La prière est un dialogue avec Dieu. Jésus appelle ses disciples à prier sans cesse, comme des enfants bien-aimés, qui doivent trouver, avec la Bible et l’exemple des saints, leur manière personnelle de cheminer vers le Père.La prière chrétienne est un dialogue avec Dieu dans un rapport personnel avec lui. C’est une caractéristique tout à fait unique dans l’Histoire des religions, car nous osons parler à Dieu avec la familiarité d’un fils à son père, en nous sachant frères du Christ et fils bien aimés du Père. La prière chrétienne est communication intime avec Dieu. Or la moitié de l’Humanité pense que l’on ne peut pas tutoyer Dieu. Un jour, quand il était en classe de seconde, le jeune Henri Grouès lui-même — le futur abbé Pierre — n’a plus osé tutoyer Dieu : il n’osait croire que Dieu était quelqu’un capable de s’intéresser à lui. Il est devenu comme les hindous qui pensent que le fond de leur âme ne fait qu’un avec la pensée divine impersonnelle. Lorsqu’ils méditent, ils ne prient pas, ils ne parlent à personne. Les bouddhistes non plus. Pour prier, il faut croire que quelqu’un nous parle et nous écoute. Henri Grouès a osé y croire de nouveau en terminale. Une prière est donc un entretien, un dialogue, une « causette » avec Dieu. Cela suppose que l’on croie que l’on n’est pas seul.
Écouter, parler ou se taire
Comme dans tout dialogue, je peux soit écouter, soit parler, soit me taire. J’écoute Dieu quand je me rends attentif à ce qu’il me manifeste de Lui-même, dans les Écritures qui sont sa Parole, dans la Tradition, les sacrements et les liturgies de l’Église, dans l’Histoire des hommes et dans la mienne. Je lui parle quand je formule ce que j’ai à lui dire en réponse, soit en récitant des prières apprises ou lues, soit en m’exprimant librement, et alors ce peut être intérieurement, sans avoir besoin d’articuler de manière audible. C’est ce qui s’appelle « faire oraison » — une prière toute personnelle qui, malgré l’origine du mot, n’a pas besoin d’être oralisée. Et en allant plus loin, je peux encore me taire, m’ouvrir à une communion profonde avec Dieu, au-delà des communications formalisées, grâce à celles qui le permettent et afin d’intensifier leur nécessaire renouvellement (faire oraison fait par exemple désirer d’aller de nouveau à la messe, inspire de recevoir le sacrement du pardon, de célébrer les offices du jour, etc.).
Le silence habité
Ne laissons pas dire que la vraie prière consiste à ne rien dire, à laisser Dieu nous parler. C’est une erreur. Supplier Dieu, lui dire son amour, sa reconnaissance, c’est aussi prier, c’est aussi lui faire énormément plaisir ! Parfois, on ne dit rien, on se contente de rester en silence avec Dieu. C’est ce que l’on appelle une oraison de « quiétude » ; mais c’est un silence habité par la conscience d’être « avec lui » ! Et si l’on se met à sommeiller, on appelle cela avec humour une « oraison de saint Pierre », en souvenir du sommeil dans lequel sont tombés Pierre, Jacques et Jean durant l’agonie de Jésus au jardin de Gethsémani. Il est vrai que la Bible nous dit que « Dieu comble son bien aimé quand il dort » (Ps 126,3) !
Jean-Marie Setbon, un juif orthodoxe devenu catholique, reconnaissait que l’on ne lui a jamais appris à faire oraison durant sa formation rabbinique. Dieu était pour lui le « Tout-Autre » qu’il adorait et auquel il obéissait volontiers, mais il ne s’adressait jamais à un Dieu présent au plus intime de lui-même et avec lequel il pouvait tisser des liens de tendresse réciproque. Les chrétiens savent que c’est Jésus, le Fils bien-aimé, qui les entraîne, avec Lui et en Lui, jusque dans les profondeurs de la Trinité. Ils osent lui dire comme Jésus : « Abba ! Papa ! » (Mc 14, 36). Ils osent Le rejoindre dans leur cœur en lui répétant à longueur d’oraison : « Ô toi qui es chez toi dans le fond de mon cœur, fais-moi vivre avec toi dans le fond de mon cœur. »
Une écoute réciproque
Prier, c’est croire que quelqu’un écoute nos prières ou demander humblement la grâce d’y croire. On peut dire effectivement : « Seigneur, si tu existes, manifeste-toi à moi. » Beaucoup de chercheurs de Dieu font une prière de ce genre : « Fais-moi comprendre ou sentir que tu existes. » Reconnaître que Dieu a parlé en premier est la caractéristique de la prière chrétienne. Les chrétiens proclament ce grand mystère que Dieu a parlé sous Ponce Pilate et qu’il y a dit des choses très importantes. Car il y a un endroit de la planète et un moment de l’histoire où Dieu a parlé de façon privilégiée. Ceci déplaît à beaucoup : ils ont beaucoup de mal à croire que Dieu ait pu parler une fois pour toutes en disant des choses définitives et universelles. Oui, nous croyons que, si Dieu est Dieu, rien ne l’empêche de nous dire tout ce qu’il a d’important à nous communiquer et qu’il l’a fait il y a maintenant vingt siècles.
