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Divorcés remariés : quelle place en paroisse ?

Homme seul, de dos, dans une église.

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Bénédicte de Dinechin - publié le 25/04/17
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Se sentir aimé, sans jugement, dans sa paroisse, peu importe son état de vie, est le voeu le plus cher de toutes les personnes divorcées et remariées. Quelle place pour ces couples-là ? Comment vivent ils leur Foi ? Témoignages. 

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Le fossé reste profond entre l’accueil, inconditionnel, auquel chaque paroissien peut légitimement s’attendre, et la réalité, douloureuse, vécue par les couples divorcés et remariés, dans certaines communautés. Comment conjuguer miséricorde et nécessaire exigence ? Un exercice auquel invite l’encyclique Amoris Laetitia, une priorité pastorale pour que chacun se sente aimé sans jugement dans sa paroisse. Faudrait-il  une place spécifique, comme autrefois des bancs réservés, ou que ces couples soient accueillis sans discrimination, en enfants de Dieu comme les autres ? Ce sujet de la place des divorcés remariés et de leur accès à la communion, divise autant les cathos que la politique, comme si la parabole de la paille et la poutre n’était valable que pour les contemporains du Christ.

Un discernement personnel au cas par cas

« Pourquoi cette focalisation sur notre état de vie et ce point précis, alors que l’accès à la communion ne devrait jamais être un automatisme ou une évidence pour aucun catholique » se demande avec un peu d’amertume Jean. Nombreux ont scruté à la loupe l’exhortation apostolique Amoris Laetitia pour chercher LA petite phrase dans un texte de 325 paragraphes, et s’empresser de proclamer que le pape assouplissait les règles ou, qu’au contraire, il ne bougeait pas une virgule de la doctrine. C’était sans compter sur un François jésuite qui, comme Saint Ignace, met l’accent sur le fort interne et un discernement personnel et au cas par cas, éclairé par la sagesse de l’Eglise. Comme le souligne Philippe Bordeyne dans Divorcés Remariés, ce qui change avec François, ( Editions Salvator), le Pape invite au discernement personnel et pastoral : «  Discerner , c’est chercher l’idéal sans oublier qu’il doit s’incarner étape par étape dans le concret de nos existences. C’est également se fier à la grâce de Dieu en guettant la croissance qu’elle suscite dans la vie des personnes qui acceptent de s’ouvrir à elle. Discerner, c’est enfin exposer la conscience morale à la reconnaissance lucide des limites, les siennes, celles des autres et celles de notre époque, de façon à former un jugement droit dans le réel tel qu’il est ( …) et non tel qu’on voudrait qu’il soit. »

 Une mission à inventer

Si elle devait trouver un service à apporter à sa paroisse, Béatrice se tournerait volontiers vers… la préparation au mariage. «  Et pourtant, ce n’est pas possible dans ma situation, reconnaît-elle, bien que mon histoire m’ait aidée, comme en creux, à prendre encore plus conscience de la valeur du mariage et de la préparation indispensable. Sur ce point là, je me sens légitime pour témoigner. » Un peu «  hors des clous », la mission des divorcés remariés serait à inventer, selon le charisme de chacun. Pour Béatrice ce fut un engagement en faveur de la famille, puis un livre-témoignage sur sa Foi retrouvée et sa confiance dans la pédagogie de l’Eglise, ( Béatrice B., catholique divorcée remariée, aux éditions Artège) . Isabelle, mariée à un homme divorcé, accompagne les familles en deuil. Un service qu’elle a choisi et dans lequel Dieu l’attendait au tournant puisque c’est au cours d’une messe de funérailles, qu’elle avait préparée, qu’une phrase entendue la convertit de manière fulgurante. Une relation d’amour avec le Christ, mais pas de confirmation possible pour la jeune femme, qui essuya, il y a quelques années, un refus de l’évêque de son diocèse.

Divorcés- remariés, un état de vie lourd à porter

« Et si on enlevait leur étoile jaune aux divorcés remariés, pour les considérer comme des paroissiens comme les autres ? s’interroge Béatrice, fatiguée d’être étiquetée par son état de vie. «  Dieu seul connaît les secrets des cœurs, comment peut-on juger si facilement ? » Il lui a fallu vivre un long chemin d’acceptation puis de conversion totale pour « accepter en paix que l’Eglise ne lui permette pas d’accéder à la communion, alors que d’autres personnes, en état de péché grave, ne s’en privent pas. » Pour elle « il n’y aurait pas de place spécifique à avoir en paroisse, pas plus que de bancs réservés aux notables locaux. Nous avons besoin de nous sentir chez nous en paroisse, accueillis comme tout un chacun auquel personne ne demande de CV ni de liste de ses péchés » explique-t-elle. Un regard qui a poussé Sandrine à faire un recours en nullité de mariage, bien que la démarche ait été difficile à comprendre pour ses trois enfants.

Vers un changement des regards et des cœurs ?

Un an après Amoris Laetitia, qu’est ce qui a changé ? Pas grand chose, comme si chacun n’avait retenu de cette exhortation que ce qui l’arrange, témoigne Sophie. Pour elle , il «  faudra du temps  pour voir les évolutions, pour qu’on nous enlève notre étiquette.» Difficile de faire la part des choses entre auto-censure, souffrance due aux ragots et réel rejet. « On a parfois tendance à s’isoler soi-même quand on ne va pas bien, reconnaît Béatrice, mais il est vrai que certaines responsabilités me sont fermées. Je ne pense pas que les parents verraient d’un bon oeil que je fasse le catéchisme à leurs enfants.»

Dans d’autres communautés, moins citadines, l’ambiance est bien différente, et la nécessité de l’annonce de la Parole de Dieu prend le pas sur la sélection des états de vie. Ainsi, dans les territoires ruraux ou le manque de bénévoles est un grave souci, pas de censure dans le recrutement des laïcs, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. « En même temps, l’exigence de l’Eglise, qui fut source de souffrance, a été une chance pour moi , dit Béatrice. Sa fermeté a été l‘origine de ma révolte, de mon cri vers Dieu et de ma conversion. Mais doctrine et accueil devraient être compatible, demande-t-elle, encore meurtrie par tous les jugements qu’elle peut entendre. «  Je me sens dans l’obligation de me justifier auprès des autres, analyse-t-elle, très vite j’annonce mon état de vie pour éviter que les personnes ne se sentent trahies en le découvrant plus tard. »

Saint Jean-Paul II demandait déjà, en 1981,  dans Familiaris Consortio, d’accueillir avec charité fraternelle dans l’Eglise les personnes dans «  une situation irrégulière ». Ne serait-ce pas le cas de chaque chrétien, même si l’état de vie des personnes divorcées remariées est plus visible pour une communauté, que des petits arrangements avec une conscience ? Et si, finalement, la question de la place des divorcés remariés amenait chacun à plus d’exigence et de cohérence, elle serait source de fécondité spirituelle et de miséricorde mutuelle.

 

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