Dans “Les Héros de la Vendée”, Jean-Joël Brégeon dresse le portrait des chefs de guerre qui, de 1793 à 1796, menèrent la révolte contre les armées républicaines et la Terreur. Sous la légende, noire ou dorée, des destins hors-normes d’hommes ordinaires devenus extraordinaires. Parmi eux, le pieux marquis de Lescure, qui combattit, commanda et mourut en chrétien.Les origines du soulèvement vendéen de 1793 sont connues : rejet d’un pouvoir républicain jacobin et terroriste, refus d’une levée en masse qui ponctionne les milieux populaires, défense de la religion persécutée. Les chefs du soulèvement affichent leur foi, ils en sont les porte-enseignes. Mais ils le font avec plus ou moins de démonstrations. Des hommes comme Charette, Marigny ou Stofflet ont plus de retenue que Cathelineau, Bonchamps ou Lescure qui s’exaltent plus vite.
Fils de libertin
Le cas le plus intéressant est celui de Louis-Marie de Salgues, marquis de Lescure. Il a 27 ans en 1793 et son parcours jusque-là n’a rien d’exceptionnel. De vieille noblesse poitevine, d’un père officier, il entre à l’École militaire. Il reçoit ensuite un commandement au régiment de cavalerie le Royal Piémont. En 1791, il épouse Victoire de Donnissan qui, devenue veuve, épousera Louis de La Rochejaquelein. Ses Mémoires sont un témoignage essentiel de la guerre de Vendée. Elle y met en scène son premier mari.
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Avant ce mariage, l’épisode le plus marquant de la vie de Lescure tenait aux derniers jours de son père. Autant courtisan que militaire, ce dernier était un familier de la Cour ; il fréquentait aussi des cercles libertins au double sens du terme. Un coureur de jupons, joueur mais aussi lettré, admirateur des Lumières, voltairien en diable.
L’ironie du sort voulut que, ruiné, malade, il finit recueilli par son ami le marquis de Girardin à Ermenonville, là où reposait Jean-Jacques Rousseau, le pourfendeur déclaré des préceptes voltairiens. Lescure passa deux mois au chevet de son père malade. Il profita de la riche bibliothèque pour lire et relire la Bible, les stoïciens… Une fois de plus La Nouvelle Héloïse lui arracha des larmes. Il sombra dans une mélancolie proche de celle du jeune Werther (1774).
Un soldat chrétien
C’est sûrement par le truchement de Rousseau — non l’idéologue mais le méditatif, amoureux de la nature, de la vie simple, vénérant Dieu non comme maître horloger mais comme instigateur d’une vie morale exigeante — que Lescure renforça sa foi. Il s’engagea pour la défendre mais pas à n’importe quel prix. Durant son bref parcours guerrier (un trimestre), il se refusa à toute violence inutile. Il interdit à ses hommes tous les excès, toutes les vilenies propres aux guerres civiles. Il les plia à un comportement effectivement chrétien. Blessé mortellement, en proie à une terrible agonie, il livra comme un testament à Victoire :
“Ta douleur seule me fait regretter la vie ; pour moi, je meurs tranquille ; sûrement, j’ai péché, cependant je n’ai rien fait qui trouble ma conscience et me donne des remords. J’ai toujours servi Dieu avec piété, j’ai combattu pour Dieu, j’espère sa miséricorde, j’ai vu souvent de près la mort et je ne la crains pas” (Mémoires).
Les Héros de la Vendée, Éditions du Cerf, janvier 2019, 286 pages, 20euros