Le chrétien n’en finit pas de se rappeler, de méditer les messages définitifs d’amour que Dieu nous a adressés tout au long de l’Histoire sainte et plus particulièrement sous Ponce Pilate. Et le Saint-Esprit que Jésus a promis de nous envoyer n’est pas chargé de compléter un message qu’Il n’aurait pas eu le temps de nous délivrer, mais de nous le rappeler et de nous le faire comprendre et savourer. « Le Saint-Esprit vous fera vous souvenir de tout ce que Je vous ai dit » (Jn 14, 25). Puisque Dieu a pris l’initiative de nous parler, nous devons donc, si nous y croyons, prendre le temps de lire et de méditer dans la Bible les messages qu’Il nous y adresse.
Apprendre à écouter
Certes, les distractions dans la prière sont inévitables. Elles suivent la loi de l’association des idées. Quand je me mets à méditer un verset de psaume, par exemple : « Mon âme a soif du Dieu vivant », je me surprends à penser à l’orangeade que je viens de mettre au réfrigérateur, puis à la personne que j’ai rencontrée en l’achetant et voilà les souvenirs qui s’enchaînent ! Comment faire ? Certes, je peux prier à partir de mes distractions, en priant par exemple pour les personnes auxquelles je pense spontanément au cours de ma prière ou aux personnes que j’ai rencontrées dans la rue. Mais il faut essayer de ne pas prier uniquement à partir de mes rencontres ou des événements dont me parle le journal télévisé : sinon, c’est toujours moi qui parle et je ne laisse plus à Dieu le temps de me parler ni de me rappeler son amour !
Pour l’écouter, il ne suffit pas de faire silence ! Il est bon de nous mettre en sa présence dans le Saint-Sacrement conservé dans une église ou une chapelle, et il faut lire et relire ce qu’il nous redit aujourd’hui lorsque nous ouvrons notre bible. C’est pourquoi il est bon de ne pas plonger dans l’obscurité l’oratoire où est exposée la sainte hostie. Car l’hostie ne parle pas ! Ce que Jésus réellement présent veut nous dire se trouve dans la Bible : « Demeure dans mon amour », ou dans un cantique qui nous fait chanter un aspect essentiel de l’Eucharistie : « Pain vivant, source d’eau vive ! » Chaque matin, le Seigneur me redit : « Petit Pierre, sois joyeux ! », car il est tout près de mon lit et il me redit personnellement, en français, ce qu’il a dit une fois pour toutes par son apôtre Paul dans sa première lettre aux Thessaloniciens : « Soyez toujours joyeux ! » (1 Th 5,16). Parfois nous pouvons avoir l’impression que le Seigneur nous parle en direct, qu’Il nous dit par exemple : « Suis-moi, entre au séminaire ! » C’est peut-être effectivement un appel personnel qu’il nous adresse, mais il faut prendre le temps de le vérifier, en nous faisant accompagner !
