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Pourquoi croire en Dieu ?

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Pierre Durieux - publié le 04/09/21
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Pourquoi croire en Dieu ? Parce qu’il y a des raisons de croire en Jésus, explique l’auteur de "La Méthode simple pour commencer à croire" (Artège), une méthode en trois dimensions : la raison, le cœur et la grâce. C’est sur le socle de l’amour que je peux choisir de fonder ma vie en toute liberté et intelligence parce que j’ai rencontré le Christ dans ma vie.

Pourquoi es-tu chrétien plutôt que juif, musulman, bouddhiste ou athée ? Beaucoup de personnes attendent un témoignage mais dans notre époque, nous ne prenons pas toujours le temps de « rendre compte de notre espérance » et souvent nous n’y avons pas bien réfléchi. Pourtant, il y a de grandes et fortes raisons de choisir Jésus. En résumé, nous autres chrétiens, nous croyons dans un Christ qui nous demande d’être ses témoins. Les papes n’ont eu de cesse de nous inviter à être missionnaires, à ne pas avoir peur, à être des témoins, à sortir de nous-mêmes — pour reprendre l’expression de François. 

Souvent, quand on se risque à demander à quelqu’un de témoigner de sa foi, on a souvent des phrases qui sont justes, mais qui ne nous aident pas forcément beaucoup, du genre : « C’est d’abord son témoignage de vie, il faut d’abord être quelqu’un de cohérent, il faut être quelqu’un d’aimant, il faut être bon... » Ces choses sont, par ailleurs, tout à fait justes, mais elles ne sont pas suffisantes aujourd’hui pour un certain nombre de personnes. Dans de nombreux cas, il faut parler. En effet, une conduite vertueuse ne conduit pas d'elle-même à la Bonne Nouvelle. Une vie est rarement si exemplaire que tous verraient à travers elle le motif surnaturel qui l'anime. Même dans le cas de Jésus, le plus parfait qui soit, on voit que la vie cachée à Nazareth n'était en quelque sorte qu'une préparation. Il a fallu sa prédication pour commencer à susciter des conversions.

Beaucoup de personnes attendent une réponse un peu rationnelle, un peu plus intellectuelle. Cela ne veut pas dire qu’il faille des réponses compliquées ; cela veut dire : sommes-nous capables, simplement de répondre à la question « Pourquoi tu crois ? ». De fait, saint Pierre disait : « Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance que vous avez reçue » (1 P 3, 15). « En rendre compte » ou, selon les traductions, « en rendre raison ». Que dire à quelqu’un qui te demande : « Pourquoi tu crois ? » Le chrétien dit souvent : « Moi, je crois en Jésus. Il est mort et il est ressuscité. » Mais cela n’est pas pourquoi tu crois : c’est ce que tu crois. La société — même si elle ne partage pas ta foi — sait globalement que les chrétiens croient en un Dieu, Un et Trois, un Dieu qui s’est fait homme, un Messie qui est mort et qu’ils pensent ressuscité. Mais qu’est-ce qui t’amène à adhérer à tout cela ?

Qu’est-ce qui, au fond, fait que tu crois plus en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, mort et ressuscité, que les petits Grecs ou les petits Romains de l’époque croyaient en Zeus et Jupiter ? En fait, comment réponds-tu à une question qui est ouverte, qui est simple et dont on voit que la réponse (il y a plein de manières de répondre, bien sûr) ne vient pas facilement sur la bouche des croyants. 

Selon la définition classique de saint Thomas d’Aquin, « la foi est un acte de l’intelligence, adhérant à la volonté divine au moyen de la grâce ». C’est donc un acte qui engage toute notre condition humaine, c’est-à-dire à la fois notre raison, notre liberté et notre cœur. Ces trois points sont, en fait, les trois dimensions de notre nature humaine, c’est-à-dire que la foi est un acte qui engage toute notre humanité. Elle implique toutes les facultés supérieures de notre être, en particulier l’intelligence, la volonté, ce que l’on pourrait désigner comme étant le cœur, notre relation à Dieu.

