La pâte humaine est faite de péchés, mais aussi d’émotions, de sentiments et de vertus. Si certaines de nos émotions sont positives et peuvent s’épanouir en vertus, d’autres sont au contraire négatives et sont visées par l’Evangile pour être sauvées par une vertu particulière. Pourquoi ne pas mettre à profit ce temps de carême pour se convertir depuis l’intérieur de notre monde émotionnel - concept très à la mode - parfois envahissant, mais toujours en attente d’être visité par le Seigneur ?
Profitons de ce carême pour transformer les émotions positives et combattre ou réprimer les émotions négatives, selon les règles d’un bon combat spirituel. Jésus lui-même a connu le chagrin, la joie, l’appréhension ou l’étonnement, la compassion et l’angoisse, la tristesse et l’admiration.
Ne confondons pas les émotions et les sentiments. Ainsi l’émotion d’appréhension, forme amoindrie de la peur, en face d’un chien menaçant, engendre un sentiment d’insécurité ou d’angoisse et appelle au courage. La gaîté peut devenir sentiment de joie profonde, avant d’être la joie, comme vertu à cultiver. Une émotion peut devenir un sentiment et inversement. Un sentiment de peur engendre tremblement ou frayeur. Une vertu, par réitération des actes, convertit une émotion positive mais insatisfaisante. Par exemple, une anticipation-réflexe devient un sentiment de sécurité puis la vertu de vigilance, relevant de la prudence ou encore une émotion de joie à la vue d’un cadeau, devient sentiment de reconnaissance puis vertu de gratitude.
Appelées « passions » au XVIIe siècle, les émotions appellent un travail de l’intelligence sur l’affectivité, de la grâce sur la nature.
Chaque émotion possède une forme atténuée ou majorée. Par exemple, la peur se situe entre l’appréhension et la terreur, la colère entre la contrariété et la rage. Appelées « passions » au XVIIe siècle, les émotions appellent un travail de l’intelligence sur l’affectivité, de la grâce sur la nature. Ne les tuons pas, comme beaucoup de psychothérapies nous le recommandent, mais laissons-les vivre dans l’enclos de la raison, gouvernées par l’intérieur. Le bonheur humain se construit ainsi en laissant la grâce transformer la nature, la nature de nos émotions, en les contraignant ou en les élevant. C’est le propre et la grandeur de l’homme. Que ce carême chaque jour nous aide à visiter une émotion, en regard d’une vertu qui la concerne, pour en sortir grandi sur le chemin de la sainteté, c’est-à-dire du bonheur.