« Louez Dieu ! », l’exhortation publiée ce 4 octobre se présente comme un commandement avec des accents de supplique. Elle nous renvoie d’abord, baptisés, à notre mission. À ce pour quoi nous sommes créés et envoyés dans le monde : louer Dieu. Non comme des robots ou de membres d’une secte, en répétant machinalement des paroles et des gestes imposés par d’autres. Mais en reconnaissant dans le souffle de nos vies celui de Dieu, dans l’émotion de la création la beauté infinie de son Créateur.
« Louer », pour un chrétien c’est d’abord accepter de vivre en accueillant son existence comme un don confié et non d’abord comme un droit à faire peser sur autrui la satisfaction de ses besoins et de ses désirs. La vraie louange, si elle peut s’exprimer par la parole de nos chants ou le sourire de nos visages, naît d’abord de notre « oui » à cet appel que Dieu nous lance d’être les témoins accueillants et les dispensateurs généreux de cette Vie, torrent qui se déverse abondamment sur toute la création.
Le Pape crie
Bien sûr, puisque il les cite, François prend le risque de voir certains gloser — et ils n’y manqueront pas — sur la validité des théories scientifiques. Il appelle à la raison : lorsque l’immense majorité des spécialistes se mettent d’accord sur des observations et en tirent les mêmes analyses prospectives, il est irresponsable de continuer à se jouer des mots et des maux à venir. Ce n’est pas sur le constat que nous sommes attendus, mais sur la réponse à y apporter. Et cette réponse tient dans ce commandement, « Louez ! », que précède un cri.
Le Pape crie, comme on crierait devant un ami qui « fonce dans le mur » et refuse d’entendre les avertissements lancés. Comme Jésus crie tout au long de l’Évangile vers tous ceux qui l’entendent et l’entendront, pour les prévenir des tourments à venir s’ils refusent de croire qu’ils sont aimés d’un Amour qui pardonne et sauve. Le Pape crie parce que ceux qui savent et devraient agir ne font rien, ou si peu. Parce que l’Argent est un maître qui avilie la conscience et émascule tout courage. Le Pape crie au monde, aux gouvernants, aux capitaines d’industrie, aux responsables de tous poils qu’il faut avoir du courage pour être des hommes et qu’ils ont encore la possibilité de le prouver. Parce qu’il faut faire plus, beaucoup plus.
Appelés à être prophètes
Il ne crie pas pour culpabiliser mais pour réveiller, pour obliger à l’intranquillité car le danger est réel pour nombre de «petits », et pas simplement à venir pour les plus « à l’abri ». Il crie aussi aux baptisés... qu’il est temps de crier nous aussi ! Dans nos pays, dans nos entreprises, dans nos cités, dans nos familles, dans nos paroisses, qu’il est temps d’élever la voix en plus de nos prières. Non pour renverser quiconque, mais pour rappeler que rien n’est possible qui irait contre la vie, que cette vie est sacrée car elle est le seul bien que nul ne peut acheter et fabriquer. Elle s’origine en-dehors de nous et nous mène au-delà de nous. Tout dans la création nous révèle l’amour dont nous sommes aimés et le visage de celui qui est la source et l’aboutissement de cet amour. Que l’homme est déposé au cœur de cette création, non pour la dominer et se l’asservir mais pour y coopérer au dessein de Dieu.
C’est par notre manière de vivre que nous sommes appelés à être prophètes : dans notre consommation, dans nos voyages, dans nos investissements, dans nos loisirs. Le chrétien ne sert à rien ni à personne s’il pense qu’il lui suffit de suivre les offices pour être à la hauteur de sa mission. Car quel but ont les offices sinon de nourrir le désir de sainteté et de communion de l’homme avec Dieu. Ou bien ils ne sont que rites sociaux appelés à disparaître devant d’autres, plus ludiques et moins contraignants.
« Louez Dieu dans son temple saint »
Le Pape crie pour que nous entendions que nous sommes faits pour louer Dieu dans un monde où tout nous pousse à nous vendre à Mammon. Que nous sommes faits pour être libres et non pas enchaînés par la fébrilité spéculative et hédoniste. Que nous pourrons organiser tous les rassemblements et toutes les démonstrations possibles, si nous renonçons à croire que Jésus nous appelle à être le sel de la terre, nous ne sommes voués qu’à être jetés dehors et foulés aux pieds. Le Pape crie pour que nous comprenions que l’équilibre juste face aux défis qui nous menacent collectivement et gravement, se trouve dans notre capacité à chercher en vérité à louer Dieu, guidés par ce que l’Esprit murmure à nos cœurs et nos intelligences, sans crainte et pleins de confiance.
Certains diront qu’il y a des combats plus urgents : c’est qu’ils ne voient pas qu’il n’y en a qu’un, que ce combat les contient tous. Comme le psaume 150, le dernier du livre, récapitule tous les autres, car il nous remet devant l’essentiel :
« Alléluia ! Louez Dieu dans son temple saint, louez-le au ciel de sa puissance !
Louez-le pour ses actions éclatantes, louez-le selon sa grandeur !
Louez-le en sonnant du cor, louez-le sur la harpe et la cithare !
Louez-le par les cordes et les flûtes, louez-le par la danse et le tambour !
Louez-le par les cymbales sonores, louez-le par les cymbales triomphantes !
Et que tout être vivant chante louange au Seigneur ! Alléluia ! »