En disant que la foi est « un acte de l’intelligence, adhérant à la volonté divine au moyen de la grâce », saint Thomas dit quelque chose de profond, en ce sens que la foi n’est évidemment pas seulement un acte de l’intelligence, sinon ce serait une démarche réservée aux malins et aux intelligents ; or, Jésus nous dit précisément que c’est le contraire : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Lc 10, 21). Cela ne peut donc pas être qu’un acte de l’intelligence. Cela ne peut pas non plus n’être qu’un acte de la volonté. Quand j’étais plus jeune, j’avais des amis qui me disaient : « Tu crois si tu as envie d’y croire, et puis c’est tout ! Tu le choisis ! » Cela voudrait dire que ce serait un acte des vertueux, des forts, des gens qui se sont exercés à dire oui... Mais la foi n’est pas réservée à une élite qui serait vertueuse ou puissante (au sens de la volonté). Et puis enfin, il y a ceux qui disent (par exemple dans certaines communautés dites « nouvelles » qui privilégient beaucoup la place du cœur) : « Je crois en Dieu parce que je le sens. » « Ah oui, mais moi, je ne le sens pas ! » « Ah, eh bien continue ! Tu vas le sentir plus tard ! »... On voit que toutes ces réponses disent quelque chose de la foi, mais qu’elles ne sont pas complètes. Elles pourraient même déstabiliser un peu notre nature humaine, au sens où, à oublier une de ses dimensions, elle serait comme amputée...

Suivant les époques, suivant les communautés, suivant les spiritualités, on a insisté sur tel ou tel aspect, mais la définition de saint Thomas d’Aquin rétablit un bon équilibre. Oui, c’est un acte de l’intelligence car la foi, c’est d’abord l’intelligence qui dit oui à Dieu, qui reconnaît que Dieu existe et que Dieu s’est révélé en Jésus. De ce point de vue-là, c’est donc vraiment un acte de l’intelligence, car je pose un jugement qui dit : « Dieu est » ou « Dieu s’est révélé en Jésus ». Deuxièmement, c’est bien un acte de la volonté, car cet énoncé-là n’est pas évident, il est même « inévident » : je n’y parviens pas ni par l’intuition, ni au terme d’un argumentaire ou d’un raisonnement. Il y a donc un moment donné où la volonté est amenée à se positionner, mais elle ne se positionne pas arbitrairement : elle se positionne car elle voit le bien entraperçu dans cette vérité et dans les biens que Jésus a promis. Et puis c’est vrai qu’il y a une confirmation, finalement, par l’expérience, par le cœur et notamment par la place de la prière : la recherche parfois un peu anxieuse que j’ai menée depuis mon adolescence s’est trouvée comme véritablement apaisée et épanouie dans le contact quotidien de l’oraison.

Au niveau de l’intelligence, les raisons de croire sont très nombreuses. Je les résume en évoquant d’abord l’extraordinaire signe que sont les prophéties, ces textes qui, pendant des décennies et des siècles, ont annoncé des choses qui se sont réalisées, produites, concrétisées, dans la vie d’un homme et en l’occurrence dans celle de Jésus. « Imagine que tu trouves un vieux papyrus dans une pyramide de Khéops. Sur ce papyrus, on te dit que tu vas naître à tel endroit, que tu vas épouser telle femme, que tu auras tant d’enfants, que tu vas aller vivre dans telle ville et, que quand tu seras dans celle ville, tu seras persécuté, tu en repartiras pour aller dans telle autre, etc. Ce papyrus a été écrit manifestement il y a des centaines ou des milliers d’années avant toi et, s’il confirmait tout ce que tu as vécu, tu te dirais : “Quelqu’un précède l’Histoire, quelqu’un préexiste l’Histoire” ! » Ce serait donc la confirmation qu’il y a une force qui dépasse la nature, c’est-à-dire une force surnaturelle.

De nombreuses prophéties ont été accomplies, que les évangélistes n’ont même pas perçues, mais que nous comprenons des dizaines ou des centaines d’années plus tard.

