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Mille façons d’être (in)fidèle dans le couple

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Paul Habsburg - publié le 02/12/19 - mis à jour le 26/09/22
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Dans la vie de couple, il y a beaucoup de situations où on se comporte plus ou moins fidèlement : dans nos regards comme dans nos pensées, dans nos gestes comme dans nos paroles, au boulot ou devant l'ordinateur. Cela n'est pas très grave à prime abord, mais l’ennemi du couple joue finement. Il est subtil et peut nous faire glisser presque inconsciemment jusqu'à l’adultère du cœur, avant qu'il ne soit plus grave...

Ghislaine et François sont mariés depuis à peine deux ans. Ils forment un couple heureux, ils sont très amoureux l’un de l’autre. Ghislaine est comblée d’avoir un mari très gentleman, drôle et empathique. Elle sait qu’elle a de la chance ! Un jour pourtant, elle m’approche pour me demander un conseil. Son regard est sombre. Ils viennent de passer un week-end avec d’autres couples amis. L’une des femmes s'est montrée assez proche - trop proche à son avis - de son François. Ghislaine s’est mise à pleurer… Son mari ne voulait pas admettre que cette situation avait été problématique. Il s’était même fâché.

Il se trouve que je connaissais cette autre jeune femme (appelons-la Hélène). J’avais été témoin d’une situation similaire, où elle avait eu un comportement semblable avec un autre homme. Tout cela était en présence de son mari, que cela ne dérangeait visiblement pas. J’ai tout de suite pensé qu’en fait, le malentendu provenait d'une mauvaise interprétation de la personnalité d’Hélène. Elle est une femme joyeuse, jolie et très affective. Tel est son caractère, sans qu’elle soit animée par de mauvaises intentions. J’en suis persuadé.

On pourrait donc dire que c’est la réaction de Ghislaine qui est exagérée. Ce qu’elle reproche à François, c’est trois fois rien, alors que lui voulait simplement être amical. Mais je crois quand-même qu'il faudrait  approfondir les causes des réactions de chacun. Si Ghislaine a été blessée, ce n’est pas d’abord par jalousie. Et si François a eu cette réaction, c’est parce qu’il pensait qu’il ne s’était rien passé. En fait, cette situation révèle un malaise presque inconscient. Ghislaine sait qu’au cours de ce week-end « quelque chose n’était pas sain ». François le sent aussi. Mais elle n’a pas trouvé la façon de le dire dans un langage que puisse être accepté ou compris par François. Quant à lui, peut-être qu’il n’a pas trop voulu s’aligner sur l’opinion de sa femme. N’est-ce pas agréable d’être admiré ? Dans son for intérieur, François s’est dit qu’il n’avait rien fait de mal, et que rien de grave ne s’était passé. Pourtant, s’il est évident que François est resté pur sur le plan corporel, que s’est-il passé dans son cœur ?

Comprendre la subtilité de l'adultère du cœur

N’ayons pas peur de nous questionner sur le cœur. Celui qui connaît la fragilité de notre nature, Notre Créateur, nous en parle. Dans le sermon sur la montagne, Jésus nous fait réfléchir sur la subtilité de « l’adultère du cœur » (Mt 5,37-38). Là où l’accueil d’une légère infidélité dans mon cœur me cause un petit plaisir. Il ne le fait pas d'abord pour m’accuser. Il m’invite à être plus fin dans ma conscience, plus libre et plus vrai dans le don de soi dans le couple.

Le philosophe Yves Semen commente ce passage de l’Évangile avec des paroles qui réveillent : « Dans le mariage, on ne promet pas seulement à l'autre l'exclusivité du don de son corps, mais également celui de son cœur, quand bien même ce cœur, depuis le péché des origines, est blessé et malade et a sans cesse besoin d'être soigné et guéri par le sacrement de la miséricorde. Les personnes mariées sont ainsi tenues d'exercer une particulière vigilance quant à la qualité du regard qu'ils portent sur les autres hommes et les autres femmes. Cette attitude portait autrefois un nom : la modestie... Peut-être vaudrait-il mieux l'appeler aujourd'hui la réserve, car les époux sont en effet totalement réservés l'un pour l'autre » (Yves Semen, « La spiritualité conjugale selon Jean Paul II »).

«Nous avons beaucoup de possibilités de nous comporter plus ou moins fidèlement : dans nos regards comme dans nos pensées, dans nos gestes comme dans nos paroles, au boulot ou devant l'ordinateur.»

Revenons à François. Je suis sûr qu’il n’avait aucune mauvaise intention. On peut même dire qu’il a subi une situation qu’il n’avait pas créée. Mais la question est la suivante : s’il se laisse faire, s’il accepte sans réagir cette petite vague d’affection provenant d’une personne qui n’est pas sa femme, est-il vraiment fidèle aux promesses de son mariage ? Est-il fidèle dans son cœur ? Et si nous retournons la situation pour y chercher le positif, ne pouvons-nous dire que lui est offerte l’opportunité inattendue de renouveler son « oui » inconditionnel à sa femme ?