Ruminer la Parole de Dieu
Lorsqu’une vache rumine la touffe d’herbe qu’elle fait revenir de sa panse pour la mâcher et la digérer, elle fait soixante-dix fois, remarquent les cultivateurs, ce mouvement de rumination. De la même façon, nous devrions mastiquer et ruminer longuement la parole de Dieu que nous avons lue dans la Bible. Sinon, nous l’oublions, elle ne s’enracine pas dans notre cœur et ne porte aucun fruit. Jésus nous l’explique bien dans sa parabole du semeur (Mt 13,1-23). Pour que les paroles bibliques puissent être une arme efficace, des missiles percutants dans notre combat contre les tentations, il faut les ruminer longuement. Lorsque, par exemple, nous sommes terriblement tentés de nous laisser aller à l’inquiétude à la pensée des dangers qui nous me menacent, il nous faut redire longuement un verset de psaume et demander à l’Esprit Saint de l’incruster profondément dans notre cœur : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien » (Ps 23, 1) !
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Ce « rien » doit devenir un refrain à reprendre sans cesse. « Oui, Seigneur, ce n’est pas « presque rien » que tu nous dis. « Absolument rien » ne nous manquera là où tu nous conduis » ! C’est au moment des distractions ou des tentations que l’on peut faire les plus belles prières : « J’ai terriblement envie d’être triste, Seigneur, à cause de ce souvenir pénible qui ressurgit soudainement dans ma mémoire, mais je m’oblige à me ressouvenir de ton ordre explicite : “Soyez toujours joyeux, priez sans cesse, en toute condition soyez dans l’action de grâce !” (1 Th 5, 16-18). » Encore faut-il nous ressouvenir sans cesse de ces paroles bibliques, comme le font les moines qui s’obligent à relire chaque matin quelques passages de l’Écriture.
La prière est un combat
Pour faire oraison il faut avoir bien compris que notre premier devoir est d’aimer Dieu non pas « de toutes nos forces », en faisant beaucoup de choses pour lui, mais « de tout notre cœur », en prenant le temps de goûter son amour dans l’oraison. Pourquoi Dieu nous commande-t-il de l’aimer de tout notre cœur ? Parce que c’est le seul moyen d’être nous-mêmes pleinement heureux. Nous aspirons tous en effet à être infiniment aimés et à pouvoir aimer quelqu’un qui soit infiniment aimable. Or Dieu est le seul être qui soit infiniment bon et infiniment aimable, le seul capable de satisfaire notre soif d’amour absolu. C’est pourquoi nous avons le droit de nous asseoir aux pieds du Seigneur, comme Marie prenait le temps de le faire dans la salle de séjour de Béthanie (Luc 10, 42), pour goûter son amour dans l’intimité et la gratuité d’un rendez-vous d’amour. L’oraison n’est pas du temps volé aux autres.
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Découvrir l’oraison
Hélas, beaucoup de chrétiens — prêtres ou laïcs — reconnaissent n’avoir découvert que bien tardivement cette vérité fondamentale. André Sève, un prêtre assomptionniste qui consacra toute sa vie à l’information religieuse, n’a découvert vraiment l’importance de l’oraison qu’après plus de vingt ans de vie sacerdotale, en allant faire un reportage de journaliste à Troussures, dans l’école de prière fondée par le père Caffarel. Il y était arrivé muni de tous ses appareils d’enregistrement, avec l’idée de n’y rester que vingt-quatre heures ! Mais le père Caffarel réussit à le persuader qu’il ne comprendrait pas grand-chose à ce qui se passe au cours d’une semaine de prière s’il n’y participait pas lui-même entièrement. Après moult hésitations, André Sève se laissa convaincre. Et ce fut la découverte merveilleuse. Le journaliste se transforma en novice. Petit à petit, il découvrait qu’il n’était pas inutile de consacrer chaque jour « trente minutes pour Dieu ». C’est le titre de son beau livre sur la prière, qui commence précisément par le récit de sa conversion (Éd. du Centurion, 1974). Oui, c’est une véritable conversion quand on comprend enfin que Dieu mérite d’être « premier servi », mais surtout « premier aimé » et le seul capable de nous aimer d’un amour infini.
Prier, c’est choisir
Puisque la prière est une activité souvent difficile, efforçons-nous de lui consacrer les moments où nous sommes le plus en forme. Ne donnons pas à Dieu le moment le plus difficile de notre journée : ce n’est pas correct ! Quand on va voir son fiancé, on y va quand on est en forme, pas pour lui dire : « je suis crevé ». Mieux vaut prier fatigué que ne pas prier, mais à choisir, mieux vaut prier quand on est le plus en forme, c’est-à-dire le plus disponible. Si l’on peut commencer sa journée avec un bon moment de prière, c’est excellent. Mais beaucoup préféreront prendre ce temps à un autre moment.