L’accomplissement des prophéties qui annonçaient la venue du Messie constitue un signe manifeste. Si certains Juifs ne l’ont pas reconnu, il faut rappeler tout de même que tous les premiers chrétiens étaient juifs. Un certain nombre de Juifs — les évangélistes en particulier — ont explicité à quel point, de fait, Jésus accomplissait les Écritures. Un grand nombre de prophéties sont stipulées explicitement dans l’Évangile : « Jésus a dit cela pour que s’accomplisse l’Écriture » ou au contraire : « Ce faisant, il accomplissait les Écritures ». Et puis, il y a de nombreuses prophéties qui ont été accomplies, que les évangélistes n’ont même pas perçues, mais que nous comprenons des dizaines ou des centaines d’années plus tard. On voit des parallèles tout à fait troublants entre l’ancien et le nouveau Testament. L’attente d’Israël, portée par une multitude d’hommes et de prophéties sur plusieurs siècles pour annoncer la venue d’un Messie qui sera le Sauveur du monde, en évoquant mystérieusement sa naissance, sa vie, sa mort, sa mission, son destin, son mystère, et même la date de sa venue est un fait unique au monde et historiquement incontestable.

Le mot « Évangile » est, en fait, un jeu de mots avec « épangile » (epaggelia, Ndlr) qui, en grec, signifie « la promesse ». Le cardinal Barbarin souligne que l’Évangile est en effet la Bonne Nouvelle qui répond à la promesse, l’épangile en grec, faite à Israël ! En français, on a perdu un peu cette notion-là : on n’a gardé que le mot « Évangile » et le mot « Bonne Nouvelle », mais en réalité, pour les premiers chrétiens, toute la Bonne Nouvelle est la symétrique de « la promesse faite à nos pères », pour reprendre les mots de la Vierge Marie (Lc 1, 55). C’est un des premiers aspects qui peut, en tout cas, susciter l’interrogation de nos contemporains.

Il y a aussi toute la partie immergée et surnaturelle : tous ces miracles qui, d’une manière ininterrompue dans la tradition de l’Église, ont aidé l’Église et émaillé notre histoire. Ce sont bien sûr les miracles du temps de Jésus, mais aussi les miracles d’aujourd’hui, jusqu’à ceux de Lourdes, les apparitions mariales, les stigmatisés (on peut évoquer simplement ici Marthe Robin, Padre Pio et François d’Assise, par exemple), avec une incroyable variété de signes et prodiges (corps conservés, bilocations, lacrymations, guérisons, interventions, parfums, lévitations, miracles eucharistiques, etc.). Ce sont plus généralement ces prières exaucées, si bien et tellement exaucées que des gens ont éprouvé le besoin de fixer des plaques aux murs pour dire : « J’avais demandé cela et je l’ai eu, c’est complètement improbable ! Je veux donc que les gens s’en souviennent durablement après moi, car je sais que je partirai un jour. Je veux que cette plaque de marbre manifeste à quel point j’ai bénéficié d’une grâce très particulière ou miraculeuse. » Et Blaise Pascal de souligner : « Peut-être que tous les miracles ne sont pas vrais, c’est possible. Mais le fait même que certains soient faux prouve que d’autres sont vrais », car s’ils étaient tous faux, on n’aurait même pas le mot « miracle » : on dirait « supercherie ».

Le troisième grand signe qui peut toucher l’intelligence, c’est la vie des saints. Bien sûr, tous les chrétiens ne sont pas saints, les chrétiens ne sont peut-être pas meilleurs que les hommes en général. Mais dans l’histoire humaine, j’aimerais que l’on me montre des exemples d’une telle intensité dans l’échelle du don, de l’abnégation, de l’offrande de soi (il y a bien sûr de très grandes icônes connues et bien aimées de tous, comme saint François, saint Vincent de Paul, Mère Teresa ou Sœur Emmanuelle), mais peut-être plus profondément des exemples de gens qui ont accepté de mourir au profit d’autres ; je pense à Maximilien Kolbe ou aux moines de Tibhirine, à tous ces gens qui, à un moment donné, ont dit : « Au fond, ce qui compte le plus dans ma vie, je l’offre. » Il y a là ici un signe important car, dans la nature humaine, rien n’est fait comme cela : on est plutôt à vouloir conserver son pouvoir, son argent, son plaisir. Mais mourir à soi-même est un signe qui devrait toucher l’intelligence, dès lors que la vie est donnée pour la vie (à l’inverse d’un usage dévoyé du mot « martyr » précisément, qui donne la mort pour la mort d’autrui).

