Narbonne, 1260. Après plusieurs jours d’entretien avec le chapitre général des frères mineurs, Giovanni di Fidanza ou père Bonaventure fait les cent pas dans sa chambre, ruminant le projet que lui a confié le chapitre. Cela fait à peine trois ans qu’on l’a élu supérieur général de l’ordre des franciscains. Sa plus grande préoccupation depuis est de conserver l’unité des moines à présent répartis dans toute l’Europe. L’expansion ne doit en aucun cas affecter l’unité de l’action selon le charisme de François d’Assise. Et voilà qu’on lui confie le soin de rédiger la vie de leur saint patron. Quel honneur ! Même s’il craint de ne pas être à la hauteur de cette tâche, Bonaventure ne peut s’empêcher de sourire. C’est aussi l’occasion parfaite de rappeler à tous les franciscains d’Europe l'exemple de François pour les guider dans leur quotidien.
Il faut commencer par le commencement. Vite, Bonaventure fait appeler son secrétaire afin de préparer son voyage à Assise.
Miraculé de saint François ?
Bonaventure commence par rassembler tous les documents qu’il peut sur la vie de saint François. Il passe de longues heures dans son bureau à organiser les anecdotes et divers témoignages.
- François nous apparaîtra en effet un vrai serviteur de Dieu, son envoyé, l'ami de Jésus, un modèle digne d'être imité et un objet d’admiration pour le monde, si nous voulons considérer en lui ce comble de sainteté glorieuse qui l'a montré au milieu des hommes un imitateur parfait de la pureté des anges, et l'a rendu digne d'être l'exemple des disciples les plus parfait du sauveur.
Alors qu’il rédige cette introduction, de vieux souvenirs viennent à l’esprit de Bonaventure. Dans sa petite enfance, alors qu’il n’était âgé que de quatre ans, la maladie l’avait frappé et conduit au bord de la mort. Sa chère et pieuse mère s’en était allée à l’église pour prier saint François, canonisé il y avait à peine deux ans. Elle avait supplié le nouveau saint de sauver son fils. Et sa prière fut entendue.
Quoi de plus naturel qu’une fois sa vocation reçue, ce même fils se retrouve chez les franciscain ? C'est comme si le chemin était déjà tracé. Bonaventure se rend ensuite à Assise pour interroger ceux qui ont connu François. En visitant les moindre détails, il retrouve tout le sens du charisme franciscain. Il se permet une certaine liberté au niveau chronologique afin de mettre en valeur l’itinéraire spirituel du patron de l’ordre.
Un franciscain bien occupé
En 1263, après trois ans de travail acharné, Bonaventure présente la “Legenda Major” ou la “Légende Majeure” au chapitre général de Pise. Elle est immédiatement approuvée et imposée comme la seule biographie officielle de saint François.
- Puisse-t-elle servir de guide à nos frères dispersés, prie Bonaventure.
Depuis quelques années en effet, deux interprétations du charisme de François divisent les moines. On cherche à faire évoluer l’ordre en s’intéressant aux activités intellectuelles et pastorales. Mais pour certains, la pauvreté extrême est la seule manière de suivre correctement l’exemple du fondateur. Maintenir l’unité de 35.000 moines lui demande beaucoup de fermeté et de diplomatie.
Défendre les ordres mendiants lui est tellement cher qu’il refuse l’évêché de York en Grande-Bretagne que lui offre le pape Clément IV. À la mort de ce dernier en 1271, il participe au conclave de Viterbe et grâce à ses conseils, Grégoire X est élu.
Outre rédiger des œuvres spirituelles, Bonaventure ne néglige pas les tâches du quotidien. On raconte que lorsque le pape Grégoire X le nomme cardinal évêque d’Albano en 1273, ses envoyés le trouvèrent dans la cuisine à faire la vaisselle. Sur l’ordre du pape, il prépare le deuxième concile de Lyon. Il n’en voit malheureusement pas l’aboutissement.
Bonaventure s’éteint le 15 juillet 1274 au milieu du concile. Il est canonisé en 1482 par le pape Sixte IV et nommé docteur de l’Église pas Sixte V en 1587. Il laisse derrière lui de précieux ouvrage spirituelle qui permette de trouver la plénitude.