Le « cardinal de la semaine » s’appelle Matteo Zuppi. L’archevêque de Bologne a fait parler de lui en devenant, avec l’assentiment du pape — aussi primat d’Italie — le président de la Conférence des évêques italiens (plus de deux cents membres). Sa nomination n’est pas passée inaperçue compte-tenu de la personnalité de l’impétrant et de la feuille de route qui lui échoit.
Sa personnalité ? Âgé bientôt de 67 ans, ce prélat d’allure svelte a déjà une renommée le faisant figurer dans le club restreint des successeurs possibles du pape Francois. Issu d’une famille romaine attachée de longue date au Saint-Siège, ce diplômé féru de philosophie fait partie des pionniers de la communauté Sant’ Egidio ; depuis 1968, celle-ci œuvre au règlement pacifique des conflits internationaux, à l’accompagnement des personnes pauvres et vulnérables et à l’enracinement de ses actions dans la prière et le dialogue inter-religieux. Matteo Zuppi a ainsi acquis une expérience diplomatique et une notoriété spirituelle qui s’est confirmée en devenant curé de banlieue puis évêque auxiliaire de Rome. Envoyé en 2015 par François à Bologne, métropole industrielle et intellectuelle du nord de l’Italie, l’archevêque a fait mouche par son style à la fois proche et spontané. Sa popularité excède les contours de la population catholique. « Notre Zuppi » disent de nombreux Bolognais avec un brin de fierté ! D’autres plus incommodés par sa modernité l’affublent du sobriquet d’« évêque des bobos ». Zuppi qui manifeste sa sollicitude pour les victimes de toutes les formes de violences contemporaines (ethniques, religieuses, sexuelles, etc.) accueille ses critiques avec détachement et un humour bien frappé...
« Tout commence en faisant l’unité »
Sa feuille de route de président de l’épiscopat italien ? Trois chantiers épineux nécessiteront son doigté et sa constance. Le premier est la création d’une enquête sur les abus sexuels dans l’Église italienne que redoute une partie de ses collègues évêques. Le deuxième chantier sera de répondre au vœu du pape que cet épiscopat « se mette au parfum » du concile Vatican II en se convertissant à la synodalité. Enfin le troisième chantier visera à mener ce train de transformations sans diviser un corps épiscopal déjà heurté par le « réformisme missionnaire » du pontificat et par la sécularisation de la société italienne. La charge qui repose sur les épaules du nouveau président est lourde. Son bilan sera sans nul doute observé à la loupe et évalué sans complaisance. L’enjeu n’est pas seulement le destin personnel de Matteo Zuppi, mais aussi la capacité d’une Église locale, au prestige symbolique et à l’influence encore forte dans les rouages de l’Église universelle, à se réformer sans drame.
« L’humilité ne fatigue pas et elle rend heureux »
Simultanément à son élection, le cardinal a adressé une lettre pastorale aux fonctionnaires souvent invisibles et anonymes. Dans ce texte plein d’empathie, il rend hommage à leur contribution au bien commun, à leur dévouement pendant la pandémie. À travers eux, il souligne la nécessité des institutions pour favoriser les médiations dans la société. Reprenant à son compte une citation de la mystique française Madeleine Delbrêl, engagée socialement en banlieue ouvrière, et qu’il vénère, Matteo Zuppi compare les agents publics au fil d’une robe : il est invisible mais il relie les morceaux du tissu. On peut voir dans cette métaphore, le rôle qu’entend jouer le nouveau président de la Conférence épiscopale italienne : celui d’un médiateur qui sait, écrit-il dans sa lettre aux fonctionnaires « que tout commence en faisant l’unité. Je m’y sens appelé comme chrétien et je crois que l’unité peut se faire avec l’aide du Christ, et aussi l’engagement de chacun, sans distinction ».
L’art d’être le fil de la robe de l’Église : belle image, mais quelle gageure, non ? « L’humilité ne fatigue pas et elle rend heureux » répond Matteo Zuppi en cardinal à l’optimisme réaliste.