailleurs qu’aux plus célèbres mariophanies, car ces révélations privées ne sont pas de foi, les biographes de Louis-Marie Grignion en recensent neuf, entre 1708 et la mort du saint en 1716, attestées car diverses personnes les observèrent involontairement ; encore peut-on à bon droit supposer qu’elles furent beaucoup plus nombreuses mais que personne n’en découvrit le secret. Celles connues se situent toutes dans les dernières années du père de Montfort et dans un périmètre relativement restreint, appartenant aux diocèses de Nantes, Luçon et La Rochelle : Landemont, Pontchâteau, La Garnache, Les Nouilliers, Tangon-la-Ronde, Saint-Amand-sur-Sèvres, Mervent, Fontenay-le-Comte, Saint-Laurent-sur-Sèvres.

La première connue s’est produite fin novembre 1708. Comme d’usage pendant une mission, les gens viennent se confesser, condition nécessaire à la communion qui clôture ces exercices de piété. Bien qu’assisté d’autres prêtres, le père de Monfort, comme l’abbé Grignion se fait appeler, abdiquant jusqu’à son identité propre, ce qui lui vaudra quelques rebuffades, y compris de la part d’un de ses frères qui ne l’a pas reconnu sous ce nom, peine à suffire à toutes les demandes qui lui sont adressées. Entre le confessionnal, la chaire et l’autel, il n’arrête pas, sinon pour prendre un repos minimal, et avaler en hâte des repas de misère qu’il juge toujours trop bons. Encore arrive-t-il que certains pénitents, craignant de le manquer, viennent le déranger alors qu’il est à table ou s’apprête à y passer.

Les provisions inépuisables

Cela lui arrive en cette fin d’automne vendéen morose où, avant dîner, il arpente le jardin de la cure en lisant son bréviaire. Une femme demande à se confesser, le curé la laisse rejoindre le missionnaire mais elle s’arrête, très gênée, s’excuse de l’avoir dérangé alors qu’il parlait "avec cette belle Dame rayonnante" qui, étrangement, n’est plus là. Louis-Marie la dévisage et lui répond avec un sourire : "Allez, ma fille, vous n’avez pas besoin de vous confesser puisque vous avez vu Celle que je ne faisais qu’entendre."

Réponse quasi identique en 1711 alors qu’il loge chez une veuve pauvre mais exemplairement charitable, prête à se priver de son nécessaire afin de nourrir le missionnaire et ses aides. Cette Jeanne Guigamp est d’ailleurs la seule, à La Garnache, à se dévouer ainsi pour le saint. Un midi qu’il rentre manger, Jeanne, qui met la table, regardant par la fenêtre, voit son hôte arriver en compagnie d’une "belle Dame blanche" et, sans se poser de question, cherche une assiette supplémentaire pour cette visiteuse inattendue. Mais quelle est sa surprise, lorsque Louis-Marie pousse la porte, de le découvrir seul. Dehors, pas trace de son accompagnatrice. Comme elle s’étonne, le saint rétorque : "Vous êtes bienheureuse, bonne femme ! Restez donc toujours digne de voir la Sainte Vierge" et, s’il fallait donner la preuve de l’identité de la Dame, de cet instant, et tant que la mission durera, les provisions dans lesquelles la veuve ne cesse de puiser libéralement se révèlent inépuisables pour la récompenser d’avoir ajouté un couvert à l’intention de Notre-Dame. 

La Dame en l’air

Dans le même temps, au presbytère d’une autre paroisse, c’est un enfant de chœur venu le prévenir que la soupe est servie qui s’excuse auprès de son curé, l’abbé Dorion, de n’avoir pas osé déranger le père "car il parlait avec une Dame en blanc en l’air"… L’on peut comprendre l’hésitation du gamin devant cette vision… Encore ne se mérite-t-il pas la réplique du missionnaire à un autre enfant de chœur, de Fontenay-le-Comte, en 1715 : "Ah, vous l’avez donc vue ? Eh bien, soyez content, car vous êtes pur et vous irez en paradis !" Prophétie qui s’accomplit peu après car le petit garçon meurt soudainement, dans la plénitude de son innocence, mis désormais à l’abri de tout risque de se perdre, l’essentiel aux yeux du père de Montfort, qui sait ce qui importe et ce qui n’importe pas.

L’ultime manifestation de ce genre aura lieu fin avril 1716, à quelques jours seulement de la mort du père de Montfort à Saint-Laurent-sur-Sèvres. Là encore, un homme entré à la sacristie dans l’intention de se confesser verra "la Dame blanche", et, comme s’il n’était plus utile de cacher la vérité, s’entendra répondre quand il s’excusera d’avoir dérangé le prêtre : "Ce n’est rien, je m’entretenais avec Marie, ma Bonne Mère." Peut-être devrions-nous aller plus souvent à confesse… Qui sait, après tout, si nous ne mériterions pas, à notre tour, d’interrompre un colloque céleste ?

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