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"Les riches doivent être critiques face à leur propre environnement d’abondance : pourquoi sont-ils riches et pourquoi à côté, il y a tant de pauvres ? Un chrétien riche y trouvera le début de sa conversion, dans un questionnement personnel : pourquoi suis-je riche et, autour de moi, tant de gens ont-ils faim ?" Assassiné le 24 mars 1980 en pleine messe, l’ancien archevêque de San Salvador (Salvador), Oscar Romero, a été canonisé en 2018. Il est considéré par les Sud-Américains comme le saint patron de leur continent.
Cette partie de l’Église
La trajectoire spirituelle et politique de celui qui fut qualifié de "prophète de l’Espérance" est assez singulière. Issu d’une famille modeste, après des études à Rome pendant les années quarante, il rentre au pays pour y être ordonné prêtre. Sa notoriété naîtra de sa désignation comme secrétaire de la Conférence des évêques salvadoriens en 1967. Dix ans plus tard, il sera archevêque de San Salvador. Homme conservateur, il manifeste beaucoup de méfiance devant les courants théologiques "en pointe" dans le sous-continent. Jusqu’à l’assassinat le 12 mars 1977 par les escadrons de la mort, milice liée au gouvernement en place, d’un ami prêtre jésuite, Rutilio Grande. Ce jour-là, il prend conscience que c’est l’engagement de celui-ci pour défendre les droits des plus pauvres qui lui a valu cette mort brutale. Il parlera de cet évènement comme de l’élément qui déclencha sa seconde conversion. Désormais, il ne cessera de se tenir résolument du côté des petits et des humbles, rappelant aux riches et aux puissants leurs devoirs. Dans un climat de corruption et de très grande violence politique, il dénonce avec courage les assassinats et la torture.
Lors de la remise du titre de docteur honoris causa à l’université de Louvain il prononcera ces paroles restées célèbres :
En moins de trois ans, plus de cinquante prêtres ont été attaqués, menacés ou calomniés. Six qui ont été assassinés méritent d'être considérés comme martyrs. Certains ont été torturés, d'autres expulsés du pays. Des sœurs ont été également persécutées. La radio de l'archidiocèse, des institutions éducatives catholiques ou d'inspiration chrétienne ont été attaquées, menacées, intimidées ou ont subi des attentats à l'explosif. Plusieurs communautés paroissiales ont fait l'objet de “raids”. Si tout cela s'est produit à l'encontre des représentants de l'Église, on peut imaginer ce qui a été fait aux chrétiens ordinaires, aux paysans, aux catéchistes, aux délégués et aux communautés de base. […] Mais il est important de remarquer pourquoi l'Église est persécutée : ce n'est pas tous les prêtres ou n'importe lequel d'entre eux. Ce n'est pas toutes les institutions ou n'importe laquelle de ces institutions. Est attaquée ou persécutée cette partie de l'Église qui s'est mise aux côtés du peuple et se pose en défenseur du peuple. Ici aussi, se trouve la même clé d'explication de la persécution de l'Église : les pauvres (Discours à l'Université catholique de Louvain, Belgique, 2 février 1980).
Obéir à sa conscience
Le 23 mars 1980, lors d’un sermon dans son diocèse, il s’adresse aux militaires exécutant les basses œuvres d’un régime tyrannique : "Un soldat n'est pas obligé d'obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Une loi immorale, personne ne doit la respecter. Il est temps de revenir à votre conscience et d'obéir à votre conscience plutôt qu'à l'ordre du péché. Au nom de Dieu, au nom de ce peuple souffrant, dont les lamentations montent jusqu'au ciel et sont chaque jour plus fortes, je vous prie, je vous supplie, je vous l'ordonne, au nom de Dieu : Arrêtez la répression !" Le lendemain, il tombera sous les balles de l’un d’entre eux.
Il n’est sans doute pas inutile de confier à ce saint martyr, lui qui connaissait si bien pour les avoir éprouvés dans sa chair, les liens obscurs qui peuvent se tisser entre certains États riches et démocratiques et certains autres exploités pour protéger les intérêts des premiers, tout en soutenant la caste qui dirige les seconds, la situation du continent américain duquel dépend, quoiqu’on en pense, le reste du monde.
Aux côtés des pauvres
Saint Oscar Romero rappelle à tous les riches de ce monde les responsabilités et les devoirs qui sont les leurs. Il rappelle à l’Église que le seul parti qu’elle ait le devoir de prendre et de garder jour après jour, est la défense des plus faibles et des plus fragiles. De ceux qu’on n’ose plus appeler de nos jours "pauvres", tant le mot nous fait peur collectivement et qui gémissent à nos portes.
Et à nous, qui ne sommes pas, loin de là, millionnaires, Oscar Romero vient réveiller cet appel qui ne doit pas simplement résonner que pendant le carême : ne considérons pas les biens qui nous sont confiés comme réservés à notre usage et satisfaction personnels. Afin qu’au Jour venu, nous puissions nous présenter sous le regard de Dieu en ayant eu la joie de vivre cette phrase déjà citée : "Est attaquée ou persécutée cette partie de l'Église qui s'est mise aux côtés du peuple et se pose en défenseur du peuple. Ici aussi, se trouve la même clé d'explication de la persécution de l'Église : les pauvres."