Invité sur le plateau de la chaîne LCI mercredi 9 mars, Robert Ménard, maire de Béziers prononça ces paroles : "J’ai dit, écrit, publié à Béziers un certain nombre de choses, par exemple au moment des combats en Syrie, en Irak et l’arrivée des migrants chez nous, que je regrette, que j’ai honte d’avoir dit et fait parce que ce n’était pas bien, parce que moralement, ce n’était pas bien. Il n’y a pas deux sortes de victimes : des Européens chrétiens qu’il faudrait défendre et des gens pas européens qui seraient au Moyen-Orient et musulmans, qu’on aurait eu raison de ne pas accepter chez nous... Je crois que cette attitude là c’est une faute..." Et devant le journaliste qui ne sait quoi dire, et bredouille sa surprise devant un responsable politique qui dit que "peut-être il a fait une erreur", il renchérit : "Nous nous sommes trompés et ce n’est pas une erreur, c’est une faute."
Contorsions
Ce verbatim se suffit à lui-même. Il console des acrobaties auxquelles on assiste depuis ces dernières semaines de la part de nos responsables politiques et candidats à l’être qui, figés dans l’angoisse de déplaire aux sondages, se contorsionnent pour venir en aide à des réfugiés dont ils ont jugé qu’il s’agissait de "bons" réfugiés tout en continuant d’ignorer le sort tragique, l’abandon dans lequel sont tenus nombre d’autres parqués dans des camps de misère, pourchassés jour et nuit, maltraités, méprisés.
Il y a trois ans je crois, je participais à une rencontre d’un groupe d’Ukrainiens dans la cathédrale Saint Volodymyr le Grand à Paris. Nous étions réunis pour prier et discuter. La plupart de ces hommes étaient des migrants, sans titre de séjour. L’un me disait marcher la peur au ventre lorsqu’il prenait le métro, et serrer très fort son chapelet lorsqu’il croisait des policiers, angoissé à l’idée d’être contrôlé et expulsé. Pour leur drame, les voici, ces hommes, devenus des hôtes acceptables par nos autorités aux prétextes de l’émotion légitime que l’invasion de leur pays par l’armée russe, et de la guerre sans merci qui leur est livrée.
Inférieurs en droits ?
Mais qui pourra expliquer, sans honte, en quoi les Afghans qui fuient un pays livré aux Talibans, en quoi les Maliens qui s’enfuient d’une anarchie sanglante, en quoi les Érythréens qui cherchent à s’extirper de l’antichambre de l’enfer où ils sont plongés, sans parler des Soudanais, et de bien d’autres encore, oui, qui pourra expliquer en quoi ceux-ci leur seraient inférieurs en droits ? Bien sûr, il y a la proximité géographique et culturelle. Bien sûr, il y a cette solidarité qui cherche à essayer d’apporter des remèdes à des drames qui nous touchent aussi. Il y a, peut-être confusément aussi, le sentiment que la guerre en terre d’Europe n’est plus dans l’ordre des choses alors qu’elle l’est encore ailleurs...
Ce qu’on pourrait attendre d’un pays pétri par l’Évangile notamment, c’est qu’il ne distingue pas entre les hommes et qu’il applique la loi avec équité.
On se pince en découvrant que l’État organise des envois de couvertures et d’aide humanitaire pour soutenir l'effort polonais tandis qu’il ordonne à l’intérieur de nos frontières que l’on détruise sans vergogne les tentes sous lesquels s’abritent en plein hiver des malheureux sur le littoral nord, face aux côtes anglaises... À moins que tout ceci ne fonctionne qu’avec le baromètre de la communication. On imagine une armée de sondeurs qui soufflent aux oreilles ministérielles en disant tantôt : "Vas-y, les gens sont émus, tu peux accueillir", et tantôt : "Envoie la police, là les gens en ont marre"...
Pétri par l’Évangile
Il faut que nous en finissions politiquement et philosophiquement avec l’escroquerie "sciencepiste" rabâchée à longueur de débats et qui tient dans une demi-citation tronquée : "La France ne peut accueillir toute la misère du monde." Nul n’a jamais demandé à la France de faire ainsi. C’est tellement vrai que les migrants d’aujourd’hui, lorsqu’on leur demande le pays de leur rêve, majoritairement ne nous citent plus. Que la terre qui fut, sous l’Ancien Régime et jusqu’à récemment, celle où aspirait à se réfugier ceux qui fuyaient tyrans et malheurs, n’intéresse plus grand monde, devrait affliger ceux qui disent l’aimer. Ce qu’on pourrait attendre d’un pays pétri par l’Évangile notamment, c’est qu’il ne distingue pas entre les hommes et qu’il applique la loi avec équité. Et qu’à défaut, ceux qui y vivent et se reconnaissent comme disciples de Jésus aient au moins la force de ne pas sombrer à leur tour dans ce reniement de soi.