Pour être fidèle à ses résolutions de prière, il faut renoncer à certaines activités de loisir beaucoup plus attrayantes.
Pour être fidèle à ses résolutions de prière, il faut renoncer à certaines activités de loisir beaucoup plus attrayantes. Il faut donc redemander sans cesse la grâce de comprendre que consacrer du temps à la prière, c’est à la fois « juste et bon ». Même lorsque la prière ne nous dit rien, rappelons-nous qu’il n’est que « juste » de passer un bon moment avec Dieu, pour lui dire qu’il est plus important que tout le reste. Demandons-lui la grâce d’y croire de plus en plus.
Une ardente supplication
Tout en étant l’activité essentielle de toute vie humaine, la prière est une activité qui dépasse nos forces. C’est l’Esprit que le Seigneur nous communique qui nous permet de prier le Père avec la confiance d’un enfant. Au début de chaque office du bréviaire, nous chantons : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur viens vite à mon secours. » En Suisse, à Hauterive, des moines lancent cette supplication à pleine voix, comme un véritable S.O.S : « Seigneur ! Festina ! Dépêche-toi ! » Toutes nos prières devraient débuter ainsi, par une ardente supplication comme le prophète Jérémie envasé au fond de la citerne où il a été abandonné (Jr 38,6) : « Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur ! » (Ps 130). Nous ne devrions jamais oublier ce que saint Paul écrit aux Romains : « L’Esprit-Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut » (Rm 8,26). C’est l’Esprit, dit-il ailleurs, qui nous fait bondir avec confiance vers le père en lui criant : « Abba ! Père ! » (Gal 4,6).
Cette prière que l’Esprit suscite en nous est une participation à la prière même de Jésus. Tout en étant le Seigneur adoré par tous les anges et les saints du paradis, Jésus reste dans le ciel « vrai Dieu et vrai homme » : Il conserve donc éternellement son âme de créature et Il passe donc son éternité à continuer à adorer son père comme il le faisait sur terre et à intercéder devant lui en notre faveur. N’est-ce pas la façon dont les prêtres terminent la plupart des oraisons de la messe : c’est « par Jésus-Christ » que nous faisons monter vers le père toutes nos prières, c’est lui qui les présente au père, c’est lui qui intercède pour nous auprès du père ! Il est dans le ciel le grand priant, le Grand-Prêtre.
C’est le Christ qui prie le mieux
Lorsque nous sommes en train de prier dans une assemblée chrétienne, n’oublions pas que celui qui prie le mieux, c’est le Christ réellement présent au milieu de nous comme il nous l’a promis : « Lorsque deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Mt 18,20). Lorsque nous sommes dans une église, Jésus est très spécialement présent sous les apparences d’un morceau de pain. Il est dans le tabernacle, disait le Curé d’Ars, « comme un chartreux dans sa cellule ». Lorsque nous adorons Jésus présent dans le Saint-Sacrement, n’oublions pas qu’au même moment Jésus ne cesse d’adorer son père, comme il le faisait sur terre et comme il continue à le faire dans le ciel.
Rappelons-nous souvent cette grande vérité trop oubliée : il est si difficile de prier que le Fils de Dieu a pris une âme — et un corps — de créature dans le sein de la Vierge Marie pour que les hommes sachent enfin comment prier leur Père des cieux. Il est venu nous entraîner dans le double mouvement de sa prière filiale. Tantôt, en effet, il dit : « Père infiniment bon, je suis heureux d’être ton fils bien-aimé », et il se laisse envahir par toute la tendresse du Père qui n’est rien d’autre que l’Esprit Saint en personne. Et tantôt il s’élance vers son Père dans l’élan de ce même Esprit, tout en lui disant : « Abba ! Père ! Tu es formidable, infiniment aimable ! » Nous sommes tous invités à entrer dans cette prière filiale de Jésus : même si nous ne sommes pas le Fils unique du père, nous sommes ses enfants chéris et nous sommes tous uniques à ses yeux. Nous pouvons donc reprendre à notre compte cette prière filiale en disant : « Père, tu es vraiment super ! Je suis ton enfant et tu es mon papa !» Bien mieux, c’est en chacun de nous, dans le fond de notre cœur, que Jésus ne cesse de prier le Père. Lorsque je prie, c’est Jésus qui prie en moi !
