La diplomatie française se réjouit d’avoir été influente dans la rédaction du communiqué final du sommet du G20 qui s'est tenu les 15 et 16 novembre à Bali : "La plupart des membres ont fermement condamné la guerre en Ukraine." "La plupart", cela signifie "pas tous". Mais le public ne connaîtra pas les noms des pays qui ont refusé cette condamnation. Preuve que le positionnement sur cette guerre ne fait nullement l’unanimité dans le groupe des vingt plus grands pays du monde. "Condamner" est une chose facile, qui ne coûte pas beaucoup, et qui n’engage à rien. Le Brésil a condamné l’invasion, dès le mois de février, tout en refusant de voter des sanctions. Le nouveau président élu, Lula Da Silva, a même affirmé que l’Ukraine était responsable de la situation. Des propos qui ont jeté un froid dans le camp occidental, pourtant si prompt à le soutenir contre Bolsonaro.
Un regrettable sur-place
Le communiqué final montre surtout que, depuis février, rien n’a changé et que les Occidentaux n’arrivent toujours pas à imposer leurs vues aux autres pays membres. Un G20 où figurent des pays de poids, tant démographiques qu’économiques, qui n’ont aucun problème à ne pas céder aux injonctions occidentales. "Condamner" l’invasion, près de neuf mois après le début de celle-ci, ne change rien à la situation, ni au départ des Russes, ni au début des négociations, ni au retour de la paix. Ce que montre Bali, c’est surtout un regrettable sur-place : rien n’avance et chacun reste sur ses positions.
Condamner, certes, mais pour quoi faire ? Vladimir Poutine et son entourage se moquent bien des condamnations, tant que cela reste à l’état de mots sur un communiqué. Ledit communiqué qui sera vite oublié sitôt chaque délégation rentrée chez elle. Ce qui pose la question de l’utilité de ces grandes rencontres internationales. Les diplomates pourront toujours arguer que mieux vaut se voir et parler ; cela est toujours utile. Mais force est de constater que rien ne bouge et rien n’évolue, à l’image du terrain militaire qui semble figé, en dépit de quelques mouvements ici et là.
Des rencontres pour rien ?
C’est bien la Chine qui était au centre du sommet, et c’est elle qui a imposé son rythme et son tempo. États-Unis et pays d’Europe lui ont demandé de modifier sa position à l’égard de la Russie et d’inviter Poutine à la négociation. Xi Jinping a réussi à s’imposer et à se placer au centre du jeu, jouant très bien le rôle de l’empire du Milieu. Aveu de faiblesse des Occidentaux qui ne sont pas les maîtres du temps en Ukraine, reconnaissance de puissance pour la Chine, vers laquelle tous les regards et tous les espoirs convergent. Il suffisait de laisser venir les autres membres du G20, sans même avoir à négocier quoi que ce soit.
À force de trop s’engager sur les fronts diplomatiques, ceux-ci finissent par se démonétiser.
De cette rencontre, il ne ressort donc pas grand-chose, tout comme de la COP27 tenue au même moment au Caire (6-18 novembre). Des grands raouts diplomatiques qui à force d’être trop nombreux perdent en utilité et en efficacité. Sous couvert de diplomatie, ils effacent la diplomatie. Puisque les chefs d’État négocient directement en face à face, avec leurs administrations, les ministres des Affaires étrangères sont ravalés au rang de diplomates et les diplomates perdent en utilité. Là réside le danger à la fois de la personnalisation extrême de la diplomatie et de la concentration de l’action diplomatique dans la personne des chefs d’État. À force de trop s’engager sur les fronts diplomatiques, ceux-ci finissent par se démonétiser. À force de chercher des coups d’éclat lors des sommets et à produire des communiqués "historiques" la diplomatie, œuvre du secret et du temps long, perd son utilité. Réuni à Bali, le G20 n’a pas réglé la guerre en Ukraine et pour l’instant nul ne voit d’issue possible.