Le personnage du loup dans la littérature enfantine est complexe : il effraye autant qu’il fascine. En réalité, il participe à la construction de la maturité psychologique de l’enfant, qui, en surmontant sa peur du loup, s’en affranchit pour de bon.
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Si les loups sont de moins en moins nombreux sur le territoire, en revanche, ils prolifèrent dans la littérature enfantine. Pourtant, dans le bestiaire imaginaire, le loup est méchant, féroce et cruel, comme on nous le dépeint dans les Trois Petits Cochons, Le Petit Chaperon Rouge ou La Chèvre de Monsieur Seguin. Il fait peur aux enfants, qui se réveillent parfois en pleine nuit en hurlant « au loup ». Alors comment expliquer cette fascination complexe de la part des enfants vis-à-vis du loup ?
Le loup, un animal cruel en tous lieux et en tous temps
Le grand méchant loup est un motif traditionnel qui a sa part d’universalité. Il existe en Chine un très vieux conte intitulé Yang et le loup, dans lequel le loup massacre le troupeau du petit berger Yang.
Au Moyen Âge, sur l’échelle de la férocité, le loup occupe la quatrième place, derrière le lion, l’ours et le léopard. Mais très vite, l’Europe ne comptant pas de félins, l’ours et le loup occupent rapidement le haut du pavé.
Au XVIIIe siècle, Buffon décrit le loup dans son Histoire naturelle en ces termes : « Désagréable en tout, la mine basse, l’aspect sauvage, la voix effrayante, l’odeur insupportable, le naturel pervers, les mœurs féroces, il est odieux, nuisible de son vivant, inutile après sa mort. »
Pourquoi les contes mettent-ils en scène ces animaux si peu aimables, et pourquoi les enfants applaudissent-ils ?
La peur du loup est un moment nécessaire à la construction de l’enfant
Donald Winnicott, psychanalyste anglais, dit qu’un enfant qui n’a pas l’air effrayé par l’orage dans les rues de Londres, n’est pas normal. Tous les enfants, entre 4 et 7 ans, grandissent avec la peur : du noir, des fantômes, du monstre ou du voleur cachés sous son lit… La peur du loup est l’angoisse symbolique de se retrouver broyé, avalé, ou morcelé.
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Il y a une vingtaine d’années, le psychanalyste Pierre Lafforgue affirmait déjà que le loup occupait une place centrale dans l’imaginaire des enfants : « Chassez l’idée du loup, elle revient au galop. Ne parlez pas du loup aux enfants, ils en parleront eux-mêmes. L’idée du loup arrive juste avant les gros mots, cela fait partie de la maturation de la psyché enfantine, en quête de représentations symboliques. »
La peur du loup est un moment nécessaire à la construction de l’enfant. Lorsqu’il parvient à dépasser ses angoisses, vers 7-8 ans, c’est une victoire sur sa destinée et une évolution de sa maturation psychologique.
En demandant des histoires de loup, l’enfant s’entraîne à surmonter sa peur
Se confronter au grand méchant loup et à la peur qu’il engendre permet à l’enfant de se rassurer sur sa capacité à vaincre sa peur.
Catherine Marchi, psychologue, donne la réponse suivante pour le magazine Parents : « Bien à l’abri à côté de sa maman et bercée par la douceur de sa voix, votre enfant peut s’identifier aux petits cochons, avoir très peur et se réjouir avec eux à la fin car ils ont réussi à vaincre le méchant. C’est une sorte d’entraînement à surmonter sa peur ! Grâce à cette histoire, il prend confiance en lui et en sa capacité à vaincre sa peur, et à être plus fort et plus intelligent que les méchants. »
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L’enfant est également rassuré dans la mesure où il perçoit que, même s’il existe des dangers, il s’en sortira toujours. Ce qui explique pourquoi les enfants adorent entendre ces histoires de loup, même s’ils les craignent, car ils savent qu’à chaque fois, les trois petits cochons vont l’emporter.
Cela rejoint la théorie de Bruno Bettelheim, psychologue américain du siècle dernier, sur les contes de fées : le conte de fées délivre principalement comme message à l’enfant que « la lutte contre les graves difficultés de la vie est inévitable et fait partie intrinsèque de l’existence humaine, mais que si, au lieu de se dérober, on affronte fermement les épreuves inattendues et souvent injustes, on vient à bout de tous les obstacles et on finit par remporter la victoire » (Psychanalyse des contes de fées, 1976).
Vers une image plus tendre et plus attachante du loup ?
Au début des années 1990, le loup devient une espèce en voie de disparition, qu’il convient de protéger. Dès lors, il semble que l’image du loup dans les récits pour enfants s’en trouve modifiée. Sa personnalité passe de cruelle à ridicule, tendre, et même attachante.
Et pour preuve le personnage de Loulou, de l’École des Loisirs, ou encore le loup de Marlaguette, pilier des éditions du Père Castor, qui se fait soigner sans broncher par la petite fille, et renonce au petit gibier par amour pour elle.
On peut donc légitimement se demander comment nos enfants vont s’affranchir de leur peur, s’il n’y a plus de grand méchant loup pour les y aider !
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