[REPORTAGE] Une messe d’hommage à Jean Paul II en forme de passage de flambeau

La célébration de la mémoire de Jean Paul II, en l’absence du pape François toujours convalescent, a été l’occasion de retrouver quelques visages familiers pour ceux qui avaient suivi ce pontificat marquant la jonction entre deux millénaires. C’est sous les applaudissements des fidèles, et notamment des nombreux pèlerins polonais venus au Vatican pour l’occasion, que son incontournable secrétaire, le cardinal Stanislaw Dziwisz, 85 ans, a pris la parole en italien pour rappeler qu’aujourd’hui encore, "l’Église garde le souvenir ému d’un pasteur venu à Rome d’un pays lointain". 

Dans son homélie, le cardinal Pietro Parolin, qui a personnellement vécu la fin du pontificat de Jean Paul II en tant que sous-secrétaire pour les Relations avec les États, a rendu hommage à un “pèlerin infatigable” capable de voyager "jusqu’aux extrémités de la Terre". 

"Bénissez-nous, Saint-Père Jean Paul II ! Bénissez cette Église du Seigneur en chemin, afin qu’elle soit pèlerine d’espérance. Bénissez cette humanité déchirée et désorientée, afin qu’elle retrouve le chemin de sa dignité et de sa très haute vocation, afin qu’elle connaisse la richesse de la miséricorde et de l’amour de Dieu !", a exhorté le cardinal Parolin au terme de son homélie.

“La messe d’aujourd’hui est un signe fort, pour redécouvrir, revivre cette présence qui fut si importante pour ma génération”, explique sœur Ewa, religieuse polonaise de la congrégation de Notre-Dame de Nazareth. Elle se souvient d’avoir été présente sur la place Saint-Pierre lors de l’annonce de la mort de Jean Paul II, le 2 avril 2005. “La réaction du peuple qui priait est un moment inoubliable pour moi. Encore aujourd’hui, je le sens près de nous, je lui confie de nombreuses personnes, de nombreuses situations de ma vie, et j’ai déjà vu beaucoup de signes de son intervention… Cela me donne des frissons quand j’en parle !”, explique la religieuse. 

Cette célébration, qui s’est tenue en présence de la Première ministre italienne Giorgia Meloni et de nombreux ambassadeurs, a vu la présence de plusieurs cardinaux qui avaient étroitement collaboré avec Jean Paul II. Le cardinal Konrad Krajewski, qui fut son cérémoniaire, apparaissait très ému à la sortie de la messe. En fauteuil roulant, le cardinal Camillo Ruini, 94 ans, emblématique vicaire général du diocèse de Rome durant plus de 20 ans, a été salué avec beaucoup de respect par ses confrères. En sortant de la basilique Saint-Pierre, le cardinal nigérian Francis Arinze, 92 ans, qui fête cette année ses 60 ans d’épiscopat et demeure l’un des derniers survivants du Concile Vatican II, éconduisait poliment les personnes cherchant à le saluer et récitait son chapelet en marchant lentement… à la manière du pontife polonais.

Cette commémoration des 20 ans rassemblait donc un monde qui s’éteint, une communauté de foi et de travail dont certains représentants ne seront plus là lors du 30e anniversaire en 2035. Mais cette messe a aussi vu la participation de nombreux jeunes, dont certains ont à peine connu Jean Paul II mais cultivent néanmoins un profond attachement à son égard. C’est le cas de Dorina, étudiante hongroise qui suit des cours à l’Angelicum, où elle travaille sur des textes de Jean Paul II. "Je suis née en l’an 2000 et je n’avais donc que cinq ans lors de son décès, mais je me souviens d’un grand choc, d’une grande tragédie, même si nous savions qu’il était malade. Nous avons suivi ses funérailles à la télévision ukrainienne, et je me souviens de la grande tristesse de ma famille", explique-t-elle.

La jeune femme, dont les racines familiales mélangent l’Ukraine, la Russie, la Biélorussie, la Hongrie et la Pologne, explique que Jean Paul II reste, encore pour aujourd’hui, une figure essentielle pour toute l’Europe centrale. "C’était une grande expérience pour moi d'être ici aujourd’hui, je suis tellement reconnaissante à Dieu et à saint Jean Paul II d’avoir pu venir ! Dans nos pays slaves, la population, y compris la partie orthodoxe, est toujours très respectueuse à l’égard de Jean Paul II. Nous sommes très reconnaissant pour ce qu’il a fait pour nous, notamment à l’époque communiste. Il a fait des choses incroyables !", explique-t-elle avec enthousiasme.

Le père Matthias, prêtre du Congo, est venu rendre hommage au pontife polonais qui avait fait étape à Brazzaville lors de sa première tournée africaine, en 1980. "C’est un pape de référence pour mon pays d’origine. Il s’était recueilli sur la tombe du cardinal Emile Biayenda, assassiné trois ans auparavant, en 1977. Jean Paul II, qui l’avait bien connu, avait dit aux Congolais : ‘Vous avez perdu un père, mais moi, j’ai perdu un frère’. Ses mots ont marqué l’histoire de mon pays", explique le prêtre, qui tenait à rendre hommage “au pape de la jeunesse, de l’eucharistie, de la miséricorde, et qui s’est beaucoup investi dans la géopolitique. Nous avons besoin d’un pape comme Jean Paul II pour renforcer la diplomatie vaticane”, explique-t-il.

Son compatriote le père Bienvenu, religieux trinitaire, vicaire dans une paroisse du diocèse de Palestrina, considère que Jean Paul II "représente une figure charismatique qui a marqué l’Église. Célébrer son pontificat signifie, pour tous les catholiques, s’ouvrir à l’amour de Dieu. Il nous a demandé d’ouvrir nos cœurs et nos portes à Jésus. Nous visons dans une société paganisée, sécularisée, mais nous devons écouter Jean Paul II pour nous ouvrir à la miséricorde divine", souligne le jeune prêtre.