Le pape François, défenseur de Jean Paul II

La véritable relation entre le pape François et le pape Jean Paul II est méconnue. Alors qu'il n'était qu'un jeune prêtre, l'Argentin se souvient avoir appris l'élection d’un nouveau pontife à la radio en octobre 1978. "J'ai entendu le nom Wojtyla et j'ai pensé : "un pape africain". Puis on m'a dit qu'il était polonais", a-t-il confié dans un livre consacré à Jean Paul II paru en 2020 (San Giovanni Paolo Magno, entretien avec le père Luigi Maria Epicoco, San Paolo). Dans cet ouvrage, François confie avoir tout de suite aimé ce nouveau pape, notamment en raison de sa réputation de passer du temps avec les étudiants universitaires, de sa passion pour le sport, de sa dévotion à Marie et, surtout, de sa réputation de prier souvent et profondément. 

Des années plus tard, le pape polonais le fit archevêque de Buenos Aires en 1998. À l’époque, il cite beaucoup Jean Paul II dans ses homélies et se fait, par la même occasion, des ennemis : "Beaucoup m'ont perçu comme un conservateur. Certains m'ont vu ainsi, mais j'ai toujours été en harmonie avec ce que disait le Pape", raconte-t-il encore. "En 2001, lorsque j'ai été nommé cardinal, j'ai ressenti un fort désir, en m'agenouillant pour recevoir la barrette cardinalice, non seulement d'échanger le signe de paix avec lui, mais aussi de lui baiser la main", a déclaré François dans le même livre. "Certains m'ont critiqué pour ce geste, mais il était spontané", a confié celui qui, pourtant, est connu pour ne pas aimer qu'on embrasse son anneau papal.

Le 4 avril 2005, deux jours après la mort de Jean Paul II, le cardinal Jorge Mario Bergoglio préside une messe pour le pontife défunt. Dans son homélie, il rend un hommage appuyé au pontife polonais, le décrivant comme un "champion de cohérence" et comme un "témoin fidèle". Jean Paul II "n'a jamais trompé, n'a jamais menti, ne s'est jamais dérobé", a assuré le cardinal argentin. "Il a communiqué avec son peuple avec la cohérence d'un homme de Dieu, avec la cohérence de quelqu'un qui passait chaque matin de longues heures en adoration et, en adorant, s'est laissé harmoniser par la puissance de Dieu", a-t-il encore souligné. 

L'archevêque de Buenos Aires a mis en avant un homme qui "s'est sali les mains". Il a rappelé le rôle clé qu'il a joué pour empêcher le "massacre fratricide" dans le conflit qui opposait le Chili et l'Argentine pour le contrôle du canal de Beagle. Autre souvenir de son pontificat qui l'a marqué : le choix du Polonais d'aller rencontrer en prison celui qui avait failli le tuer en 1981, le Turc Mehmet Ali Ağca.

Le 27 avril 2014, le pape François, élu depuis à peine plus d'un an, décide de canoniser son prédécesseur – mais aussi le pape Jean XXIII. Le choix de la date de canonisation est significatif : il s'agit de la fête du Dimanche de la miséricorde, instituée par Jean Paul II en l'an 2000 lors de la canonisation de sainte Faustine Kowalska. Le pape François a pour sa part institué un Jubilé de la miséricorde en 2016. "Saint Jean Paul II a été le pape de la famille", avait affirmé le pape François dans son homélie. Il a souligné combien il avait connu les "tragédies" de son temps sans être écrasé, grâce à l'aide de la miséricorde de Dieu, mais aussi grâce à la "proximité maternelle de Marie".

Dans un message vidéo envoyé aux Polonais le même jour, le pape François les avait remerciés pour le "don de Jean Paul II". "Jean Paul II continue de nous inspirer. Il nous inspire par ses paroles, ses écrits, ses actions, son style de service. Il nous inspire par les souffrances qu'il a endurées avec une espérance héroïque. Il nous inspire par sa confiance totale dans le Christ, le Rédempteur de l'homme, et dans la Mère de Dieu", avait insisté le pontife argentin.

En avril 2023, le pape Jean Paul II a été victime de violentes attaques de la part de Pietro Orlandi, frère de la jeune Emanuela, dont la mystérieuse disparition, en 1983, n'a pour l'heure pas été résolue. L'Italien avait accusé le pape polonais d'abuser des jeunes filles. Le 16 avril, le pape François a réagi lors du Regina Caeli et a défendu vigoureusement saint Jean Paul II. "Certain d'interpréter les sentiments des fidèles du monde entier, j'adresse une pensée reconnaissante à la mémoire de saint Jean Paul II, objet ces jours derniers de conclusions offensantes et infondées", avait-il alors affirmé. Récemment encore, le pape argentin a préfacé un ouvrage en italien de textes inédits du pape Jean Paul II (La meta è la felicità, Ares, 2024), dans lequel il vantait "sa profondeur humaine et chrétienne". Le décrivant comme "l'un des hommes qui ont le plus marqué le siècle dernier", le pape François soulignait combien, "dans le monde d'aujourd'hui, si agité et imprévisible, nous avons particulièrement besoin de son exemple et de son attention paternelle".