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"Le prêtre me faisait sortir durant la catéchèse pour des motifs variés. Une fois que j’étais sorti de la classe, il venait me chercher et en profitait pour m’embrasser, me caresser. C’était le rythme habituel auquel les choses se faisaient." Laurent Martinez se confie sans ambages quarante-cinq ans plus tard sur ce qu’il a vécu en 1977. Le prêtre, après que l’école eut été alertée, a été muté, et ses parents, "catholiques par tradition", n’ont plus jamais évoqué le sujet.
Devenu adulte, il rêve de devenir acteur et de s’y consacrer pleinement. Mais il se rend bientôt compte de sa difficulté à endosser certains rôles car incapable, dit-il, d’assumer "tout ce qui consistait à se rapprocher de soi". Difficile alors, pour lui, de mettre en scène une relation avec une femme et, dans la vie réelle, de nouer une relation amoureuse tout court.
Il lui est impossible de jouer, le malaise qu’il éprouve à jouer certains personnages est trop grand. Jusqu’au moment où il réalise la nécessité de s’affranchir de cet événement pour jouer. L’acteur, qui entretemps a pris la décision de se consacrer entièrement au théâtre, profite de la "carte blanche" offerte au cours de la deuxième année du Cours Florent afin de raconter, à travers une pièce, cet épisode de son existence, en insistant sur ce qui l’a sans doute fait le plus souffrir : le poids du regard de l’autre. Avec la peur, aussi, que tout le monde apprenne son histoire : "À aucun moment je ne m’étais posé cette question, cela peut paraître incroyable, mais c’est le cas. Je me suis dit cent fois que je ne pouvais pas le raconter, cela aurait été une torture pour moi." Ses proches, mais aussi des évêques, l’encouragent alors.
Ne pas "caricaturer l’Église"
Naît alors Pardon ?, une pièce de théâtre qu’il veut "la plus authentique possible" : un homme et une femme qui tâchent de s’aimer, et un prêtre et une religieuse qui les entourent, et s’opposent sur la place à donner aux abus sexuels dans l’Église. "Je ne voulais ni minimiser, ni caricaturer l’Église, je voulais que ce soit vrai", précise-t-il.
Il s’est levé et je lui ai répondu que je lui accordais pardon, ç’a été un moment très fort"
C’est au cours de l’une des représentations qu’il vivra une scène mémorable avec Mgr Éric de Moulins-Beaufort à Charleville-Mézières. La question du pardon ne s'était encore jamais posée, tandis qu'il s'arrangeait avec lui-même en se disant que le prêtre concerné, assez âgé à l’époque, était désormais mort. C’est alors que quelqu’un, dans son entourage, lui rappelle que l’Église peut demander pardon au nom des membres du clergé coupable et aujourd’hui décédés. Il s’y refuse d’abord, puis l’accepte : "Il s’est levé et je lui ai répondu que je lui accordais pardon, ç’a été un moment très fort", confie-t-il avec émotion. C’est le début, alors, d’une immense liberté, la fin de tout ce qu’il avait accumulé en lui depuis 40 ans.
Celui qui voit sa pièce comme une entreprise de libération de la parole se dit heureux de voir chaque nouveau scandale éclater dans la presse, décrivant ce qu’il a vécu comme la partie visible d’une réalité beaucoup plus profonde : "Plus il y a de scandales, plus le brouillard se dissipe." Avec l’espoir de voir un jour l’Église, pour laquelle il dit avoir toujours un profond respect, en sortir définitivement.
Pratique :