De nombreux chemins
« Combien existe-t-il de chemins vers Dieu ? » demandait-on un jour au cardinal Ratzinger. « Autant que d’êtres humains », a-t-il répondu. Chacun doit trouver son chemin. Il y a mille manières de prier, car il y a mille manières d’aimer. On aurait tendance à dire dans le Renouveau charismatique que la meilleure prière est la prière de louange. Mais il est tout à fait normal et même nécessaire de ne pas craindre de crier vers Dieu sa détresse lorsque l’on vient d’apprendre que son enfant vient d’être accidenté ! Toutes les attitudes de prière sont bonnes, puisque nous les retrouvons toutes dans les psaumes, ces prières directement inspirées par l’Esprit Saint. Par ailleurs, quand nous avons trouvé une prière qui nous convient, nous avons le droit de la répéter aussi souvent que nous le souhaitons. Nous avons le droit d’avoir nos « ritournelles » personnelles avec le Seigneur ! Il est également très bon de prier en regardant longuement une image, une statue, un tableau ou un vitrail.
À côté de l’oraison, il y a la méditation
On peut dire qu’il y a oraison dès que nous sommes en dialogue avec le Seigneur, même si l’on préfère habituellement réserver le mot « oraison » à la conversation silencieuse et prolongée avec lui. La méditation est le fait de réfléchir à un texte de l’Évangile ou d’auteur spirituel en laissant libre cours aux réflexions ou aux résolutions qu’il m’inspire. Il est évident que toute méditation peut se prolonger en prière, en dialogue avec le Seigneur. Il ne manque pas de chrétiens qui aiment prier en écrivant leur prière sur un carnet, leur « journal spirituel », leur « carnet de route ».
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Le sourire et le chapelet
Sainte Thérèse de Lisieux insistait beaucoup sur la spiritualité du sourire. Sourire à Jésus, à celui qui nous sourit tout le temps. « Souris-moi, sois joyeux, nous dit le Seigneur, même quand tu n’en n’as pas envie. » Ces sourires sont les fameuses roses que Thérèse voulait offrir en grand nombre à Jésus pour lui faire plaisir et sauver
Le chapelet est un magnifique chemin de prière, à condition de nous rappeler qu’il y a bien des façons de le dire. Parfois je demande à mon ange gardien de dire la première partie du « Je vous salue, Marie » et je me contente de répéter comme une litanie : « Sainte Marie, mère de Dieu, prie pour nous, pauvres pécheurs, prie pour moi, pauvre pécheur. » Ou bien je transforme un peu le tout début de la salutation angélique en disant : « Fais-moi ton plus beau sourire, Marie, pleine de grâce ! » Je pense que ces petites fantaisies ne déplaisent pas à la Sainte Vierge.
Changer d’attitude
N’hésitons pas à changer d’attitude lorsque nous prions. Quand je me mets à genoux, je redis au Seigneur que je me sens tout petit devant lui. C’est l’attitude de l’enfant, du pécheur. Mais un autre geste est tout aussi important, c’est de me mettre debout devant lui, pour exprimer ma volonté de grandir et ma réponse au regard d’admiration qu’il pose sur moi, car le prophète Sophonie n’hésite pas à dire que Dieu danse de joie devant ses enfants (So 3,17). Saint Jean de la Croix passe sans cesse d’une attitude à l’autre. Tantôt il proclame qu’il n’est « rien » (nada) devant le « tout » (todo) de Dieu ; tantôt il se réjouit comme l’épouse heureuse de plaire à son époux par un seul de ses cheveux et par une seule perle de son collier ! On peut pécher par manque d’humilité, en ne se mettant pas suffisamment à genoux devant Dieu ; mais on peut pécher aussi par manque de fierté, en ne se redressant pas assez devant lui, en ne croyant pas assez que nous sommes pour lui de véritables chefs d’œuvre… en construction ! Si on peut avoir une attitude dans laquelle il est plus facile de rester un bon moment dans la même position, c’est une bonne chose, car une certaine stabilité du corps nous aide souvent à prier plus longuement, mais ce n’est pas toujours possible. Le confort des petits bancs de prière peut nous y aider.