Les martyrs de l’Église naissante qui ont offert leur vie pour témoigner de la vérité sans aucune violence ont donné un témoignage si fort qu’ils vont finalement parvenir à convertir l’Empire romain.

La vie des saints est un grand mystère car c’est le reflet même de la vie du Christ. La phrase de Charles Péguy résume bien cette idée : on peut dire que Dieu avait prédit son Fils par les prophètes, qu’il a dit des choses en son Fils et qu’il les redit par la vie des saints. Il y a toute une préparation, une actualisation et une confirmation et par les miracles et par la vie des saints. Les martyrs de l’Église naissante qui ont offert leur vie pour témoigner de la vérité sans aucune violence ont donné un témoignage si fort qu’ils vont finalement parvenir à convertir l’Empire romain.

La consécration de multitudes au Christ dans tous les siècles est aussi un signe éloquent. Les paroles prononcées oralement pendant trois ans par un jeune charpentier sortant d’une obscure province de Palestine, aux confins de l’Empire romain, deviendront le plus grand best-seller de tous les temps, conformément à ce qu’il avait prophétisé : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » (Mt 7, 7). Tout au long de l’histoire ensuite, ce message du Christ Jésus a attiré sans cesse des multitudes d’hommes et de femmes qui ont choisi de le suivre en se consacrant à lui dans un chemin exigeant, radical, pour ne pas dire impossible.

 A contrario, un autre signe très touchant à propos de l’intelligence qui croit est la présence du Mal qui, en elle-même, atteste en creux du Bien. Pour le dire différemment, les phénomènes visiblement surnaturels liés aux présences démoniaques, aux guérisseurs, aux magiciens — quelle qu’en soit la teneur — montrent qu’à défaut de croire en Dieu parce qu’on ne le voit pas, beaucoup de gens croient à une présence maléfique qui excède le champ matériel et naturel. Et je pense que ce champ négatif, maléfique, parfois visible, prouve en creux l’existence d’un Dieu. Beaucoup disent que, s’il y a le Mal, il n’y a pas de Bien ; mais il semble plus logique de dire, que toutes ces présences-là attestent paradoxalement de la présence de Dieu.

Une dernière grande question est posée à l’homme, et soumise à son intelligence : « Et toi, veux-tu aimer ? » Le dernier signe adressé à l’intelligence n’est finalement pas un signe, c’est une question. Au fond, quel est le message principal de l’Évangile ? Plutôt que de disserter longuement, il vaut mieux laisser la parole au Christ. Quand on lui demande : « Mais qu’est-ce qui compte le plus ? », il répond évidemment : « l’amour ». Il répond de différentes manières, mais c’est toujours l’amour : « Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force », « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », « Aimez-vous les uns les autres », « Il n’y a pas de plus grand amour... » C’est constamment la ligne de fond de son message. La grande question qui est posée à l’homme est donc : « Et toi, veux-tu aimer ? Veux-tu te laisser aimer ? Acceptes-tu d’aimer ton frère ? Acceptez-vous de vous aimer les uns les autres ? »

Ce n’est pas un signe, mais c’est une question qui est en fait posée à chaque conscience humaine : sur quoi veux-tu fonder ta vie ? L’amour n’est-il pas le seul fondement valable ? Chaque conscience est amenée à se positionner, qu’elle soit croyante ou pas, d’ailleurs. À un moment, elle est appelée à dire : « Est-ce que je crois en l’amour ou pas ? Est-ce que je veux fonder ma vie sur l’amour ou pas ? Est-ce que j’ai d’autres fondements qui me permettent d’avancer ? » D’autres philosophes dans l’histoire de l’humanité ont trouvé d’autres fondements, c’est évident, et il y a donc là une question sur laquelle il faut se positionner, sur laquelle chacun est appelé à répondre dans le secret de son cœur. C’est une question qui est posée à la conscience de l’homme. Le plus souvent, les gens y répondent en évoquant des valeurs qui sont, directement ou indirectement, des valeurs issues du christianisme, à commencer par la fraternité, la liberté et, peu ou prou, on retombe sur l’amour.

