Une dépendance que rien ne laissait présager. Dernière d’une fratrie de quatre, elle grandit dans une famille dans laquelle "elle n’a manqué de rien", quoique relativement "lisse". Cependant, adolescente, elle a le sentiment d’être "enfermée", d’être "comme prisonnière". De nature très introvertie, timide, elle se met en quête "de quelque chose qui puisse l’aider à supporter le quotidien". Vers l’âge de 13 ans, elle commence à fumer des joints et à boire de l’alcool avec des amis plus âgés. Mais très vite, les effets ne lui suffisent plus et elle cherche des produits qui la comblent davantage. Elle se met à fumer seule, puis délaisse le cannabis pour des substances plus fortes comme la cocaïne. Comme cela coûte cher, elle se rabat sur les médicaments. "Je ne pouvais pas envisager de vivre sans défonce", confie-t-elle à Aleteia. "C’était la mort ou la came, et les produits ont été ma planche de survie pendant une quinzaine d’années".
Sa famille ne s’est pas aperçue tout de suite de la lente dérive de Laure. Ses parents n’ont découvert son addiction que lorsqu’elle avait 16 ou 17 ans mais selon elle, "ils n’ont, même à ce moment-là, pas pris conscience de l’ampleur de la situation". Laure rate son bac à deux reprises, puis part en mission humanitaire en Afrique à 17 ans. A son retour, ses parents insistent pour qu’elle reprenne des études. Elle démarre un BTS en alternance, qu’elle abandonne avant d’obtenir son diplôme. Elle se souvient de cette période comme un temps "d’errance physique et psychique". Elle passe de longues heures à sillonner les rues, "de squat en squat". Elle fait des rencontres peu recommandables, qui ne la laissent pas indemne. "Une raison de plus pour consommer", soupire-t-elle.
"Arrêter la came m’est apparu comme un acte d’amour pour Dieu et pour moi."
Il lui faudra huit ans pour sortir de cet enfer. Huit ans pour avoir la force de "rester clean" une fois qu’elle l’a décidé. Huit longues années ponctuées de cures, de séjours à l’hôpital et de retraites dans des communautés religieuses. Ses proches lui tendent les mains mais elle demeure tiraillée, avec un fort sentiment de culpabilité, entre ce désir de s’en sortir et son incapacité à résister à l’attrait de la drogue. "Je n’en pouvais plus de cette dépendance, et en même temps j’étais dans une quête perpétuelle de substances", se souvient-elle. "L’appel du produit était toujours plus fort. Je rechutais toujours. Je ne restais abstinente que 48 heures. Sinon, c’était trop de souffrance."
Le déclic : la découverte de la Parole et de l’amour de Dieu
Parallèlement à ses errances, elle fréquente régulièrement deux paroisses : une communauté monastique dans le sud de la France et une paroisse de l’Emmanuel. Elle retrouve peu à peu une vie de foi. Certes elle a eu une éducation religieuse, mais elle a l’impression de tout redécouvrir sous un jour nouveau. Elle se plonge dans la Bible, lit la vie de Jésus. "J’avais une soif de dingue, dix mille questions dans la tête ! Je m’imprégnais de la Parole pour obtenir des réponses." Parmi ses questions existentielles, la légitimité de son existence : "Comment Dieu peut-il m’aimer si même moi je ne m’aime pas ?", se demande-t-elle alors. Elle prend conscience de l’incohérence de sa vie, elle qui désire arrêter la drogue mais n’y arrive pas. "Arrêter la came m’est soudain apparu comme un acte d’amour pour Dieu, pour moi et pour toutes ces mains tendues que je n’ai pas saisies". Un jour où elle sillonnait les rues, elle se met à genou dans un élan du cœur et supplie Dieu de lui montrer qu’il la désire en vie. Elle invoque Marie-Madeleine et lui demande de la guider.
"Après cette nuit-là, les choses ont commencé à se mettre en place". Elle est accueillie dans une communauté monastique, dans le sud, où elle restera pendant deux ans. Elle garde de ce temps un souvenir lumineux, où elle a découvert "des visages rayonnants, des personnes d’une patience infinie. Et pourtant, je leur ai menti et ai abusé de leur gentillesse". Sa dépendance n’est pas guérie, et elle profite de tous les moments de liberté pour aller au café du coin ou parcourir les 15 kilomètres qui la séparent de la supérette pour se fournir en alcool. "Je calculais tout en fonction de ça. Les produits sont revenus dans ma vie et dans le monastère".
"Dès que je m’éloigne de cette intimité avec le Bon Dieu, la vie perd son sens."
Quelques mois plus tard, en 2014, elle est la première jeune femme accueillie à saint Jean Espérance, une association tenue par des frères et sœurs de la communauté saint Jean et des laïcs, accueillant des jeunes qui désirent arrêter toute consommation de drogue. En cinq ans, elle fait quatre séjours là-bas, entrecoupés de "fugues" et de rechutes. Aujourd’hui, elle est reconnaissante de toute cette miséricorde reçue à saint Jean Espérance car jamais les frères ou les sœurs ne lui en ont tenu rigueur. "A travers les frères et sœurs, j’ai redécouvert le visage du Bon Dieu", confie-t-elle. "Ce qui m’a touché, c’est de me rendre compte que je pouvais faire confiance et de voir combien ils me faisaient confiance. Malgré mon parcours, ma honte, je demeurais aimable. C’est comme s’ils m’avait revêtue d’une certaine dignité à travers leur regard. Je n’étais pas jugée, je restais aimée."
Un rapport aux autres qui allait totalement à l’inverse de ce que Laure avait connu dans la rue : "Dans la rue, dans le monde de la drogue, il faut se blinder et paraître fort pour survivre. A saint Jean Espérance, c’était le chemin inverse. Je pouvais montrer ma vulnérabilité, mes faiblesses." Laure a quitté saint Jean Espérance depuis deux ans et vit désormais dans la Sarthe, où elle tient un gîte et se forme en vue de travailler dans la médiation animale, par le cheval notamment. "C’est par la foi que je m’en suis sortie et que je m’en sors au quotidien. Dès que je m’éloigne de cette intimité avec le Bon Dieu, la vie perd son sens."