Contempler les réalités d’en haut, loin de nous détourner de nos préoccupations quotidiennes, constitue au contraire un moyen pour les aborder avec détermination en prenant plaisir à faire la volonté de notre Père céleste.« Christ est ressuscité ! Recherchez les réalités d’en haut, là où il se trouve ! Songez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre » (Col 3, 1-2) : ainsi s’exprime Paul dans sa lettre aux Colossiens que nous lisons le jour de Pâques. En ce temps pascal, interrogeons-nous sur ce que l’Apôtre a voulu dire par là. Devons-nous nous détourner des réalités d’ici-bas, pour ne plus penser qu’à celles de l’au-delà ? Telle n’est pas la bonne façon de comprendre cette exhortation. Les chrétiens s’exposeraient sinon à la critique de se désintéresser de la justice sociale et des problèmes qui se posent aux hommes aujourd’hui.
En fait, saint Paul émet le souhait que nous envisagions les affaires terrestres à la lumière des réalités d’en haut, c’est-à-dire à partir du Ressuscité. Il n’est pas de meilleure justice à rendre aux êtres et aux choses que de les appréhender au travers du filtre du Christ. À sa lumière, elles acquièrent leur véritable dimension et leur juste valeur.
Prenons garde à ne pas nous éparpiller, à « courir » le ciel comme d’autres courent les continents à la recherche de nouveautés ou de sensations fortes.
Cependant, contempler les choses d’en haut ne relève pas seulement de l’exercice intellectuel ou d’une sorte de lévitation spirituelle. Prenons garde à ne pas nous éparpiller, à « courir » le ciel comme d’autres courent les continents à la recherche de nouveautés ou de sensations fortes. Paul nous indique dans quelle direction nous devons orienter nos regards et nos efforts subséquents : là où se trouve le Christ. Voir les choses en mode panoramique ne suffit pas. Il s’agit surtout de les comprendre à l’aune du Ressuscité. Ce qui implique que nous cherchions le Christ, que nous nous attachions à le suivre. Où ? Là où il est monté à Pâques : chez le Père. « Je monte vers mon Père et votre Père » (Jn 20, 17), confie-t-il à Marie-Madeleine le matin de Pâques. Chercher les réalités d’en haut consiste d’abord à suivre et à demeurer près du Ressuscité dans la maison du Père.
Ne pas traiter les affaires d’ici-bas comme des mercenaires
Mais notre chemin ne s’arrête pas là. Les affaires d’ici-bas continuent de nous requérir. Comment faire le lien entre elles et cette demeure des cieux ? En fait, en habitant la maison du Ressuscité, nous sommes devenus enfants du Père car frères de Jésus-Christ. Et c’est en tant que tels que nous allons pouvoir passer à l’action sur la terre. Car ce nouveau statut nous donne l’avantage d’agir librement comme des enfants qui circulent souverainement dans la maison de leur Père. En effet, la terre Lui appartient. Dès lors, nous ne traitons plus des affaires d’ici-bas comme des mercenaires, préoccupés seulement de leurs intérêts, mais comme des copropriétaires qui prennent soin des intérêts de notre Père qui, s’Il est aux cieux, est aussi présent à Sa création, elle-même remplie de Sa gloire. Ressuscités avec le Christ, nous faisons nôtres les soucis du Père de sauver les hommes. De la sorte, loin de nous complaire dans l’arbitraire de nos désirs, notre liberté nouvelle, née de la contemplation des choses d’en haut, nous pousse plutôt à donner le meilleur de nous-mêmes dans les choses du quotidien.
Car la suite du Ressuscité ne gomme pas la Croix. Rechercher les choses d’en haut, c’est intérioriser la loi spirituelle qui fut celle de Jésus durant sa vie terrestre : don de soi, service, prière, recherche de Dieu dans son cœur. En effet, les choses d’en haut se cachent souvent dans les replis les plus secrets de notre intériorité. C’est là que le Ressuscité nous attend, là qu’il nous redonnera des forces afin que nous puissions porter secours à nos frères qui ne savent plus trouver une direction et une signification à leurs existences, prisonniers qu’ils sont d’un nihilisme et d’un matérialisme dévastateurs.
Le Ressuscité est une source d’inspiration pour aujourd’hui
Si Paul nous demande de rechercher le Christ d’en haut, c’est afin de pouvoir apprécier la réalité à la lumière du Vainqueur de la mort, et d’agir avec son Esprit. Désormais, le Christ est davantage une source d’inspiration qu’un modèle extérieur dont nous devrions reproduire les gestes à l’identique, sans effort de réflexion de notre part – une source d’inspiration capable de nous aider à résoudre les questions nouvelles que nous rencontrons dans notre vie quotidienne. Le Ressuscité se fait notre compagnon de route, comme il le fut pour les deux pèlerins qui cheminaient vers Emmaüs le soir de Pâques. De surcroît, ce Ressuscité, nous ne pouvons pas prétexter ne pas le connaître pour nous abstenir de passer à l’action, puisqu’il est Jésus de Nazareth lui-même ! Le trouver est donc chose aisée, pourvu que l’on soit prêt à consacrer du temps à la prière et à la lecture des Evangiles.
Quant à ceux qui nous objectent que les réalités d’en haut font une mauvaise concurrence aux réalités d’en bas, rappelons-leur que la loi fondamentale de la vie consiste à se dépasser, et que celui qui persiste à rester là où il est, celui-là a déjà commencé à reculer et à abdiquer face à la mort.
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