La deuxième question se pose à la liberté et donc à la volonté : « Que veux-tu faire ? Veux-tu entrer dans cette logique de l’amour ? » Quand on a une idée au niveau de l’intelligence de ce pour quoi on est fait, se pose la question ensuite de la décision libre et de la volonté : « Que veux-tu ? » Veux-tu entrer dans cette logique de l’amour ? En fait, contrairement à certaines visions venant de Kant ou du protestantisme, Jésus ne nous a pas annoncé un message en disant : « Tu choisis » et c’est tout. Il nous dit : « Si tu choisis cela, tu verras, tu seras heureux et tu auras la vie éternelle. » C’est-à-dire qu’il y a un certain nombre de promesses associées à son message. D’une certaine manière, ce sont de vraies raisons de croire ! La question devient la suivante : est-ce que je peux vérifier que ces promesses se réalisent dans ma vie ? Est-ce qu’au fond, j’éprouve du bonheur à croire ou à suivre certaines directions ? Deuxièmement, ces promesses sont-elles conformes à ma nature humaine ? C’est pour moi, une vraie question.

L’idéal chrétien qui repose sur la vision de l’amour est vraiment conforme à l’attente de la nature humaine. Par exemple : qu’est-ce que la vie éternelle dans une vision chrétienne ? Précisément, c’est la vision béatifique, c’est-à-dire le fait de regarder face-à-face l’Infini, l’Amour absolu : est-ce quelque chose qui est conforme à ma nature ? Oui car on voit bien que, dans toutes nos journées, le regard, occupe 95 % du temps éveillé, et même endormi : je suis amené à regarder un écran, un téléphone, un enfant qui dort, un paysage... Même le rêve repose sur des images. En fait, si l’homme n’avait rien à faire, il pourrait renoncer à penser mais il ne renoncerait pas à regarder, comme le confirme l’incroyable pouvoir hypnotique de la télévision. Précisément, dans ce regard, on passe toute notre vie, au fond, à espérer des choses qui sont un peu au-delà des apparences — c’est le principe même de l’intelligence : intelligere, « lire à l’intérieur ».

La vérité du christianisme s’éprouve aussi dans le quotidien de nos vies.

Le christianisme nous dit : « Oui, de fait, vous passerez votre éternité à voir » : vous verrez toute la beauté et tout l’infini de Dieu et vous serez en communion parfaite avec Lui. D’autres religions nous promettent d’autres formes de récompenses, notamment charnelles, ce qui n’est pas précisément le cas du christianisme (même si nous croyons, dans la foi chrétienne, à la résurrection des corps). Nous sommes d’abord fait pour regarder l’infini et être transformé par lui : dès lors que je le regarderai, cela me transformera de l’intérieur. C’est la fameuse phrase de saint Jean : « Nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est. » Voilà une bonne synthèse de la question ultime et qui me semble vraiment conforme à notre nature humaine.

