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"Une dystopie, ça vend du rêve, c'est plus sympa à lire qu'un Maupassant avec un héros qui passe son temps dans une mine !" lance Théo, 17 ans, aujourd'hui en école d'ingénieur. Malicieux, il poursuit : "C'est d'ailleurs grâce à ces lectures que j'écris aujourd'hui sans fautes d'orthographe." Sa sœur, 16 ans, renchérit : "Ce sont des livres captivants, et en plus il y a toujours une histoire d'amour. J’en lis même certains en anglais !" Ces livres, qui font fureur chez les adolescents, dépeignent une société imaginaire et mettent en scène un monde futuriste, sombre et sinistre. Les plus célèbres ? Divergente de Veronica Roth, Hunger Games de Suzanne Collins, Le Labyrinthe de James Dashner, Phobos de Victor Dixens... dont la plupart sont déclinés en trilogie, et certains en films ou séries.
La dystopie, c'est une utopie pervertie et inversée dont Le meilleur des mondes de Aldous Huxley, paru en 1932, est l'ouvrage fondateur. En anticipant les éventuelles dérives d'un univers technologique et ultra-connecté, ces livres présentent un monde imaginaire – avec toujours un point d'ancrage dans la réalité – qui serait pire que le nôtre. Reflet de la société et de ses peurs, ils surfent sur les notions de survie de l'humanité et d'un futur ultra-angoissant. Léa, grande lectrice de ce genre littéraire, est aujourd'hui étudiante en double licence. Elle explique : "La dystopie expose ce que le monde pourrait être, dans son côté le plus terrible, avec une technologie et une dictature destructrices de l'humanité des gens."
En voici deux exemples. Hunger Games propose une société dans laquelle le filtre médiatique transforme les pires horreurs en divertissement, et dont le gouvernement contrôle les citoyens à outrance. Ainsi, la population est forcée de regarder sa jeunesse s'entretuer. Dans l'ouvrage Divergente, cinq factions sont mises en scène, avec l'obligation de faire partie de l'une d'elles. La question de "rentrer dans un moule prédéfini" est ici au cœur du livre, avec celle des groupes "dominant" et "dominé".
Un aspect sombre qui peut être problématique
Cette littérature met en scène le côté le plus noir de l'humanité, avec effusions de sang, cruauté et totalitarisme. La violence est omniprésente et certains parents ou éducateurs sont affolés et parfois tentés de l'interdire aux jeunes. Solange est professeur dans un collège privé de la région parisienne. Elle explique : "Certes, la violence est omniprésente mais cela ne doit pas être un sujet d'inquiétude ; les jeunes baignent dans cette culture et malheureusement y sont habitués. En revanche, l'aspect sombre, noir, désespéré est plus problématique." En effet, ces lectures peuvent être dangereuses sur des personnalités particulièrement émotives, hyper sensibles, d'autant qu'elles alimentent le côté "spleen" de l'adolescent. Enfin, il est difficile de s'y retrouver du point de vue éthique. "Si un lecteur n'est pas clair avec les notions de bien et de mal, ce sont des lectures qui peuvent semer la confusion" ajoute Léa.
Des points positifs
Mais à y regarder de plus près, il y a bien un aspect positif dans ce genre littéraire. "D'abord, il y a toujours un héros qui vient défier la mauvaise autorité et qui donne envie de se rebeller" explique la jeune professeur. Une rébellion nécessaire lorsque l'autorité se révèle mauvaise, et que le héros sent dans son cœur, dans sa tête, dans ses tripes qu'elle est néfaste. Grâce à ce contre-modèle, le bien est finalement mis en lumière. "Cette littérature offre ainsi l'occasion d'avoir des discussions profondes" souligne encore Solange. "J'étudie ce genre littéraire pour que mes élèves soient au courant de leurs dérives, qu'ils aient un esprit critique et qu'ils puissent agir plus tard dans le monde" ajoute-t-elle.
D'ailleurs, cette littérature donne l'envie de se rebeller, et la révolution – de l'amour bien sûr – n'est-elle pas au cœur de l'Évangile ?"
Mieux : en contraste, ces œuvres véhiculent les valeurs chrétiennes – respect de l'autre, amour du prochain, respect du plus fragile. Ainsi, non seulement cette littérature est compatible avec l'esprit chrétien, mais elle peut être un tremplin pour l'évangélisation. "Dans mes classes, j'en profite toujours pour parler du Christ" sourit la jeune femme. "D'ailleurs, cette littérature donne l'envie de se rebeller, et la révolution – de l'amour bien sûr – n'est-elle pas au cœur de l'Évangile ?" conclut-elle avec un brin de provocation.
Comment les accompagner ?
Accompagner les jeunes lecteurs de dystopies est donc essentiel. "Il faut les éclairer, en discuter, faire un décryptage avec eux pour donner du sens à ce qu'ils lisent, mettre des mots pour faire faire émerger le positif car le décodage est parfois difficile" rappelle la professeur de français. Pour cela, il est important de s'informer sur le sujet, en lisant par exemple Le Passeur, un classique du genre, ou en regardant le documentaire d'Arte Une dystopie devenue réalité qui fait une analyse comparée des pères fondateurs du genre. Deuxième conseil : veiller à ce que les jeunes découvrent cette littérature à un âge convenable – avant la 3ème, c'est trop tôt, ils n'ont pas la maturité suffisante pour analyser les ouvrages. Troisième conseil : consommer ces œuvres "avec modération" – alors qu'ils sont souvent addictifs – et encourager la diversité des styles de lecture. "Enfin, pour contrebalancer cette ambiance sombre, il est important de proposer aux jeunes des vies de saints, des lectures de témoignages de personnes avec des vies rayonnantes. Car les adolescents ont besoin de Lumière" conclut Solange avec conviction.