Les quatre fois où la Russie a été consacrée au Cœur immaculé de Marie

De nombreux textes et opinions circulent sur la consécration de l’Ukraine et la Russie au Cœur Immaculé de Marie que va faire le pape François ce vendredi 25 mars en fin de journée. Porter à Dieu "le cri de douleur de tous ceux qui souffrent" et confier "l’avenir de l’humanité à la Reine de la paix", ce sont les mots qu'il a choisi pour décrire la portée d’un tel geste. Tandis qu’il récitera l’acte de consécration depuis la basilique Saint-Pierre de Rome, le même acte sera accompli par le cardinal Konrad Krajewski, aumônier apostolique, au sanctuaire marial de Fatima au Portugal. Il a par ailleurs appelé tous les évêques et prêtres du monde à s’unir à lui en récitant l’acte de consécration. Si l’événement revêt une porte toute spirituelle et symbolique, s’agit-il pour autant d’un geste inédit ?

Ce geste s’inscrit dans une tradition prophétique, la consécration de la Russie au Cœur immaculé de Marie étant l’un des trois “secrets” que la Vierge de Fatima a confiés aux enfants voyants, Lucie dos Santos, Jacinthe et Francisco Marto, sur les terres de Cova da Iria en 1917. Dans le deuxième “secret”, qui décrit une nouvelle guerre pire que la Première Guerre mondiale, la Vierge Marie demande en effet de consacrer la Russie à son Cœur immaculé pour éviter que le pays ne répande "ses erreurs à travers le monde" en détruisant des nations. "Si on accepte mes demandes, dit la Mère de Dieu, la Russie se convertira et l’on aura la paix."

En découvrant ces paroles, Pie XII est le premier à consacrer le monde au Cœur immaculé de Marie, le 31 octobre 1942, veille de la Toussaint, en pleine Seconde Guerre mondiale dans une allocution radiodiffusée. Cependant il ne cite pas nommément la Russie et s’exprime en ces termes :

Pie XII accomplit cette consécration en portugais et en union avec des évêques du Portugal. Il renouvelle la consécration de façon solennelle, en italien, le 8 décembre suivant.

Dix ans plus tard, le 7 juillet 1952, veille de la fête des saints Cyrille et Méthode (apôtres des Slaves et co-patrons de l’Europe ndlr), il renouvelle la consécration dans une lettre apostolique intitulée Sacro Vergente Anno en mentionnant textuellement « tous les peuples de la Russie ». On peut ainsi lire :

La Russie est bien nommée dans le texte, mais il n’y a eu aucune cérémonie publique et solennelle et les évêques du monde entier n’ont pas été appelés à s’y unir.

À la fin de la troisième session du Concile Vatican II , le pape Paul VI  consacre le monde au Cœur Immaculé de Marie avec tous les évêques présents. À noter qu’il s’agit là d’une allocution et non d’une cérémonie solennelle :

Cette même année, les pères conciliaires décident d’envoyer lors d’une "mission spéciale" une Rose d’or au sanctuaire Notre-Dame de Fatima. Symbole de la Vierge et de la Jérusalem céleste, la Rose d’or est une distinction que les papes attribuent à des personnalités ou à des sanctuaires, des églises ou des villes, en signe de reconnaissance pour les services rendus à l’Église ou au bien de la société. 

Dans la foulée de la lecture du troisième "secret" de Fatima (qu’il a demandé à lire après l’attentat du 13 mai 1981), Jean Paul II pense aussitôt à consacrer le monde au Cœur immaculé de Marie et compose lui-même une prière pour cet acte de consécration à célébrer dans la Basilique Sainte-Marie-Majeure, le 7 juin 1981, solennité de la Pentecôte, jour choisi pour rappeler le 1.600e anniversaire du premier Concile de Constantinople et le 1.550e anniversaire du Concile d'Éphèse. Le Pape étant absent en raison de son état de santé, une allocution enregistrée est transmises.

Mais le Saint-Père, pour répondre plus complètement aux demandes de "Notre-Dame", voulut expliciter au cours de l'Année sainte de la Rédemption l'acte de consécration du 7 juin 1981, repris à Fatima le 13 mai 1982. Le 25 mars 1984, sur la place Saint-Pierre, en présence de la statue originale de Notre-Dame de Fatima et en union spirituelle avec tous les évêques du monde, "convoqués" précédemment, le Pape consacre au Cœur immaculée de Marie les hommes et les peuples, avec des accents qui rappellent des paroles poignantes prononcées en 1981: