Depuis la rentrée, le port du masque est obligatoire dans les collèges et les lycées en raison de l’épidémie de Covid. Une mesure que certains enseignants jugent gênante pour la transmission des savoirs.
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« Le visage est l’image de l’âme, et les yeux en sont l’emblème. Car c’est la seule partie du corps qui, à tous les mouvements de l’âme, puisse faire correspondre autant d’expressions changeantes », écrivait Cicéron dans son traité sur la rhétorique De Oratore, il y a plus de 2.070 ans. Le visage, autant que la voix, est au cœur de l’art oratoire, et les enseignants masqués en font tristement l’expérience depuis une dizaine de jours. Outre les problématiques de confort et d’audition, le port du masque semble altérer la qualité de la transmission des connaissances et de la relation élève – enseignant.
Une absence de réceptivité
Le visage, « c’est ce que je confie à autrui », affirmait récemment le philosophe Martin Steffens. Partiellement caché, le visage des élèves ne risque plus de confier grand-chose à leur professeur. Ni l’incompréhension, ni la joie d’avoir suivi un raisonnement jusqu’au bout, ni même l’ennui ! Cette absence de réceptivité est difficile à appréhender pour bon nombre d’enseignants. « Je ne vois pas leurs visages, donc je ne sais pas si mes élèves comprennent ! Les yeux ne suffisent pas », déplore Laurence, professeur de philosophie à l’université et en Terminale. « Je ne peux pas voir si leur visage est figé par l’incompréhension, ni s’ils sourient, ni s’ils s’apprêtent à prendre la parole mais n’osent pas, et donc je ne peux pas les encourager… ». Une manière d’enseigner, unilatérale, qui remet en question la notion même d’éducation : est-ce vraiment enseigner si l’on n’est pas sûr que l’élève ait bien compris ?
Est-ce vraiment enseigner si l’on n’est pas sûr que l’élève ait bien compris ?
Situation gênante pour les enseignants, mais également pour les élèves. Ces derniers, et notamment lorsqu’ils découvrent une nouvelle matière comme la philosophie, ont besoin de voir le visage de leur professeur. Laurence donne l’exemple d’un orateur qui parlerait une langue étrangère. Pour le comprendre, on a besoin de suivre le mouvement de ses lèvres. « Cette année, mes élèves de Terminale ont du mal à comprendre, à entendre, à comprendre l’ironie, malgré mes efforts de diction », constate Laurence.
La relation de professeur à élèves est également mise à mal, de manière encore plus flagrante pour Laurence, qui, étant professeur de philosophie, ne les a jamais connus sans leur masque. « Or quand on voit un visage entier en face de soi, on a tellement plus d’informations sur la personne ! », regrette-t-elle. « On a besoin du visage de l’autre tout simplement pour entrer en contact avec lui, et lui a besoin du nôtre aussi ».
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