Moines et moniales sont présents en marge de nos sociétés d’une façon tellement discrète et silencieuse que l’on pourrait croire qu’ils n’existent pas. Et pourtant… ils sont là et ils exercent une attirance et une fascination qui ne se dément pas. On vient d’en avoir une nouvelle preuve avec le séjour d’une quinzaine d’écrivains connus qui ont accepté de partager pendant trois jours la vie d’une abbaye. Leur expérience a donné lieu à un livre de témoignages hors normes où chacun décrit ce qu’il a ressenti avec ses mots à lui, mais toujours en concluant que cette rencontre à nulle autre pareille l’a enrichi et lui a ouvert des voies insoupçonnées au départ (Trois jours et Trois nuits, Fayard-Julliard).
Un appel radical : chercher Dieu
Qui sont donc ces solitaires que nos contemporains ont du mal à comprendre, mais vers lesquels ils se tournent quand ils sont blessés ou veulent retrouver du sens à leur vie ? Ce sont avant tout des hommes et des femmes qui ont répondu à un désir de « chercher Dieu » qui a surpassé tout le reste. Ils ont simplement suivi l’appel du Christ au jeune homme riche : « Si tu veux être parfait, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor aux cieux, puis viens et suis-moi ! » (Mt 19, 21) Commence alors, pour celui qui répond à cet appel, une vie certes austère, puisque marquée par les trois vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, mais ces vœux sont l’exact opposé des trois addictions qui mènent le monde : l’argent, le sexe, le pouvoir. Le moine ou la moniale, délivré de ces emprises, peut alors s’épanouir dans la prière, le combat spirituel qui mène à l’union à Dieu, et la vie fraternelle.
Communion des saints
Cette vie, que l’on pourrait croire inutile, a-t-elle donc une utilité et une fécondité invisibles mais réelles ? Eh bien oui ! Il y a dans la foi catholique une réalité sans doute mésestimée : la communion des saints. Le rôle des moines et des moniales est de prier pour ceux qui ne prient pas, de se consumer « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». L’Église a besoin des contemplatifs pour aimer ceux que l’action ne peut plus toucher. Et l’invisible histoire qui se tisse ainsi est sans doute plus importante que tous les événements de l’Histoire visible.
« Est moine, disait saint Théodore Studite au VIIIe siècle, celui qui ne voit que Dieu seul, qui ne désire que Dieu seul, qui ne songe qu’à Dieu, qui n’a d’autre souci que de servir Dieu. En paix lui-même avec Dieu, il devient alors cause de paix pour les autres. » Cette belle définition reste toujours d’actualité, de sorte qu’aujourd’hui moines et moniales sont toujours là. Ne les oublions pas, n’hésitons pas à rejoindre de temps à autre leurs « déserts » finalement si proches de nous, à nous réjouir de leurs sourires, à leur confier nos questions et nos souffrances. « C’est notre vocation, disait Édith Stein, devenue carmélite, puis sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, de nous tenir devant Dieu pour tous ».
Moine ou moniale, qui es-tu, à quoi sers-tu ?, Éditions France Empire, 2021, 175 pages, 15 euros.