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Le printemps revient. Depuis ma fenêtre, à sept heures et demi, je découvre une lumière radieuse, des prairies d’un vert très tendre, des champs de blés d’un vert un peu plus foncé, des parcelles de fèves d’un vert céladon, des bois encore nus et bruns avec un minuscule soupçon de rouge, et tout au fond la neige éclatante qui transforme les Pyrénées en fromage blanc. La saison est en avance, une fois de plus. Ce que j’observe ce matin, avec les peupliers qui changent de couleur d’heure en heure, c’est ce qu’enfant je remarquais en avril. Pendant que l’Occident assiste impuissant à la recomposition du monde, le monde assiste impuissant à la recomposition du climat. Que de changements ! Que d’effroi ! Et que faire ?
Le climat va plus vite que nous
Nous aimerions que le changement climatique dépende de nous : mais si l’activité humaine en est une cause essentielle, il nous dépasse. Il va plus vite que nous. Je fréquente la seule profession qui ne compte aucun climato-sceptique : les agriculteurs. Face au changement du climat, les paysans sont en première ligne. Les éleveurs qui fanaient fin juin il y a cinquante ans, ont fauché l’an dernier début mai. Depuis quelques années, les moissonneurs de ma commune ont souvent fini leur ouvrage avant le début du Tour de France. Les vignerons vendangent en moyenne trois semaine plus tôt que dans leur jeunesse, et le raisin qu’ils récoltent n’est plus exactement le même : il est "trop". L’un d’eux me dit : "Naguère, quand nous sortions une parcelle à douze degrés d’alcool, nous étions trop contents, parce que cela faisait monter la moyenne. Maintenant, quand nous sortons une parcelle à douze degrés d’alcool, nous sommes trop contents, parce que cela fait baisser la moyenne." Un voisin céréalier qui depuis quarante ans relève chaque matin la température et la pluviométrie à l’entrée de sa grange, me dit que le GIEC s’est trompé : le réchauffement est chez lui plus rapide que ce qu’on nous raconte à la télé.
La poésie du printemps
Et la vie continue. C’est cela, la leçon du printemps. Les lézards qui prennent le soleil sur le perron sont toujours là, comme lorsque j’étais enfant, et toujours ils annoncent un bonheur qui est celui des vacances. Les moineaux déploient une activité inlassable de bâtisseurs. La poésie du printemps est intacte. Après la fin du monde inlassablement annoncée, la vie ne s’arrête pas. Le bouleversement du climat est effrayant, mais nous vivons.
Régner par la culpabilité est une erreur fossile des régimes en déclin.
Le monde païen, à la recherche d’un nouveau catéchisme, prétend nous culpabiliser pour des questions de thermomètre et de biodiversité : il nous explique que tout est de notre faute à nous, bipèdes maléfiques. Comme si la culpabilité pouvait être un moteur du changement de nos comportements. Régner par la culpabilité est une erreur fossile des régimes en déclin. Le monde païen veut faire peser sur nos enfants le péché de leurs pères. Il veut nous envoyer pour de bon en enfer. Pour moi, je préfère regarder vers le ciel. Adieu, froid vif de nos hivers trop longs !