Jésus a fait vivre à Marie-Madeleine, femme très émotionnelle, un lent itinéraire de conversion en reprenant son attachement trop affectif pour la conduire à la vraie charité.
L’amour comporte tant de composantes ! Mélange de joie et de confiance, cette émotion riche et comblante peut rester bien souvent aveugle, fragile, subie et subjective, voire intéressée. On n’existe plus sans l’autre. Il s’agit de l’amour-éros qui procure beaucoup de plaisir. Délivré de sept péchés, Marie-Madeleine a aimé courir les routes avec Jésus et le servir totalement avec beaucoup d’entrain. Service passionné, tourné vers son Maître mais en totale dépendance et sans liberté.
Il fallait que cet amour d’amitié chez Marie-Madeleine connaisse une croissance qu’elle va vivre intensément lors de la Semaine Sainte. Dès le lundi, se précipitant aux pieds de Jésus, elle lui renouvelle son attachement, débordant dans le parfum, les baisers, les cheveux et les larmes. "Laisse-la faire", dit Jésus à Judas, car elle doit en passer par là. Au pied de la Croix, de nouveau elle peut embrasser ses pieds, mais dans la douleur et la compassion. Amour de compassion qui est un degré plus élevé.
Enfin au matin de Pâques, empressée, elle cherche encore cette amitié trop humaine et veut retrouver celui que son cœur aime, et le saisir. "Dis-moi où on l’a mis et je l’enlèverai" (Jn 20, 15). Mais Jésus se révélant, pendant qu’elle se prosterne à ses pieds, lui répond : "Ne me touche pas". Elle va acquérir cette qualité de la charité qui ne prend pas mais se donne, qui désire moins que proclamer l’existence de l’autre. Apôtre des apôtres, elle est envoyée et le quitte pour l’annoncer à ses frères, parce que son cœur l’aime maintenant d’un amour missionnaire. Elle l’a assez reçu pour le redonner. "Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir" (Ac 20, 35). La charité-agapé vise le bonheur de l’autre à n'importe quel prix, même celui de la passion douloureuse.