La vérité du christianisme s’éprouve aussi dans le quotidien de nos vies. Au-delà de ce bonheur éternel qui est promis, il y a ce bonheur que Dieu promet pour ce temps présent, même si le Seigneur ne promet pas que cela : il y a aussi, malheureusement, des annonces de persécutions, de troubles, de combats spirituels, mais il y a tout de même un certain nombre de promesses qui sont faites : nous pouvons prendre l’exemple du lavement des pieds qui est souvent enseigné comme tel. En fait, Jésus dit : « Toi aussi, fais de même et tu seras heureux. » C’est vrai que, quand on se lave les pieds les uns aux autres, il y a un bonheur tout à fait singulier. C’est difficile à expliquer, c’est quelque chose à expérimenter, à vivre. Nous constatons que cette promesse-là s’accomplit très facilement : un mari qui lave les pieds de sa femme, une femme qui lave les pieds de ses enfants, un groupe qui réfléchit et qui, au terme de cette réflexion, se lave les pieds les uns aux autres, éprouve une joie très singulière. Nous parlons de la volonté, mais en fait, s’arrêter à celle-ci, serait d’une certaine façon, en rester à une démarche intellectuelle. Il y a un certain bien, il y a un très grand bien, il y a même un bien infini à expérimenter le message de l‘Évangile et espérer le bien du Ciel qui est notre destinée ultime et notre vocation finale.

L’intelligence et la volonté ne suffisent cependant pas car la réalité de l’homme se joue aussi dans la rencontre et la relation à Dieu. L’intelligence et la volonté sont encore des puissances intellectuelles et elles ne sont pas l’alpha et l’oméga de l’homme. On voit bien qu’il y a une dimension qui excède ces dimensions : la foi chrétienne, c’est d’abord l’histoire d’une rencontre : entre Dieu et moi. Et cette rencontre, quand elle n’a pas été véritablement expérimentée, peut en rester à des hésitations, à des tâtonnements... Bien sûr, il y a des raisons de croire, il y a des raisons de le vouloir, mais tout cela peut, en fait, sembler assez faible. Effectivement, tous ces arguments-là sont capables d’être contredits et peut-être même comparés avec d’autres religions qui pourraient amener des arguments sinon analogues, au moins qui pourraient emprunter tel ou tel aspect de ce qu’on vient d’évoquer.

La foi chrétienne est aussi singulière en ce qui concerne le témoignage de très nombreuses personnes qui attestent : « Dieu existe, je l’ai rencontré ! » Il faut rendre compte de cette phrase très singulière, prononcée par de nombreuses personnes à chaque siècle : « Moi, j’ai rencontré Dieu. J’ai rencontré Jésus-Christ. » Cela va de saint Paul de Tarse jusqu’à Claudel en passant par de très nombreux exemples célèbres. Et puis, il y a tous ces gens qui ne sont pas forcément connus et qui nous disent d’une manière beaucoup plus simple avoir vécu des expériences analogues, toutes ces conversions... et pas simplement dans les communautés nouvelles. Ce sont des gens qui ont eu une expérience de Dieu. Un de mes amis me disait : « Je n’ai pas aimé ton bouquin, car je n’ai pas besoin de tout cela pour croire ». Il m’a dit : « J’étais un jour sur un lit et j’ai été saisi par l’évidence d’un Être infini qui m’aimait absolument, et je n’ai jamais pu me défaire de cette certitude » : c’était le fondement de sa foi chrétienne. Il a eu une espèce de révélation. Tout le monde n’est pas appelé à ces rencontres extraordinaires, mais chacun est invité à rechercher cette rencontre avec Jésus qui a promis que celui qui cherche trouverait (Lc 11, 10). « Dans l’oraison, Dieu se fait moins incertain » disait le père Caffarel et dans la vie sacramentelle s’expérimente aussi de bien des façons la présence et l’action de Dieu.

C’est peut-être la question la plus décisive de « la méthode simple pour commencer à croire », celle à laquelle j’attache le plus d’importance : « Est-ce que je prends les moyens de vivre cette rencontre avec Dieu ? » Ces moyens reposent premièrement, d’abord, dans la prière : acceptes-tu à un moment donné de faire silence, d’entendre une parole qui est celle de l’Évangile, de voir, au fond, ce qu’elle te dit et si elle résonne en toi ? Je ne peux pas dire mieux. C’est assez maigre, en fait, comme mots, mais au fond, cette parole de l’Évangile que j’ai lue, relue, intégrée, mémorisée, est-ce qu’elle rayonne ? Me dit-elle quelque chose de particulier sur ma vie, sur ma destinée, sur ce que je suis, sur là où je vais, sur qui est Dieu et ce que Dieu attend de moi ? Dans ma vie personnelle, il y a eu une bascule, parce qu’après une recherche un peu anxieuse, il y avait là, dans la prière, comme une confirmation intérieure.

