Dehors, il tombe des hallebardes. Serait-ce parce que nous sommes en Normandie ? Les trombes d'eau n'entament pourtant pas la verve de Jean-Christophe Leroy, 55 ans, patron d'une scierie au Grais, à huit kilomètres de La Ferté-Macé (Orne). Créée en 2006, cette entreprise familiale spécialisée dans les grandes longueurs emploie cinq personnes et propose du sciage à façon. En outre, elle possède une scierie mobile qui lui permet de se déplacer directement sur certains chantiers.
C'est une fierté pour notre entreprise.
Lorsqu'il s'agit de raconter comment il a participé à la construction de la nouvelle flèche de Notre-Dame de Paris, le scieur en chef est intarissable. Loin de se contenter de réponses de Normand, il multiplie les détails qu'il mêle à un enthousiasme communicatif. "Nous sommes des passionnés de notre métier avant tout", lance-t-il avec entrain. Il a été appelé à la rescousse à l'automne dernier par une scierie voisine située à Tinchebray, à une quarantaine de kilomètres de là. Au programme : découper des chênes destinés à la nouvelle flèche de la cathédrale Notre-Dame. Un sacré honneur pour sa société. "Pour nous, c'est marquant", articule-t-il. "Nous sommes entrés dans l'histoire : c'est un monument, c'est historique. C'est une fierté pour notre entreprise, une petite entreprise ornaise qui a été capable de scier pour faire une partie de la flèche de Notre-Dame".
Cent mètres cubes de bois
Un cri strident retentit. Les scies entrent dans la danse et les bruits de découpe résonnent un peu partout. "Vous êtes dans le cœur du métier !", s'esclaffe le patron qui enchaîne sans langue de bois en expliquant qu'au total, ce sont cent mètres cubes de bois qui ont été découpés. Pour vous donner une idée du volume que cela représente, essayez de visualiser trois semi-remorques. Impressionnant, non ? "Les plus grandes pièces mesuraient treize mètres de long", enchaîne Jean-Christophe Leroy. Exclusivement du chêne, précise-t-il.
Âgés de 150 à 200 ans, ces VIP à feuilles crénelées ont été sélectionnés en Normandie dans les forêts de Conche, Breteuil, Réno. Puis ils ont été sciés à l'automne dernier. Pour cela, Jean-Christophe Leroy s'est déplacé jusqu'à Tinchebray avec sa scierie mobile — une scierie mécanisée sur châssis roulant. Il y a consacré quatre jours de travail et s'en souviendra probablement toute sa vie. Une plaque apposée sur le mur extérieur de la scierie fait d'ailleurs mémoire de ce chantier mémorable : "Nous sommes heureux et fiers parce que pendant des siècles, sur la flèche de Notre-Dame, il y aura un morceau de bois qui vient de notre scierie''.