Aux yeux de François, donc, il ne s’était rien passé de grave. Mais on ne peut nier que sa femme a légitimement vécu la même situation bien douloureusement. Ce qu’ont vécu Ghislaine et François, nous y sommes confrontés tous les jours. Seul ou en présence de son conjoint, nous avons beaucoup de possibilités de nous comporter plus ou moins fidèlement : dans nos regards comme dans nos pensées, dans nos gestes comme dans nos paroles, au boulot ou devant l'ordinateur.

Adapter son idéal de fidélité aux nouvelles situations de la vie à deux

Ici, je ne parle pas de l’infidélité grave, celle que l’on vit quand on se laisse aller à la pornographie, à la prostitution, ou une affaire extra-conjugale. Là, il n’est pas difficile de voir que c’est mauvais. Je parle plutôt des petites nuances, celles qui caractérisent les limites d'un domaine très précieux pour qui veut grandir dans la fidélité. Celle-ci n’est jamais statique. L’autre change, les circonstances changent, et moi aussi je change. La vie me mettra forcément dans des situations où je devrai renouveler mon idéal de fidélité, d’exclusivité, de don total de moi-même et de mes facultés à l’autre. « En vous engageant dans la voie du mariage, vous vous promettez amour mutuel et respect : est-ce pour toute votre vie ? ». Mon petit oui d’il y a X années est devenu trop étroit. Il doit être renouvelé et adapté aux nouvelles situations de notre vie à deux.

«Pour être sûr qu'on ne fait rien de grave, la recette est simple. Il suffit de se poser la question si on pourrait sereinement parler de cette autre relation avec son conjoint.»

Dans le cas de François et Ghislaine, il serait trop dur de parler de trahison, ou d’infidélité aux promesses du mariage. Mais il faut reconnaître qu’il y a malheureusement pas mal d’histoires similaires qui terminent en adultère et même en divorce. Saint Jean Chrysostome se posait la question dans une de ces homélies : Comment le peuple d’Israël, après avoir attendu si longtemps la venue du Messie, avait pu arriver au point de le flageller et de le crucifier ? Pour répondre à cette question, il reprenait l’histoire de Caïn et Abel. Comment le diable a-t-il réussi à convaincre Caïn de tuer son frère Abel ? Par tentation inoculée à petites gouttes, expliquait ce fameux Père de l’Église.

En premier lieu, le diable suggère à Caïn qu’il n’a pas à justifier à Dieu pourquoi il ne lui donne pas la meilleure part de sa moisson, seulement une bonne parmi d’autres. Ce n’est pas bien grave, mais c’est pourtant bien une première petite victoire. Ensuite, Dieu accueille le sacrifice d’Abel plutôt que celui de Caïn. Ce dernier y trouve une justification à sa jalousie. Rien encore de trop grave… mais il s’agit quand-même d’une deuxième petite victoire. De la jalousie il ira à la haine en étant passé par la malveillance. Ce qui justifiera son acte fatal. Victoire finale !

L'ennemi du couple ne va pas suggérer de commettre un adultère. Cela ne se passe pas comme ça. Mais il peut y avoir des moments dans la vie que l’on vit ‘un peu trop’ dans l’attente, comme de recevoir un message WhatsApp ou SMS d’une personne de l’autre sexe. Où on se réjouit ‘un peu trop’ d’avoir une conversation intime avec telle autre personne au boulot. Ce qui peut être complètement innocent peut aussi signifier qu'on a donné une place trop grande dans son cœur à cette personne. Pour être sûr qu'on ne fait rien de grave, la recette est simple. Il suffit de se poser la question si on pourrait sereinement parler de cette autre relation avec son conjoint.

Pour nous aider à voir plus clairement, Dieu nous a équipé d’une conscience. C’est une voix intérieure qui nous rappelle la vérité. « Présente au plus intime de la personne, la conscience morale est un jugement de la raison qui, au moment opportun, enjoint à l’homme d’accomplir le bien et d’éviter le mal. Grâce à elle, la personne humaine perçoit la qualité morale d’un acte à accomplir ou déjà accompli, permettant d’en assumer la responsabilité. Quand il écoute sa conscience morale, l’homme prudent peut entendre la voix de Dieu qui lui parle » (Compendium du Catéchisme de l’église catholique, nr 372).

Rechoisir son couple au-delà de toute autre réalité

Pour conclure, j’aimerais retrouver le François de Ghislaine. Pour lui, ressentir du plaisir dans une relation ou dans une occupation, ce n’est pas mauvais en soi-même. En fait, c’est même une belle occasion de « préférer » son couple, de rechoisir son conjoint au-delà de toute autre relation, et de renouveler sa promesse. Donc, au lieu d’être fâché, François aurait pu se dire la chose suivante : « Tiens, je me rends compte que ça m’a plu. C’est donc une nouvelle opportunité d’investir cette extra dimension d’affection dans mon couple, de la donner à ma femme, plutôt qu’à cette autre personne. Une nouvelle opportunité en définitive de choisir mon couple au-delà de toute autre réalité ».

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