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Le signe de croix
On débute habituellement sa prière par un beau signe de croix. La Sainte Vierge a appris à Jacqueline Aubry, la plus âgée des quatre voyants de l’Île-Bouchard en 1947, à faire un très grand et très lent signe de croix. Ce signe a été inventé par on ne sait qui, dès le premier siècle. Saint Paul affirme qu’il ne veut « rien connaître d’autre que la croix du Christ » (1 Co 1,17 ; 2,2 ; Gal 6,14, etc.) En traçant sur soi ce signe de la croix, on se rappelle ce grand mystère du Fils de Dieu qui a souffert pour nous, tandis que notre bouche proclame l’autre grand mystère de la Trinité. C’est le signe de ralliement universel des chrétiens. Un geste qu’il est dangereux de faire dans certains pays !
Il est important de bien commencer sa prière. Quand on fait une course de vitesse, le départ au starting-block est essentiel, il faut prendre un bon départ. De même, quand on se met à prier, il est bon de bien prendre son départ, avec un geste qui exprime ma volonté de me mettre en présence de Dieu et de purifier mon intention. « Seigneur, tu es là, moi aussi. Je suis ici devant toi ! » « Et c’est pour toi que je suis ici : si je m’ennuie ce n’est pas grave, puisque je suis ici pour toi, pour te faire plaisir ! Le plus heureux, au cours de cette oraison, ce sera toujours toi, Seigneur ! » Quel merveilleux mystère ! Toutes nos prières font plaisir à Dieu. Et quand nous communions, pensons que Jésus est tout heureux de se donner à nous, et qu’il veut nous faire partager sa joie !
Le lieu de la prière
Le lieu de la prière doit être choisi avec soin, mais il faut aussi savoir prier partout. En ce qui concerne les lieux de prière, il vaut mieux choisir un lieu silencieux et beau, mais il faut savoir prier n’importe où. Quand on le peut, il vaut mieux avoir un coin qui nous aide à prier. Prier devant un beau paysage, devant le ciel ou une fenêtre, c’est très bien aussi. Évidemment, si l’on peut prier dans une chapelle, devant le Saint-Sacrement. Il faut en profiter ! Sur les chemins du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, des touristes se convertissent parfois. Eh oui, la foi peut entrer par les pieds. En partant sur cette route, on pense être moins encombré de distractions, on espère pouvoir méditer ou prier plus facilement. Les pèlerinages existent depuis très longtemps ; en Inde, les routes ont été formées par les pèlerins.
Prier avec les saints
Chacun peut prier les saints qu’il affectionne particulièrement. En ce qui concerne la prière que nous adressons aux saints, il faut savoir qu’il y a des saints « thaumaturges », par lesquels Jésus aime faire beaucoup de miracles : sainte Thérèse, sainte Rita, saint Antoine de Padoue, etc. On ne sait pas pourquoi Dieu se sert davantage de certains saints. Sainte Rita, par exemple, la sainte des causes désespérées, est une sainte très populaire et Dieu se plaît à faire souvent des miracles en faveur de ceux qui recourent à son intercession.
Les reliques
Prier devant les reliques est une grande tradition de l’Église. Certains ont horreur de cela et pensent que c’est de la superstition. Ce culte pourrait en effet devenir superstitieux si l’on s’imaginait que le contact avec le reliquaire guérit automatiquement un malade, mais le culte des reliques nous rappelle que les saints ont aimé Dieu avec leur corps et que leur corps est appelé à ressusciter. À la fin de sa vie, Pascal, qui avait des maux de tête épouvantables (on sait maintenant qu’il est mort d’un cancer généralisé dont les métastases ont gagné le cerveau), allait à Paris de sanctuaire en sanctuaire vénérer les reliques des saints. Le culte des reliques n’est donc pas réservé aux faibles d’esprit !
Aujourd’hui, les reliques se mettent de nouveau à voyager. C’était le cas dans le passé avec les reliques de saint Étienne, retrouvées au VIe siècle, et cet usage est reparti avec celles de sainte Thérèse de Lisieux. Auparavant, les personnes se rendaient en pèlerinage sur la tombe des saints. En 1997, à l’occasion du centenaire de la mort de Thérèse, le recteur de Lisieux a eu l’idée de faire voyager ses reliques dans les lieux où elle était allée en pèlerinage. Des centaines de monastères et de paroisses ont désiré recevoir leur visite. Et depuis lors elles ont fait le tour du monde. Au Brésil, des foules ont rempli les stades pour les vénérer. Désormais, beaucoup de reliques de saints se mettent à voyager et rassemblent des milliers de fidèles un peu partout.