Le deuxième lieu de la rencontre pour faire l’expérience de Dieu, évidemment très récurrent, c’est la vie sacramentelle...

« Dans l’oraison, Dieu se fait moins incertain » disait le père Caffarel. Je suis très attaché à cette phrase : au fond, nous pouvons réfléchir pendant des années, et même des décennies sur les grandes théories mais, dans l’oraison c’est plus profond, cette Parole parle. Je ne sais pas comment décrire cette expérience vécue : elle irradie d’une lumière, d’une chaleur même ; je la situerais presque au niveau de la cage thoracique. Cette Parole de vie a un rapport avec le souffle, comme une forme d’inspiration intérieure. Pour l’expliquer, nous avons des mots un peu trop lourds de chair, qui disent tout de même quelque chose de l’ordre d’une rencontre qui touche une partie un peu plus profonde de l’être, que la Bible appelle le cœur, que les philosophes ont beaucoup appelé le cœur, Pascal compris qui disait : « C’est le cœur qui sent de Dieu. »

Le deuxième lieu de la rencontre pour faire l’expérience de Dieu, évidemment très récurrent, c’est la vie sacramentelle, avec cette rencontre particulière de l’eucharistie, et également du sacrement de confession. Beaucoup de croyants expérimentent, en sortant du sacrement de réconciliation, à quel point ils sont heureux ! Il y a quelque chose de l’ordre d’une libération — peut-être un peu au sens psychologique — de pouvoir déverser un péché trop lourd. Mais il y a aussi une libération plus profonde. Cela peut être une vraie expérience : « Oui, j’ai parlé à un prêtre qui, au nom du Christ m’a pardonné tous mes péchés... C’était le Christ lui-même qui me pardonnait et qui, dans cette rencontre, me libérait d’un fardeau. » C’est une expérience dont beaucoup peuvent témoigner.

L’Eucharistie est vraiment le sommet : Dieu vient en moi, complètement, totalement, pleinement, sous la forme d’un petit bout de pain et de quelques gouttes de vin ! Nus sommes naturellement porté à insister sur l’Eucharistie, mais tous les sacrements, à leur manière, peuvent être l’objet d’une telle expérience. Cette expérience, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, me nourrit-elle ? Il y a là une grande phrase de Claudel : « La preuve du pain, c’est qu’il nourrit. » Tu cherches des preuves et tu as peut-être raison, car on ne te demande pas d’avoir une foi aveugle. « La preuve du pain, c’est qu’il nourrit », c’est-à-dire : au fond, es-tu nourri par cette parole que tu médites, par ce pain que tu manges, par ce pardon que tu reçois ? Est-ce quelque chose qui te nourrit ? Cela te fait-il grandir ? Est-ce que, quand tu regardes dans le rétroviseur, tu penses avoir grandi ? On peut se dire peut-être « pas assez » ou « pas beaucoup » mais, au fond, il y a tout de même quelque chose : est-ce que cela m’a nourri ? Est-ce que cela m’a permis de traverser une certaine distance ? D’en sortir grandi (peut-être qu’on en sort aussi, d’une certaine façon, rapetissé), est-ce que j’en sors rassasié, en tout cas ?

Ces trois dimensions de la raison, du cœur et de la grâce ne sont pas antagonistes : en fait, elles se superposent, elles s’enrichissent les unes les autres. Pour moi, il n’y a pas lieu d’en privilégier une sur les autres même si, in fine, la plus importante est celle du cœur, car on peut dire que c’est celle qui restera pour l’éternité. Un jour, l’intelligence cessera de questionner : elle verra. Un jour, la volonté, cessera d’opter ou de ne pas opter : elle sera saisie. Le cœur, lui, restera, dans cette rencontre finale, le lieu de la charité : « L’amour ne passera jamais ! » (1 Co 13,1-13).

Pierre Durieux, La Méthode simple pour commencer à croire, Artège, 2016.

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