Devant les icônes
Beaucoup de communautés chrétiennes d’Occident adoptent depuis quelques années l’habitude de nos frères d’Orient : ils installent des icônes dans leurs églises et leurs maisons et prient devant elles. « Pourquoi, me demande-t-on souvent, les visages des icônes ne sourient-ils jamais ? » Tout simplement parce que les peintres d’icônes ne distinguent pas comme nous les mystères joyeux, douloureux et glorieux de la vie du Christ et de la Vierge. En conséquence, la Nativité de Jésus à Bethléem n’est pas pour eux un mystère spécialement joyeux, puisque l’on y célèbre la naissance de celui qui mourra pour nous sur une croix. Pour se le rappeler, ils placent le nouveau-né sur berceau qui a la forme d’un autel, dans une grotte toute noire qui doit évoquer le Saint-Sépulcre où on le déposera à la fin de sa vie. Quant aux langes du bébé, ils annoncent le linceul d’où surgira le Ressuscité. Par ailleurs, jamais on ne voit un visage souffrant. Quand on représente le Crucifié du Vendredi Saint, il ne faut surtout pas oublier qu’il va ressusciter et qu’il intercède maintenant pour nous dans le ciel. Il est notre grand-prêtre éternel. C’est pourquoi on n’hésite pas sur les icônes à le représenter revêtu sur la croix d’ornements sacerdotaux !
Toujours persévérer
Dieu ne nous exauce pas toujours comme nous le voudrions, mais il faut toujours persévérer dans la prière, selon le commandement du Christ (Lc 18,1). Les saints ont connu eux aussi cette épreuve : le curé d’Ars n’a pas converti toutes les personnes de sa paroisse. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus a prié pour un carme qui avait quitté l’Église, le père Loyson, et il a été enterré comme libre penseur au cimetière du Père Lachaise. Et n’oublions pas que les deux plus grands saints que nous connaissons, Marie et Joseph, n’ont pas été exaucés. L’Évangile le dit : Nazareth est le seul endroit où Jésus n’a pu faire aucun miracle à cause de l’incrédulité des gens du village (Mc 6,5). Et pourtant Marie et Joseph avaient dû beaucoup prier pour tout ce petit monde-là auquel ils avaient donné pendant plus de trente ans un merveilleux témoignage de foi et d’amour. Et apparemment cela n’a rien donné ! Au cours des réunions charismatiques, on fait souvent monter sur le podium une personne qui a prié et qui a été exaucée, et tout le monde de chanter Alléluia ! Mais il faudrait ensuite faire monter quelqu’un qui a prié de tout son cœur et qui n’a pas été exaucé, et chanter trois fois plus d’Alléluia, car cette dernière personne ressemble davantage à Marie et Joseph.
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Nous ne devons pas nous culpabiliser. Ne pensons pas que si nous avions prié avec l’audace et la persévérance d’une sainte Monique, nous aurions obtenu la conversion de l’Augustin pour lequel nous avons prié. Nous ne savons pas la raison pour laquelle il n’est pas encore converti : s’est-il endurci le cœur ou l’heure de la grâce n’a-t-elle pas encore sonné pour lui ? Dieu seul le sait : ne cherchons pas à le savoir et continuons paisiblement à prier pour lui avec la persévérance que nous recommandent tant de paraboles de l’Évangile. Souvenons-nous plutôt que cette épreuve — comme toutes les épreuves de notre vie — peut nous faire grandir dans la foi, l’espérance et l’amour.
L’action de grâce
Si le Seigneur ne nous a pas donné un nouveau signe de sa présence et de sa puissance en exauçant notre demande, il nous en a donné beaucoup d’autres, notamment dans les nombreux miracles qu’il continue à réaliser dans son Église à travers le monde. N’exigeons pas du Seigneur que les signes éclatants qu’il donne parfois de sa présence se produisent sous nos yeux. Ayons la simplicité d’accepter le témoignage de ceux et de celles qui en ont été les bénéficiaires ou les témoins oculaires. N’oublions pas non plus les signes plus discrets que Dieu nous donne parfois de son passage dans notre vie !
Comme le dit saint Paul, nous devrions toujours ajouter une petite pincée d’action de grâce aux demandes que nous adressons au Seigneur
Nous avons tellement de raisons de dire « Merci » à Dieu que nous devons continuer à lui chanter notre action de grâce, même les soirs où nous sommes déçus de tous les contretemps survenus dans notre journée. Comme le dit saint Paul, nous devrions toujours ajouter une petite pincée d’action de grâce aux demandes que nous adressons au Seigneur (Ph 4,6).
Creusons notre espérance
Si le Seigneur n’exauce pas immédiatement notre demande, nous allons être en quelque sorte obligés de prolonger notre supplication, de rendre plus insistante notre prière. Nos actes de confiance vont par le fait même devenir plus nombreux. Notre espérance va grandir dans notre cœur et, comme Dieu nous exauce toujours « dans la mesure de notre espérance en lui » (Ps 33,22), c’est sans doute le signe qu’Il veut nous exaucer davantage, faire davantage déborder sur nous et sur nos frères les torrents de sa miséricorde. C’est ainsi que les saints interprètent toujours les « retards » de Dieu. Ils savent que son calendrier ne coïncide pas forcément avec celui de leurs désirs, mais qu’ils ne perdent rien pour attendre ! Avec la Bible, ils savent que Dieu se plaît souvent à étonner notre patience, qu’il attend l’heure de nous faire grâce (Is 30,18).
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Lorsque nous demandons à Dieu la guérison d’un être cher ou sa réussite en tel ou tel domaine de sa vie, nous ne sommes pas sûrs que Dieu les veuille. Il a peut-être d’autres vues sur lui : « Nos pensées ne sont pas les siennes ni nos voies les siennes » (Is 55,8 ; Mt 16, 23). Il arrive d’ailleurs après coup que nous comprenions pourquoi Dieu ne nous a pas enlevé la croix qui nous paraissait sur le moment insupportable. Et si nous ne le voyons pas, nous savons que Dieu « fait tout concourir au bien de ses enfants » (Rm 8,28). C’est le mystère de la Providence paternelle avec laquelle Dieu veille jalousement sur le déroulement de nos existences. C’est pourquoi nous devons veiller à ne jamais présenter nos demandes à Dieu comme s’il avait à nous obéir. C’est à notre chien que nous pouvons dire : « Au pied ! Tout de suite ! » Ne parlons jamais comme cela à Dieu. Il ne nous doit rien, ni la guérison de notre enfant, ni la conversion de notre mari ! N’ayons pas peur de lui demander l’impossible, à condition de le lui demander « gentiment », poliment, avec un « s’il te plaît » plein de confiance et de respect filiaux.
Aucune de nos prières n’est perdue
Quelle que soit l’issue apparente de notre prière, tout contact sincère avec Dieu porte du fruit, dans notre vie et dans le monde. Étant donné la mystérieuse solidarité qui nous unit à tous nos frères, chaque fois que, d’une façon ou d’une autre, nous nous rapprochons de Dieu, c’est le monde entier qui s’unit davantage à lui. C’est en arrivant au ciel que nous nous émerveillerons définitivement de la fécondité de la moindre de nos prières. Les seules prières qui ne sont pas exaucées, ce sont celles que nous ne faisons pas !
La prière ne supprime pas les tempêtes de notre vie, mais elle permet de les vivre dans la paix. On voudrait une religion-opium qui calmerait toutes les souffrances de notre vie, mais ce n’est pas celle que nous professons. Jésus nous demande de le suivre sur son chemin qui est souvent un chemin de croix. Heureusement, nous pouvons, précisément dans la prière, ruminer longuement les vérités « incroyables mais vraies » qui nous permettent de rester en paix en toutes circonstances : le mystère de la Providence divine et la valeur sacrificielle de toutes nos croix offertes avec amour par le Christ, avec Lui et en Lui. Il arrive même que Dieu fasse passer ses grands amis, les saints, par ce que l’on appelle « la nuit de l’esprit ». Auquel cas ils passent de longues années dans une terrible aridité spirituelle : ils ont l’impression que Dieu est totalement absent de leur vie et qu’ils en sont même rejetés. Mais, aidés par leur père (conseiller ou guide) spirituel, ils savent qu’ils ne ratent pas leur vie et que leur prière reste totalement agréable à Dieu et mystérieusement féconde.
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